Les auteurs de SFFFH francophones ont du talent

Gaëlle Dupille est nouvelliste, auteur de La Main du diable et autres contes macabres paru chez L’ivre-Book entre autres. Elle est à l’origine de l’opération Le 1er septembre, j’achète un e-book/livre de SFFFH francophone, et revient, en novembre avec Les auteurs de SFFFH francophones ont du talent.

Du 1er novembre au 1er décembre, par le biais de la communauté  littéraire L’Invasion des Grenouilles,  je propose donc à tous les auteurs de SFFFH[1] francophones qui le souhaitent de poster sur leurs blogs, sites Internet ou pages Facebook l’extrait d’un roman, novella ou nouvelle dont ils sont les auteurs et qu’ils souhaitent faire découvrir à leurs lecteurs (il peut s’agir d’une publication récente ou ancienne). J’ai tout simplement baptisé cette opération Les auteurs de SFFFH francophones ont du talent.
Un événement a été organisé sur Facebook, où il sera possible de s’inscrire en tant qu’auteur (ou lecteur) et de laisser un lien vers le blog, site ou page comportant l’extrait que l’on souhaite faire découvrir.
Afin de montrer que l’on participe, il suffira d’apposer sur son blog/site Internet (ou page Facebook) le logo Du 1er novembre au 1er décembre, je participe à l’opération les auteurs de SFFFH francophones ont du talent, puis, de copier l’extrait de son roman/nouvelle, d’une longueur d’environ 7 000 à 15 000 caractères (espaces comprises). À la fin de l’extrait, un lien vers le site marchand de son éditeur ou d’une librairie sera ajouté afin que les lecteurs puissent directement acheter le roman/novella/recueil, s’ils sont conquis. Voici une belle manière pour les auteurs de SFFFH francophones (déjà publiés ou non) de prouver qu’ils ont du talent.

sfffhLe projet suivant de L’Invasion des Grenouilles se déroulera fin janvier. Il sera très différent puisqu’il visera cette fois à promouvoir la SFFFH francophone auprès des éditeurs anglophones par le biais de l’envoi à ces derniers d’un manifeste, de textes traduits et d’une lettre de soutien signée par des lecteurs, auteurs et éditeurs de SFFFH français, belges, québécois, etc.

 Gaëlle Dupille,

Auteure de SFFFH et créatrice de la communauté L’Invasion des Grenouilles

 

[1] SFFH : science-fiction/fantastique/fantasy/horreur

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Lectrice dans le milieu de l’édition : mon expérience (2/2)

Comment se passe mon travail de lectrice à l’heure actuelle ?

Comme je l’ai expliqué précédemment, ce n’est pas un travail à temps plein, mais qui m’occupe tout de même quelques heures par semaine. Je vais tenter de vous décrire cette activité, telle que je l’exerce depuis début 2014 pour une nouvelle collection de romance française.
On m’envoie donc une série de manuscrits ainsi que des bons de commandes où est indiquée la date de remise de chaque fiche de lecture. La plupart du temps, j’ai au moins deux semaines pour chaque roman (ce qui est beaucoup et pas vraiment monnaie courante, j’en ai conscience), mais je suis souvent plus rapide. Je transfère donc les fichiers sur ma liseuse et je commence la lecture. Avant de m’être envoyés, ces manuscrits ont déjà été présélectionnés, notamment grâce au synopsis requis par l’éditeur.
Ayant moi-même eu des manuscrits rejetés par des comités de lecture, je ne prends pas ce travail à la légère. C’est évident, j’ai plus souvent des mauvaises que des bonnes surprises.
Pour chaque manuscrit, je dois donc faire une fiche de lecture. Si le texte est court, je le lis entièrement avant de commencer à rédiger mon avis. Mais s’il est long, je prends en général quelques notes au fil de ma lecture. En effet, je dois fournir un synopsis détaillé et un descriptif des personnages. La partie la plus intéressante de ce document, c’est celle où je peux donner mon avis. Il ne s’agit pas de dire simplement, « j’aime » ou « je déteste », il est nécessaire que j’avance des arguments pour étayer ma position. Je dois aussi pouvoir évaluer si un manuscrit nécessitera beaucoup ou alors peu de travail éditorial avant publication.
Je ne peaufine pas la rédaction de ces fiches de lecture (elles font en général entre 2 et 4 pages). Je les relis une fois afin de m’assurer que ce soit compréhensible et de supprimer la majeure partie des fautes d’orthographe, mais c’est tout. En effet, le but n’est pas d’écrire moi-même une œuvre littéraire, mais de juger avec efficacité de celle produite par quelqu’un d’autre.
Être lectrice, c’est parfois très frustrant, surtout quand on lit le texte d’un auteur qui s’est sabordé lui-même. Mais même si j’ai envie d’arrêter ma lecture, je ne le fais pas, car je tiens à donner autant de chances à chaque manuscrit.

