La biographie d’auteur

La bio : le texte que tous les auteurs doivent s’attendre à écrire un jour, et celui qu’en général, à moins d’être profondément narcissiques, ils prennent le moins de plaisir à écrire.

La première fois où vous serez amenés à rédiger une bio, souvent, c’est pour les envois de votre bébé aux éditeurs. Si, rappelez-vous bien les instructions : le manuscrit complet (en recto simple et double interligne), le synopsis (une autre sale bête) et… une petite bio. Si possible avec une bibliographie. Au tout début, c’est la panique : mais je n’ai encore rien publié, qu’est-ce que je vais bien pouvoir raconter dans ma bio qui intéresse l’éditeur ? (Parce que la recette de confiture de votre papy, c’est sympa mais il y a des chances pour qu’il s’en fiche.)
Vous avez certainement trouvé çà et là des conseils sur la lettre d’accompagnement du manuscrit qui vous conseillent de faire court et précis. Pour la bio, c’est un peu la même chose : allez à l’essentiel. Votre profession, vos activités annexes éventuellement (que ce soit le club d’écriture ou votre passion pour la randonnée de haute montagne), votre lieu de résidence et pas grand-chose d’autre. Inutile d’essayer de vous faire mousser, de raconter à quel point votre entourage adore ce que vous écrivez ou que vous avez su tenir un stylo avant de savoir marcher. Ce qui compte à cette étape, c’est le manuscrit. D’ailleurs, la plupart des éditeurs ne demandent pas de bio, ouf, vous voilà provisoirement sauvés.

Deuxième cas, plus sympa : votre texte a été retenu, hourra ! Vous planez sur votre bien légitime nuage de fierté quand l’éditeur vous en fait redescendre illico : « au fait, il me faudrait une bio à rajouter à la fin de l’anthologie / au dossier de presse / à votre présentation ». Souvent assorti d’une petite contrainte, sinon ça ne serait pas drôle : pas plus de 1 000 signes, raconté à la troisième personne (ou à la première), racontez une anecdote de votre enfance, etc. Je crois que dans les fanzines, j’ai à peu près tout testé, y compris une présentation sous forme de fiche de jeu de rôle. Pour les éditeurs, restons sérieux… mais avec la petite touche en plus qui va faire sourire le lecteur et (qui sait ?) le décider à acheter votre bouquin.
Vous avez généralement peu de place : il va falloir faire des choix. Et d’abord, décider la façon dont vous vous présentez. Allez-vous mettre en avant votre profession, votre parcours littéraire, votre enfance, les livres que vous aimez ?
Si vous voulez vous amuser, direction le site http://gen-couv.nootilus.com/ : à partir de votre nom d’auteur, il vous génère automatiquement couverture, quatrième de couverture et bio ! À noter : toutes les bios sont construites sur le modèle :

L’auteur est né le (date) à (lieu). (Profession) à (lieu), il consacre ses loisirs (loisirs). L’écriture lui permet de (n’importe quoi). Il travaille actuellement sur (un projet loufoque) mettant en scène (un personnage).

Abstraction faite des remplissages saugrenus, cette bio est une synthèse du genre :

Origines, situation actuelle, lien avec l’écriture, avenir.

Efficace mais peut-être pas très original (sauf si vous pratiquez l’élevage de pokémon comme le site l’affirme à mon sujet : auprès de jeunes lecteurs, c’est le succès garanti).

Pour ma part, j’aime la technique qui consiste à faire le lien entre la biographie et l’ouvrage auquel elle est liée. Vous écrivez pour la jeunesse ? Racontez comment la fameuse confiture de papy vous a inspiré pour la recette du nectar à voyager. Vous écrivez de la science-fiction ? Parlez de la collection de Sciences et vie junior que vous conservez précieusement sous votre lit. De la romance ? Vous avez certainement dévoré en cachette les Harlequin de votre grande-tante Marthe. Votre histoire se déroule sur la Grande Barrière de Corail ? Expliquez pourquoi cet endroit vous fait rêver.
À partir de cette première étape, vous pouvez enchaîner sur ce que nous disions ci-dessus : d’où venez-vous, qui êtes-vous, où allez-vous ? Si vous séchez vraiment, allez faire un tour sur le site de votre éditeur et lisez ce qu’ont écrit vos futurs collègues, ça peut débloquer votre inspiration et vous aider à trouver votre ton. (Et en plus, vous découvrirez de chouettes lectures). Insistez sur votre enfance si par exemple vous avez fait de nombreux voyages, vécu dans une contrée exotique ou pratiqué une activité inhabituelle. Sur le présent, si votre profession présente un lien particulier avec votre écriture (cas à part pour les veinards qui en vivent). Votre localisation géographique intéressera les libraires susceptibles de vous inviter pour une séance de dédicaces. Sur vos projets, s’ils peuvent intéresser le lectorat de votre roman. N’oubliez pas, cependant, qu’une biographie va rester un moment sur le site de l’éditeur / la quatrième de couverture / la présentation des salons (qui vont parfois la pomper directement sur le site de l’éditeur, vous n’avez plus qu’à croiser les doigts pour qu’elle soit en phase avec l’ouvrage que vous aurez sur ce salon…) : arrangez-vous pour qu’elle soit encore pertinente l’an prochain ou dans trois ans.

Vous avez lu jusqu’ici, bravo ! Maintenant vous n’avez plus de prétexte pour reculer le moment fatidique : il va bien falloir l’écrire, cette fichue bio…

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Les nouveaux modes d’édition : Long Shu Publishing

This entry is part 7 of 9 in the series Parole aux éditeurs

logo_LS[Espaces Comprises] Pourrais-tu te présenter, ainsi que la maison d’édition ? Qu’est-ce qui t’a donné envie de te lancer dans l’édition ?

Alexandre Girardot : Je suis ingénieur informaticien de formation. J’ai exercé durant les années 1990/2000, principalement dans le domaine du web et du développement de solutions intranet pour les grands comptes. Donc rien à voir a priori avec le monde du livre. Là où la connexion a pu se faire, c’est que j’ai une passion particulière pour la science-fiction.
Cela a fini par me donner l’envie d’écrire et lorsque j’ai pu faire une pause, je me suis tout de suite mis à l’ouvrage. Et puis, l’Histoire, mais aussi mon histoire personnelle, sont venues mettre mon joli petit plan de vie par terre. En 2001, j’ai écrit ce  roman de science-fiction, et peu après, j’ai fait un burn out. Il m’a fallu près de 10 ans pour commencer à y voir un peu plus clair et surtout pour retrouver assez d’énergie et de légitimité pour envisager de rechercher un éditeur pour mon roman. Après quelques envois infructueux, j’ai finalement opté pour l’auto-édition. Mais là, j’ai vite fait le constat que je devrais déployer une somme d’énergie importante pour assurer la promo de mon roman, sans parler du mauvais accueil qui m’était fait de la part des libraires. J’ai donc là aussi baissé les bras.

Pour présenter rapidement Long Shu Publishing.
Long Shu Publishing se conçoit comme une coopérative d’auteurs. D’ailleurs, l’équipe est composée majoritairement d’auteurs : John Steelwood, qui est très actif au comité de lecture et pour les actions de promotion lors de ses déplacements dans les salons et festivals de littérature, Colette Vlérick, qui est également traductrice et auteur éditée aux Presses de la cité et s’occupe de la correction/relecture, et moi-même, qui fait tout le reste.

 [EC] Pourrais-tu expliquer le concept de ta maison d’édition et ce qui t’en a donné l’idée ?

Après avoir tenu un blog très orienté politiquement, dans la zone du dehors, comme leAlexandre Girardot dirait Damasio, est née en moi petit à petit l’envie de publier des textes. Je me suis rendu compte que je manquais de compétence pour exprimer tout ce que je souhaitais exprimer et que d’autres le faisaient bien mieux que moi. Je me suis finalement senti à l’étroit avec mon blog et j’ai décidé de tenter l’aventure de l’édition. Nous ne savons pas concevoir une maison d’édition autrement que comme un média. C’est d’ailleurs mon principal critère pour choisir les livres que j’ai envie de lire, outre l’auteur et le livre lui-même : la maison qui édite ce bouquin se présente-t-elle comme un média ou juste comme un catalogue, une enfilade de titres disparates ? La ligne éditoriale est importante, c’est le message du média « éditeur ». Le fonctionnement interne de la maison d’édition aussi est important, tout comme la relation qu’elle entretient avec ses auteurs, ou du moins qu’elle souhaite entretenir car c’est surtout affaire de personnes et parfois, le message ne passe pas bien. Pour résumer, une maison d’édition est un média. Et comme le média, c’est le message, le message d’une maison d’édition est la manifestation de sa ligne éditoriale dans ses choix de publication, sa relation avec ses auteurs mais aussi son fonctionnement interne.
Ce qui me motivait quand je tenais mon blog, c’était tout autant d’exprimer mon opinion politique personnelle sur l’actualité que de produire des articles ou diffuser des ressources qui pourraient éclairer mes visiteurs sur l’époque actuelle, leur transmettre modestement une partie des outils qui me servent pour construire ma grille de lecture du monde.
Ma démarche est la même avec Long Shu Publishing. Mes opinions politiques se manifestent plus dans la façon dont j’ai organisé son fonctionnement dès le départ. J’ai souhaité que notre fonctionnement soit horizontal, que nos décisions soient prises sur la base du consensus. Je me considère plus comme l’initiateur du projet et son animateur que comme son dirigeant. Et les autres membres de l’équipe actuelle également. Ce projet, dès lors que d’autres personnes sont venues s’y greffer, a cessé d’être le mien pour devenir un projet collectif. C’est exactement comme cela que je voulais que mes idées politiques s’incarnent.
Ensuite vient notre ligne éditoriale.
Nous vivons une époque de changements. Notre époque est difficile à percevoir et à comprendre. Tout change très vite, tout est devenu complexe et tout le devient de plus en plus. En outre, nos contemporains prêtent de moins en moins attention à notre passé. La connaissance que nous pouvons en avoir peut nous éclairer sur notre présent et la nature des changements qui s’y opèrent. Et si nous oublions notre passé, ce sera la porte ouverte à toutes les dystopies.  De la même façon, la fiction aussi apporte une vision du présent, qu’elle soit contemporaine, d’anticipation ou qu’elle nous parle de notre passé de façon romanesque. Et quel meilleur moyen pour acquérir de nouvelles connaissances, être questionné sur notre présent, que par le divertissement, quand il est intelligent ? Bien sûr, nous ne voulons pas nous limiter à la fiction au sens large. Si un auteur vient vers nous avec un essai et que celui-ci entre dans notre ligne éditoriale d’une part et que la qualité et le sérieux sont au rendez-vous, il aura toutes les chances d’être favorablement accueilli.
Enfin, vient la relation avec les auteurs.
Et pour commencer, leur rémunération.
Près d’un an et demi de militantisme au sein du collectif du Droit du Serf m’ont fortement sensibilisé aux questions relatives au droit d’auteur mais aussi à leur rémunération. C’est d’ailleurs au fil des discussions qui y sont menées que s’est forgée ma connaissance de ce qu’on nomme improprement à mon avis la chaîne du livre. Une chaîne, c’est tout autant une suite de maillons liés les uns aux autres que l’outil qui sert à entraver. Nous n’aimons pas cette formulation chez Long Shu Publishing. Nous préférons parler de l’écosystème du livre.
La chaîne du livre actuelle est une pyramide à 5 étages :