À mon poste actuel, il m’a fallu plusieurs mois avant de donner un avis positif sur un texte. J’avoue que je commençais à me demander si je ne montrais pas un peu trop dure, si je ne m’étais pas métamorphosée en « piétineuse de rêves en série », puis la pépite est arrivée, le joyau à l’état brut (enfin !). En apprenant qu’une autre lectrice avait totalement détesté ce même manuscrit, j’ai relativisé. Eh oui, tout avis est subjectif.

Mes coups de cœur

L’activité de lectrice nécessite bien entendu une certaine confidentialité, c’est pour ça que j’ai choisi ne pas citer de noms. Au cours de mes quelques années au sein de comités littéraires, je peux tout de même dire que j’ai eu deux coups de cœur littéraires, notamment l’histoire d’un certain Littlejohn et un roman fantastique Young Adults estampillé Cocyclics (qui n’a pas encore été publié à ma connaissance, mais que je courrai acheter en librairie dès sa sortie 🙂 ).

Conclusion

En tant que lectrice, j’ai bien sûr conscience qu’au final, ce n’est pas moi qui déciderai de la publication d’un ouvrage, c’est l’éditeur qui aura le mot de la fin, car mon rôle est purement consultatif. Les retours sur mon travail sont rares, mais ça me fait toujours plaisir quand un livre que j’ai aimé est finalement publié.
Bien entendu, mon expérience de lectrice ne reflète peut-être pas totalement l’expérience des autres personnes exerçant cette profession. N’hésitez pas à partager la vôtre en commentaires si le cœur vous en dit…

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Lectrice dans le milieu de l’édition : mon expérience (1/2)

Depuis 2010, je lis régulièrement pour des éditeurs. Ce n’est pas mon activité principale, mais plutôt une activité annexe. Souvent, les éditeurs n’ont pas le temps de lire tous les manuscrits qu’ils reçoivent. Ils délèguent donc une partie de ce travail à des lecteurs et se fient à leur jugement.
J’ai été lectrice en tant que stagiaire, en tant que bénévole, en tant qu’auto-entrepreneur, et plus récemment en tant que salariée (avec le statut de travailleur à domicile). Être lectrice, c’est bien sûr lire des manuscrits, mais surtout donner son opinion sur ces textes. Selon la maison d’édition, la forme donnée à cet avis peut varier. Parfois, on m’a simplement demandé de dire si j’aimais ou pas, mais le plus souvent, on m’a demandé un avis argumenté.

Qu’est-ce qu’un bon lecteur ?

J’ai suivi une formation dans l’édition pendant laquelle on m’a notamment appris à juger du potentiel d’un manuscrit, mais il ne me semble pas que ce soit forcément nécessaire pour devenir lecteur dans ce milieu. J’ai toujours été bon public, et je crois que savoir se montrer ouvert est une qualité importante pour cette activité. Il faut aussi avoir un esprit critique, être capable de repérer ce qui fonctionne (ou pas) dans le fond et dans la forme.

Des manuscrits comme des diamants bruts

Lorsqu’on est lecteur pour une maison d’édition, on reçoit les textes bruts (envoyés par la poste ou par mail), c’est-à-dire qui ne sont souvent pas passés par la moulinette éditoriale. Ces textes sont donc forcément (plus ou moins) imparfaits, et il faut reconnaître ceux qui pourraient être publiables.