  1. Le lecteur,
  2. L’auteur,
  3. L’éditeur,
  4. Le libraire,
  5. Le distributeur.

La plupart des gros éditeurs ont des parts sociales au sein des gros distributeurs. Ces derniers imposent un office aux libraires qui, de par ses modalités, oblige ces derniers à faire une avance sur trésorerie à leurs distributeurs (la politique des retours et des à-valoirs). Les éditeurs plus petits qui souhaitent passer par ces distributeurs le payent cher, et doublement. Ils payent le distributeur d’un côté et aussi le libraire. Et c’est l’auteur, en bout de course qui alimente cette pyramide. Cette pyramide a tout d’une pyramide de Ponzi quand on y réfléchit.
Ce système est en crise depuis un bon moment déjà. Et l’arrivée d’Internet n’a fait qu’accentuer cette crise.
Alors bien sûr, il y a aussi un circuit de distribution qui se veut indépendant. Mais à écouter certains éditeurs qui se disent indépendants, nous avons du mal à comprendre comment ils arrivent à justifier le faible niveau de rémunération de leurs auteurs. Et je ne parle là que de la chaîne du livre imprimé. Concernant la chaîne du livre numérique, c’est encore pire. Que ce soit la firme au logo souriant ou à la pomme d’une part, ou les libraires numériques de l’autre, tous pratiquent des prix qui sont injustifiables. Pratiquer des tarifs allant de 30 % (dans le meilleur des cas) à 50 % avec un ticket d’entrée (dans le pire des cas) ne peut se justifier, à nos yeux, ni par le coût de stockage des fichiers numériques ni par les charges de fonctionnement, et encore moins par les coûts promotionnels. Ou alors nous n’avons pas encore bien compris comment fonctionne la chaîne du livre numérique et il y aurait des coûts dont nous n’aurions pas encore conscience ? Dans ce cas, je suis tout ouïe, qu’on m’explique !