Lectrice ici et là

C’est lors d’un stage dans le service jeunesse d’une maison d’édition que j’ai commencé à rédiger des fiches de lecture. Il s’agissait alors de romans en anglais dont l’éditeur envisageait de racheter les droits afin de les faire traduire en français. On ne me donnait pas d’instructions spécifiques, je rédigeais un résumé détaillé, faisais quelques commentaires sur le fond et la forme et surtout donnais un avis quant à une éventuelle publication. En général, ces textes étaient plutôt bons (même si pas forcément sous leur version définitive), car ils émanaient directement d’agences littéraires. Ce travail m’a entre autres permis de découvrir quelques très bons romans Young Adults en avant-première, ce qui était loin d’être désagréable.
Par la suite, j’ai postulé dans plusieurs maisons d’édition, notamment en tant que lectrice. Pour la plupart, les candidats étaient sélectionnés grâce à un test. Dans l’une d’entre elles, on m’a transmis un manuscrit et on m’a demandé de rédiger une fiche de lecture d’après un modèle-type. On m’a ensuite convoquée pour un entretien. En discutant avec le chargé de recrutement, j’ai vite déchanté. On m’a dit que si je souhaitais gagner ma vie avec ce travail, je devrais survoler les manuscrits plutôt que de les lire en entier. On m’a aussi expliqué que je serais davantage payée (3 euros de plus) pour un ouvrage que je jugerais « publiable » que pour un ouvrage « non publiable ». Pourquoi ? Car si un texte me semblait « publiable », je devrais également écrire sa quatrième de couverture.
Heureusement, par la suite, j’ai eu affaire à des éditeurs plus sérieux. J’ai notamment fait partie des comités de lecture de plusieurs petites maisons d’édition qui démarraient, et ça a été une expérience très enrichissante, même si dans ces cas-là, il s’agissait de bénévolat.

Quelle recette appliquer pour obtenir un bon manuscrit ?

En général, il ne me faut que quelques pages pour savoir si je vais aimer un ouvrage. Selon moi, les ingrédients essentiels d’un bon roman sont des personnages attachants (même un tout petit peu, ça suffit) et avec de l’épaisseur, une intrigue qui tient la route (Certains auteurs semblent oublier que « trop de coïncidences tuent la coïncidence ») et un minimum de suspense.
En ce qui me concerne, voici ce qui souvent s’avère rédhibitoire : les incohérences (par exemple, un personnage change soudain de prénom, mais ça, c’est une petite incohérence, j’ai vu bien pire…), les trop nombreuses fautes d’orthographe (un simple passage au correcteur orthographique et une relecture attentive suffisent souvent à y remédier), les personnages stéréotypés à l’extrême et autres clichés en pagaille.
Parmi les défauts récurrents que j’ai rencontrés, il y a les dialogues peu crédibles (souvent trop soutenus) ainsi que les textes qui ressemblent presque à des synopsis et ne comportent que de rares descriptions. Souvent, les auteurs situent leur action dans un contexte, un domaine, une époque qu’ils ne connaissent pas, et s’ils se sont mal (ou peu ou pas du tout) documentés, le résultat peut être particulièrement désastreux. Par exemple, beaucoup d’auteurs francophones choisissent de raconter une histoire se déroulant aux États-Unis sans avoir une vision de ce pays autre que celle véhiculée par les séries ou l’industrie cinématographique. Ils feraient mieux de situer leur action dans un contexte qu’il maîtrise, que celui-ci leur soit familier ou qu’il ait été totalement inventé. Il y aussi ceux qui cherchent à imiter leurs idoles, sans jamais y parvenir ; si on peut bien évidemment s’inspirer des autres, je pense qu’il est préférable de se créer son propre style.

À suivre…

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Microphéméride #1 (Walrus Books)

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microphéméride Microphéméride #01
Collectif
Éditions Walrus
Gratuit

J’ai toujours trouvé l’écriture de la micro-nouvelle un art particulier, pour ne pas dire particulièrement difficile. Je m’incline d’ailleurs devant les participants du Microphéméride trouvent des idées pour chaque jour de l’année.
Ce premier recueil de micro-nouvelles, paru aux éditions Walrus en juillet 2014, regroupe les textes de 2012. Il y a des textes plus réussis que d’autres, de ceux qui nous surprennent par les jeux de mots et la chute, qui peuvent faire grincer des dents ou rire jaune. Il y en a de très courts et de plus longs. Il y en a des humoristiques et des historiques.
Dans ces 200+ pages, on en a pour tous les goûts et je vous recommande ce recueil très vivement, c’est une excellente illustration du cours magistral de Jacques Fuentealba.