John SteelwoodPartant de ce constat, nous avons donc décidé de pratiquer la vente directe. Nous préférons peut-être vendre moins, mais au juste prix, afin d’offrir le meilleur niveau de rémunération possible à nos auteurs. Long Shu Publishing a calculé un pourcentage de rémunération au plus juste et ce qui revient à l’auteur est toujours bien supérieur à ce que touche Long Shu Publishing, que ce soit pour l’imprimé ou le numérique, et surtout, bien supérieur à tout ce qui se pratique dans la profession en général. Nous avons pensé à cela dès le départ si bien que nous avons passé un accord avec un prestataire d’impression à la demande qui œuvre également dans l’auto-édition pour tout ce qui concerne les versions imprimées de nos publications : Les Éditions du Net. Grâce à ce partenariat, nous arrivons à proposer un niveau de rémunération sur le livre imprimé qui est quasiment le double de ce qui se pratique ailleurs, et quand je parle du double, je parle du double de ce que touche ordinairement un auteur. Et pour le numérique, nous sommes bien au-dessus des recommandations du SNE et de la SGDL.
Nous voulons transposer le concept de commerce équitable à l’édition et en ce sens, Long Shu Publishing est un éditeur équitable.
Comme nos publications imprimées passent par l’impression à la demande, nous proposons un contrat unique imprimé/numérique à durée déterminée tacitement reconductible.
Nous faisons tous les efforts possibles pour impliquer nos auteurs dans toutes les étapes importantes de l’édition de leur titre. Lors de la phase de correction et de réécriture, Colette travaille directement avec les auteurs. Elle prend le temps qu’il faut pour que le manuscrit final soit le plus à même de servir le titre et son auteur. Nous procédons de la même façon pour la réalisation de la 1ère de couverture, ainsi que la 4e de couverture. Concernant la rémunération des illustrateurs, pour l’instant, comme nous manquons singulièrement de moyens financiers nous tentons toujours de proposer le meilleur arrangement possible avec eux en termes de rémunération (par exemple, un pourcentage sur les ventes des livres qu’ils ont illustrés, jusqu’à ce que la somme qu’ils visaient soit atteinte).
Nous sommes très présents sur les réseaux sociaux et nous utilisons ces outils au maximum de ce qu’ils ont à offrir. Nous pratiquons donc la vente virale. Lors de la publication de notre collection Origine du Futur, collection patrimoniale de titres de proto-sf, nous avons réalisé plus de 85 % de nos ventes par ce biais. Bien entendu, nous espérons que nos auteurs joueront le jeu et seront engagés avec nous dans ce processus promotionnel. De toute façon, je ne pense pas qu’ils aient vraiment le choix car pour l’instant, nous manquons encore des fonds nécessaires pour pouvoir leur assurer une promotion plus classique et nous ne nous en cachons pas auprès d’eux lorsqu’ils se rapprochent de nous pour que nous les publiions. On n’a pas d’argent, mais on a du temps et de l’énergie à revendre.

[EC] Qu’est-ce que cela change pour les divers acteurs du livre (les auteurs mais aussi les correcteurs, les illustrateurs, etc.) ? Comment ce nouveau concept est-il accueilli par les auteurs ?

Martin LessardPour l’instant nous manquons encore de visibilité sur ce sujet. Notre planning de publication est bouclé pour 2013 et nos première publications sortirons à l’automne prochain :en septembre, un recueil de 11 nouvelles de Martin Lessard intitulé Durée d’oscillation variable et en octobre, un recueil de 24 nouvelle de Dominique Warfa intitulé Un imperceptible vacarme. Il est prévu que Dominique annonce sa sortie officielle lors de La fureur de lire à Bruxelles le 13 octobre prochain, événement organisé par la Bila. Il proposera le recueil en pré-commande à ce moment là et en exclusivité pour nos amis belges qui seront présents. Trois romans sont en chantier actuellement et sortirons courant du premier semestre 2014, d’autres manuscrits doivent encore être lus par le comité de lecture. Difficile dans ces conditions de dire comment notre projet est accueilli. Tout ce que je peux en dire, c’est le retour que nous avons par les auteurs avec lesquels nous avons signé un contrat d’édition. Un de nos auteurs est un peu dérouté par notre mode de fonctionnement, d’autant qu’il a été le premier à signer avec nous et a dû essuyer les plâtres, si je puis dire. Avec lui, nous avons eu quelques retards à l’allumage, nous n’avons pas assez bien communiqué non plus, et alors que nous travaillions sur sa publication, nous avions aussi pas mal de points d’ordre légaux, comptables, juridiques et techniques à étudier. Un autre auteur nous a rejoint un peu plus tard et a été attiré par notre projet. C’est en lisant le texte de présentation de notre ligne éditoriale sur notre site et une interview que j’avais donnée au blog A.C. De Haenne en décembre dernier qu’il a eu envie de nous rejoindre sur un projet de recueil de nouvelles. Concernant les deux romans, le point de vue des auteurs n’est pas objectif puisqu’il s’agit de John Steelwood et de moi-même. Mais aussi bien me concernant, je n’aurai pas d’hésitation à publier mon roman dans la maison d’édition dont je suis à l’origine, aussi bien je sais que John Steelwood ne nous aurait pas proposé son manuscrit s’il avait eu un doute quelconque qui aurait nécessité de prendre plus de temps pour nous le proposer. Et puis, son manuscrit comme le mien sont passés par le comité de lecture et ils auraient pu être refusés, comme n’importe quel autre manuscrit.

D’autres auteurs avec lesquels je suis en contact dans le Droit du Serf suivent leDominique Warfa développement de Long Shu Publishing depuis le début et nous ont été d’un réel secours, tant dans la rédaction de notre contrat d’édition qu’au sujet de notre démarche en général. Je pense en particulier à Yal Ayerdhal et sa compagne Sara Doke. Je pense pouvoir dire sans trop me tromper qu’ils accueillent notre projet favorablement, mais je ne veux pas m’exprimer à leur place bien sûr. Je partage juste mon ressenti à ce sujet.

[EC] Par les lecteurs?

Comme je l’ai dit précédemment, il nous est difficile de répondre à cette question pour l’instant.
Visiblement, le recueil de Martin Lessard est assez bien accueilli. Il se vend plutôt bien, compte tenu que nous sommes tout nouveau sur le marché du livre, environ un tous les trois jours depuis sa parution. Mais nous aurons une meilleure visibilité sur ce sujet à la fin de 2014, quand les lecteurs auront acquis et lus nos premières publications. Pour l’instant, c’est encore trop tôt.

[EC] Quelles ont été les plus grosses difficultés que tu as rencontrées lors de la création de ta maison d’édition ? Quelles solutions as-tu trouvées, et où ?

Deux : la rédaction du contrat d’édition et la production de livres numériques.
Pour le livre numérique, je suis très vite tombé sur les articles d’Espaces Comprises qui traitent du sujet. Ça m’a permis d’aborder le sujet. Mais il a fallu approfondir bien sûr.
Il y a le flossmanual sur l’ePub qui m’a bien aidé, mais aussi Lecteur en Colère, qui a bien voulu faire une critique du codage du tout premier ePub que j’avais créé. Sans oublier les articles critiques de son blog. Les erreurs des uns font le bonheur des autres, ici.
Pour ce qui est du contrat d’édition, je ne remercierai jamais assez Ayerdhal et les autres auteurs qui ont pris l’initiative de créer le collectif du Droit du Serf. Que ce soit directement, en répondant à certaines de mes questions, ou indirectement, par les discussions qui y ont lieu, tout ceci m’a énormément apporté pour sa rédaction. Bien sûr, il risque fort d’évoluer encore, je ne pense pas qu’il soit exempt de quelques défauts, mais l’essentiel y est. Et que mon contrat ait été en quelque sorte validé par Ayerdhal m’a donné légitimité pour le proposer aux auteurs sans avoir à en rougir.

[EC] Le mot de la fin ?

Le mot de la fin ? Eh bien, puisqu’on parle de fin…
Je vois le monde actuel du livre comme le monde à l’époque des dinosaures. Un astéroïde est tombé, la Terre s’est embrasée. Toute la chaîne alimentaire s’en trouve remise en cause et nous, petits éditeurs, sommes à l’image de ces petits rongeurs promis à un grand avenir.

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Createspace, votre livre papier sur Amazon.fr

CreateSpace est à la fois un imprimeur à la demande et un site internet relié à celui d’Amazon, et qui permet désormais à des auteurs indépendants d’avoir leur livre sur Amazon.fr, tout en évitant de gérer du stock. Les livres sont en effet imprimés au fil de chaque commande et envoyés directement par Amazon. Auparavant, mon roman Le Souffle d’Aoles était déjà sur Amazon.fr, mais pour ce faire, j’utilisais le service payant de Cyber Scribe, Ediweb/Ges Com, qui permet aussi de référencer ses ouvrages dans la base de données libraires Dilicom.

Eh oui, Le Souffle d’Aoles est référencé sur deux pages distinctes du site Amazon.fr, celle de Cyber Scribe, et celle de CreateSpace. Les connaisseurs auront remarqué que le numéro ISBN n’est pas le même pour chaque exemplaire : l’ISBN CreateSpace m’a été fourni gratuitement par CreateSpace au moment de la création du livre.

En ayant recours à ce service, il a fallu deux jours pour que le livre apparaisse comme disponible (en stock) lors de sa publication en septembre 2012. Et contrairement à la page Cyber Scribe du Souffle d’Aoles, celle de CreateSpace affiche des frais de port gratuits.
Sur la page Cyber Scribe d’Amazon.fr, vous pouvez aussi noter l’absence de présentation de l’ouvrage : j’ai dû l’ajouter moi-même en commentaire. Avant 2013, je payais 90 € par an pour que Cyber Scribe me référence mon livre sur Amazon.fr, et il n’y avait pas la description. Cette somme correspond aussi au référencement dans la base de données Dilicom des libraires, mais il faut savoir qu’aucun libraire n’est jamais passé par Dilicom pour me commander un ouvrage.
Je n’ai eu que deux ou trois commandes de libraire, et cela s’est fait d’abord par un coup de téléphone ou un mail. J’ai eu en tout et pour tout 7 commandes Amazon.fr grâce à Cyber Scribe, et à une exception près, c’était à chaque fois pour le deuxième tome du cycle d’Ardalia, Eau Turquoise (qui ne bénéficie pas non plus de description sur sa page Cyber Scribe, sinon celle que j’ai rajoutée en commentaire).
Sur la page Createspace d’Amazon.fr, il y a bien la description.