Avez-vous déjà essayé d’écrire une micro-nouvelle ? Et vous vous en êtes bien sortis ? 😉

Morceaux choisis :

« Au petit matin, il roulait dans sa caisse à fond et avec la gueule de bois ; au soir, sa gueule au fond d’une caisse de bois. »
Vincent Bastin (1er janvier)

« En cette Saint-Valentin, journée maudite entre toutes, alors que son sang, s’échappant de ses veines, forme dans l’eau de son bain les roses qu’il ne lui a jamais offertes, elle sait désormais qu’il n’y a rien de plus tranchant que les éclats d’un cœur brisé. »
Jacques Fuentealba

« En cette période pascale, on est bien en peine de dire qui est apparu en premier, de l’œuf ou du lapin. »
Jacques Fuentealba

« 24 avril 1793 : Marat est acquitté par le tribunal révolutionnaire. Il déclare alors : “Plus jamais je ne veux baigner dans des histoires sanglantes.” »
Anthony Boulanger

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De la micronouvelle et de ses techniques de rédaction (3/3)

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À la recherche du bon mot : tous les coups sont permis

On en vient parfois à aller chercher les mots ailleurs que dans notre langue lorsqu’on écrit de la micronouvelle. Le recours à d’autres langues survient souvent dans l’utilisation de paronymie ou homonymie. Ce jeu sur la paronymie entre le français et d’autres langues (ici le latin) constitue d’ailleurs toute une section du Bulletin insondable de Vincent Corlaix et Olivier Gechter.
Dans cette microphéméride uchronique d’Olivier Gechter (oui, encore lui !) l’utilisation de l’anglais est l’occasion d’un quiproquo dû à la polysémie du mot employé :

Le 22 décembre 1944, en pleine bataille des Ardennes, le sergent Johnson, cuisinier de l’armée américaine encerclée à Bastogne reçoit un message de son homologue de la Wehrmacht : « Nous n’avons plus que de la crème de Spéculoos pour les desserts du mess. Qu’y ajouter pour avoir un peu plus de croquant ? »
L’américain, fair-play, résuma sa recommandation en un mot : « Nuts! »
Eh oui, les noix, fruits secs faciles à trouver en décembre, s’accordent très bien avec le parfum de cannelle de ces petits biscuits.
La réponse arriva accidentellement sur le bureau du général Hasso von Manteuffel qui venait d’envoyer une demande de reddition aux troupes américaines. L’officier allemand crut que le général américain l’envoyait paître et lança aussitôt une expédition punitive à la grande surprise du général Anthony McAuliffe qui s’apprêtait à rendre les armes. Vexé, ce dernier remotiva ses troupes et parvint à tenir le temps de recevoir l’aide de Patton.
La cuisine avait une fois de plus changé la face de la Seconde Guerre mondiale. 

16 décembre 1944 – 25 janvier 1945 : bataille des Ardennes

À l’heure d’écrire la micronouvelle qui choque, interpelle, dérange ou surprend, l(a plupart d)es inhibitions tombent et l’auteur élargit son champ des possibles en allant piocher dans des champs lexicaux, des domaines de connaissance et des niveaux de langue qui ne lui sont pas forcément « familiers »… Familier donc et plus que ça, carrément vulgaire souvent, le niveau de langue de certaines de mes micronouvelles et de celles de mes congénères, du moins ceux de la Fabrique (même si certains énergumènes de la Microphéméride, comme Père Désœuvré et Nelly Chadour, ne sont pas en reste) ! L’argot est une façon de forcer les portes de la perception de la micronouvelle et d’ouvrir une réflexion sur le langage, la façon dont on peut tâter cet appendice quelquefois jugé nauséabond de la langue de Molière. Car après tout, l’argot a son étymologie, ses particularités et géniales trouvailles de langage qu’il serait dommage d’ignorer. Il permet parfois de décoincer certaines micronouvelles en cours d’écriture que l’on ne parvient pas à terminer.
L’expression « lâcher en renard » par exemple, m’a amené à réfléchir sur l’emploi du renard pour décrire l’acte de vomir. Cela m’a poussé à m’arrêter sur le mot « dégobiller », synonyme de ladite expression, puis sur le mot « dégoupiller » et a fini par m’inspirer cette micronouvelle :

Cet ivrogne qui chasse à la grenade ne s’étonne bien sûr pas que dégoupiller et dégobiller aient la même étymologie.

Alors bon, si vous faites quelques recherches, vous verrez bien que c’est du pipeau, les deux mots n’ont pas la même étymologie, mais je trouvais le rapprochement intéressant.
Il y a aussi parfois une dimension de « désacralisation » de la langue, dans le fait d’avoir recours à l’argot. On peut déboulonner certaines expressions figées, certains dictons paraissant immuables à coup de gros mots :

Francky Vincent dans le traîneau, partouze de lutins dans les cadeaux. (Karim Berrouka)

On peut aussi jouer sur un brusque changement de niveau de langage dans un texte en apparence « classique », pour un effet maximum, comme je le fais ici :

Mes voisins sont des vampires. J’ai bien observé : ils ne sortent jamais leurs poubelles. C’est donc qu’ils ne mangent pas. Ou sont juste de gros dégueulasses.