Vous remarquerez aussi en cliquant sur ces deux liens de début d’article que l’image n’est pas la même : coupée un peu plus près de mon nom et plus sombre pour celle de Createspace. L’image de CreateSpace sur le site d’Amazon.fr (envoyée directement par Createspace d’après le fichier PDF de couverture) est d’ailleurs moins fidèle que celle de Cyberscribe sur le site d’Amazon.fr, comme l’atteste la photo des deux exemplaires prise par votre serviteur.

Couvertures Lightning Source et Createspace

À gauche l’exemplaire imprimé par Lightning Source vendu par Cyber Scribe sur Amazon, à droite l’exemplaire CreateSpace
L’exemplaire CreateSpace est un peu plus sombre, mais aussi un peu plus rouge que celui de Lightning Source (LSI, imprimeur situé en Grande Bretagne). Ce n’est pas la seule différence sur la couverture.

horizontale

rapprochée

Oui, là je crois que vous l’avez repéré : le trait sur la gauche du livre Createspace (livre de droite sur l’image) est bien un trait de pliure et de collage, une technique différente de celle employée par Lightning Source.
D’après moi, la technique employée par Lightning Source est plus avancée et la couverture est d’une qualité légèrement meilleure avec LSI. En tant que lecteur, franchement, ces changements ne me gêneraient pas plus que ça, que ce soit par rapport aux couleurs de couverture ou à la légère pliure. Passons maintenant à l’intérieur du livre.

intérieur 1

intérieur 2

Grosse surprise en voyant le livre arriver : les pages intérieures de la version Createspace (à droite et en haut sur les deux images ci-dessus) sont blanches. Et non crème comme je croyais l’avoir demandé ! La qualité d’impression est optimale pour les deux versions, et les feuilles sont suffisamment épaisses pour ne pas être transparentes.
Je suis donc retourné sur mon projet Createspace, pour constater qu’effectivement, la mention « blanche » était cochée par erreur pour les pages. Sans doute une erreur de ma part. J’ai donc opéré un changement, et j’ai resoumis la nouvelle version à l’équipe du site pour approbation. C’est là qu’il y a eu un défaut de la part du site, puisque le livre, contrairement au précédent, n’a pas été approuvé : on m’a indiqué, ce qui était faux, qu’il y avait plus de deux pages blanches consécutives.
Pour ne pas être victime de ce problème en cas de reprise d’un ancien projet, faites ce que j’ai dû faire : renvoyez le fichier PDF, même si c’est strictement le même que celui conservé dans les données de Createspace. Je sais, c’est idiot mais c’est comme ça. Par la suite, je me suis contenté d’approuver la version 3D du livre.
Eh oui, au moment de la validation finale, il y a un modèle 3D de votre livre qui tourne sur le site, et dont on peut déplier les pages à la manière de ce que propose Issuu ou Calaméo. Ça en jette. Malheureusement, même si vous avez choisi les pages couleurs crème, cela ne se voit pas à l’œil nu sur ce modèle (tout est blanc).

La création du livre sur le site CreateSpace : en dehors du problème précédemment évoqué, cela a été un vrai bonheur étant donné que je disposais déjà des PDF de couverture et de texte. J’ai juste modifié un détail sur le PDF de couverture du livre : en effet, le code-barre avec le numéro ISBN fourni par Amazon figure sur la quatrième de couverture, en bas à droite, et il importe de préserver cet espace libre au moment de la création de la couverture. J’ai aussi modifié le PDF du texte, de manière à indiquer : « imprimé par CreateSpace » (en plus de la mention de dépôt légal). J’ai fait un ou deux petit changement de maquette comme la mention : Retrouvez Pelmen dans le deuxième tome du cycle d’Ardalia : Eau Turquoise pour la version CreateSpace.

Je n’ai pas précisé à dessein la ville où a été imprimé le livre Createspace, car je l’ignorais. Le carton qui m’est arrivé le 12 septembre mentionnait Francfort, je suppose donc que c’est dans cette ville qu’il a été imprimé (ce n’est pas indiqué sur leur site). 

proof

Cette page en photo ci-dessus ne figure bien entendu pas dans les versions vendues sur le site : c’est la page « Proof » correspondant à la version à approuver que m’a envoyée Createspace. Remarquez la mention « made in the USA, Charleston, SC », que je soupçonne ne pas être correcte puisque le carton venait d’Allemagne (Francfort).

Comment je fais si je ne comprends pas l’anglais ?

L’anglais sur Createspace est basique, les différentes étapes, logiques. Je n’ai pas fait l’essai, mais je pense qu’en utilisant le traducteur automatique de Google, même si ce n’est pas la panacée, vous devriez vous en sortir.

Et maintenant… les prix !

Le livre lui-même chez Createspace, hors frais d’expédition, me revient à 5,24 $ contre 4.83 € chez Lightning Source.
En prenant le tarif d’expédition le plus économique, je suis à 10,12 $ chez Createspace contre 10,44 € pour Lightning Source.
Le mode d’expédition que j’ai choisi était un peu plus cher : 13,23 $ pour un livre (11,66 €). Cela a mis 20 jours à arriver, mais je sais d’expérience qu’avec LSI, le mode le plus économique aurait pris un mois. Le tarif suivant que propose LSI, le tarif premium, me revient à 17,56 € le livre. Là, le livre est imprimé et expédié en trois jours.

Cela dit, dès que l’on imprime plus d’un livre à la fois, Lightning Source devient beaucoup, beaucoup plus avantageux. Par exemple, un tirage typique de 250 exemplaires pour Le Souffle d’Aoles me revient à 4,45 € le livre, frais de port compris, avec les 12 cartons correspondant aux 250 livres qui m’arrivent en trois jours ! Alors que chez Createspace, le prix à l’unité ne baisse pas.
C’est pourquoi je compte bien rester avec Lightning Source pour ce type d’impression en petits volumes.
Mais… mais, bien évidemment, je vais aussi travailler avec CreateSpace. Parce que comme on l’a vu plus haut, payer Cyber Scribe 90 € par an pour n’avoir aucune commande libraire de mes livres et les livres sans leur description sur Amazon.fr, c’est de la folie !

Dernière info, avec la distribution sur Amazon/CreateSpace, chaque livre vendu me rapportera 7,60 € net (oui, après la déduction de la marge Amazon). À titre de comparaison, quand j’envoie l’un de mes livres à 4,45 € tiré de mon stock de 250 exemplaires, cela me revient à 8,45 € en passant par la Poste. Mais Amazon ne me verse pas les 21 € que coûte le livre. Amazon me verse 16,82 € très précisément (après déduction de sa marge).

16,82 € – 8,45 € = 8,37 €. Un livre tiré de mon stock de 250 me rapporte donc moins de un euro de plus que ceux imprimés par Createspace et envoyés directement. Et je dois me déplacer à chaque fois à la Poste pour les livres que j’ai en stock. Et je n’imprime pas tous mes exemplaires à 250 (pour les Eau Turquoise, je suis sur des tirages de 150). Et il faut rajouter à cela les 90 € par an de CyberScribe !

Attention aux conversions au moment d’indiquer le prix !

Au moment où j’écris ces lignes, Createspace propose d’indexer le prix de l’ouvrage en euros et en livres sterling sur le prix de la version américaine en dollars en cochant une case. Si vous ne le faites pas, faites très attention à vos conversions ! Createspace va faire en sorte d’imprimer votre livre en Angleterre si jamais le prix en livres sterling s’avère moins onéreux que le prix en euros. J’avais commis cette erreur d’avoir mon livre moins cher en livres sterling qu’en euros, et du coup, je perdais environ 1,80 € par ouvrage en revenu d’auteur.
En effet, Amazon verse les royalties en fonction du lieu d’impression : peu importe que vous ayez vendu votre livre sur Amazon.fr, votre livre peut se retrouver imprimé en Angleterre, avec des royalties en livres sterling ! La preuve avec cette image correspondant aux ventes du troisième tome du cycle d’Ardalia (les royalties y sont un peu moins élevées que pour Le Souffle d’Aoles, 6,84 €) :

ventes troisième tome

Le problème est que le chiffre de 4,30 £ qui revient le plus souvent ne correspond qu’à 5 € de royalties ! On voit bien ici que Createspace a largement privilégié ce qui m’était le moins favorable en termes de revenus d’auteur, en jouant sur cette histoire de conversions.
Par précaution, je recommande donc de mettre votre ouvrage un ou deux livres sterling plus cher que la conversion normale. Je l’ai fait, et Amazon m’a aussitôt pratiqué un rabais sur le livre vendu en Grande-Bretagne. J’attends maintenant de savoir si ce rabais va nuire à mes revenus d’auteur. Logiquement, ce ne devrait pas être le cas puisque le rabais vient d’Amazon. Pour plus de détails, je vous invite à vous rendre sur cet article de mon blog, et notamment dans la section commentaires.

Un petit mot sur le programme Avantage

Je sais qu’il existe un programme d’Amazon en partenariat avec Cyber Scribe appelé Avantage, mais je soupçonne qu’il s’adresse aux éditeurs vendant davantage que moi. Pour le moment, c’est donc Createspace qui représente une solution incomparable en terme de souplesse (on peut enfin profiter du plus grand atout de l’impression à la demande, l’impression à l’unité), de facilité d’utilisation du site, de visibilité de mon livre sur Amazon.fr et pour une qualité générale tout à fait honorable.