À noter, puisqu’il faut aussi parler un peu du fond, tant qu’à faire, que les microauteurs ont tendance à tremper leurs plumes dans le sang de muses de la SFFF, du polar, de la littérature érotique et du polar. Bref, les mauvais genres. On a pu avoir un début d’explication plus haut : l’utilisation de personnages déjà existants dans la mythologie, les contes ou la littérature est très tentante et permet d’obtenir une concision souhaitée vu que l’on ne s’embarrasse pas de caractériser ces personnages déjà connus du lecteur. On avancera aussi que la volonté de surprendre, de choquer et/ou de trouver le bon mot conduit logiquement le lecteur sur ces terrains de jeux. Mais un auteur de littérature « blanche », Éric Chevillard avec son Autofictif, constitue plutôt un contre-exemple, même s’il lui arrive de faire des incursions dans ces genres. Ses brèves sont plutôt ancrées dans le réel… avec le plus souvent un léger décalage et un ton qui les rapprochent de l’absurde. Lequel absurde n’est pas finalement très éloigné du fantastique (thématique autour de la folie, structure du récit parfois éclatée ou troublante…). Là aussi, l’un des effets recherchés par L’Autofictif est bien souvent la surprise.

Un de ces genres en particulier, ainsi que l’a fait remarquer Santiago Eximeno dans Técnica del microrrelato, un document préparatoire à la tenue d’ateliers de microécriture, semble particulièrement adapté à l’écriture de short short stories et contribue à dire que les flash fictions ne sont pas « simplement » des blagues. Il s’agit de la terreur :

[…] la terreur, comme l’a démontré, entre autres, Michael Arnzen dans son œuvre tant sur le réseau que sur papier, est le genre idéal pour la micronouvelle. Dans la short short story, l’auteur de littérature de terreur fait abstraction du superflu (du décor, des personnages, de la trame même), pour nous montrer un instantanée, une photographie d’un moment d’horreur pur, direct, qui peut provoquer un frisson chez le lecteur. En moins d’une centaine de mots, il est possible de transmettre au lecteur toute une gamme de sensations désagréables, douloureuses, attrayantes[7].

On ne résistera pas au plaisir de vous livrer quelques exemples parlants d’Eximeno, qui prêche, n’en doutez pas, pour sa propre paroisse, héhé :

Ça n’était pas une poupée. Il n’était pas démontable. C’était ton petit frère, pour l’amour de Dieu. Et non, ce que tu as fait ne peut pas se réparer.

Aujourd’hui dans un parc, un garçon m’a souri. J’ai gardé son sourire, il m’accompagnera toujours. J’espère que sa mère enterrera le corps[8].

Pour la science-fiction, les micronouvelles ont même leurs prix[9], c’est dire !

Il y a par contre, à ma connaissance, assez peu d’incursions des micronouvellistes dans des univers de fantasy pure – et non plus des emprunts aux contes de fées –, sans doute parce que la fantasy demande à poser un univers (géographie, peuples, religions, castes, Histoire…) ce que ne permet pas la micronouvelle en tant que telle.
Après, écrire des microfictions sur des œuvres de fantasy déjà existante et bien connues du public, des sortes de microfanfictions, quoi, est toujours possible. Santiago Eximeno avait par exemple écrit une dizaine de micronouvelles mash up de la Bible/Le Seigneur des anneaux.

Donc voilà, pour ouvrir le sujet et inviter les microauteurs en herbe à écrire, pensons à la fantasy de demain, qui sera à coup sûr composée de trios de micronouvelles et non plus d’interminables décalogies de parpaings !

[7] « […] el terror, como ha demostrado –entre otros– Michael Arnzen en su obra tanto en la red como en papel, es el género idóneo para el microrrelato. En el microrrelato, el autor de literatura de terror prescinde de lo superfluo (del decorado, de los personajes, incluso de la trama misma) para mostrarnos una instantánea, una fotografía de un momento de horror puro, directo, que pueda provocar en el lector un escalofrío. En menos de un centenar de palabras es posible transmitir al lector toda una gama de sensaciones incómodas, dolorosas, atrayentes. Extrait de Técnica del microrrelato, Santiago Eximeno (document de travail, non publié)

[8] Lambeaux de ténèbres, Santiago Eximeno (éditions Outworld/Kymera)

[9] Le fameux Pépin, déjà mentionné.

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