Autres atouts de Createspace et Kindle MatchBook

L’un des avantages de Createspace pour les auteurs indépendants qui diffusent déjà leur ebook sur le Kindle Store d’Amazon est de « relier » les versions papier et ebook sur la même page, de manière à ce que le lecteur puisse constater l’importance différence de prix entre les deux, ce qui peut améliorer les ventes en ebook.

Autre atout, la crédibilité que peut conférer une version papier. Le livre broché conserve en effet une valeur dans l’inconscient collectif que peine à prendre l’ebook. On pourrait parler de poids psychologique du papier.

La dernière fonction qui vient d’arriver est la fonction Kindle MatchBook que vient d’implémenter Amazon. En tant qu’auteur indépendant, vous avez la possibilité de permettre aux acheteurs de la version papier de bénéficier de l’ebook correspondant au livre broché gratuitement, ou à faible prix (entre 0,49 € et 1,99 €). Les lecteurs seront contents que vous leur ayez donné cette possibilité, ce qui les fidélisera (bon, d’accord, cela les fidélisera avant tout à Amazon).

L’avenir dira si des petits malins n’en profiteront pas pour acheter le livre papier, se procurer l’ebook gratuitement ou à petit prix, et renvoyer ensuite le livre papier pour non satisfaction. Ou autre combine de ce genre, mais bon, je pense que le piratage reste plus pratique. Les avantages du Kindle MatchBook, en particulier le gain en popularité, me semblent à première vue largement supérieurs aux inconvénients.

Comment déclarer vos revenus en tant qu’autoédité ?

Cela déborde un peu du cadre de cet article, mais la question est régulièrement posée. Personnellement, j’estime que tant que vous faites moins de 33 000 € par an de bénéfices, vous n’avez aucun intérêt à vous mettre en autoentreprise et à payer un numéro SIRET. Seul un petit éditeur voulant essayer de s’ouvrir les portes de la diffusion papier prendra cette option.
Personnellement, je profite du régime spécial de l’autoédité en remplissant le formulaire 2042C des impôts, et notamment mes bénéfices net de l’année correspondante dans la case 5HQ de type revenus imposables régime déclaratif spécial ou micro BNC.
Mais je tiens à préciser que je ne suis pas un spécialiste, et que je n’ai pas non plus de conseiller fiscal pour me venir en aide sur ce coup-là.
En tout cas, il n’y a pas besoin de n° de SIRET pour pouvoir établir des factures et se les faire payer – en revanche, une bonne dose de persévérance est souvent requise dans le dernier cas.

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Scripture vs Structure

New-EraIl est en philosophie, un thème des plus connus, que même les technologues – pour qui cette matière est tellement anecdotique qu’elle pourrait aussi bien avoir un coefficient négatif aux examens – ont entendu parler : « L’Inné et l’Acquis » (Nature vs Nurture). Nous autres, auteurs, avons un thème et une dualité ancestrale tout aussi primordiale : « l’Instinct vs la Structure ».

L’Instinct, c’est le groupe des auteurs « scripturaux », ceux qui écrivent avec leurs tripes, au feeling, sans plan, guidés par leur seule inspiration.

La Structure, c’est le groupe des auteurs « structuraux », qui planifient leur histoire, préparent leur intrigue et leurs personnages en amont.

Dans les lignes qui suivent, je vais volontairement grossir le trait, user et abuser de la caricature, me faire l’avocat du diable pour les deux camps – le premier qui me traite de schizo gagne une boîte de Zyprexa. Pourquoi ? Parce que c’est la vérité vraie ! Il y a des avis très tranchés sur le sujet, et il est temps de percer l’abcès. Buvez une gorgée, relaxez bien vos muscles, parce que dans cinq minutes, vous serez tendus.

L’auteur « structural » vu par le « scriptural »

    • C’est un psychorigide incapable d’écrire une ligne sans avoir analysé la moindre facette de son récit. Inspiration, pour lui, ça veut dire respirer par le nez et expirer par la bouche.
      Ce n'est pas parce que toutes les maisons ont des fondations qu'elles doivent pour autant se ressembler...
      Ce n’est pas parce que toutes les maisons ont des fondations qu’elles doivent pour autant se ressembler…
  • Il est incapable d’écouter ses personnages ou de faire évoluer son histoire au-delà de son carcan préétabli. Aucune imagination.
  • Il se prend pour un professionnel sous prétexte de passer des heures à théoriser et articuler ses intrigues. Pourtant, à la voirie, c’est bien celui qui creuse qui fait le taf, pas les dix chefs de chantier qui tapent le bout de gras autour.
  • Le pire c’est qu’il croit dur comme fer que sa structure est un tremplin, une sorte de support qui va l’aider à transcender son texte, alors qu’il s’est bâti une cage qui limite sa créativité à quelques mètres cubes.
  • Ses textes sont uniformisés et conformistes. Tous les structuraux crachent les mêmes types de textes édulcorés.

L’auteur « scriptural » vu par le « structural »

      • C’est un gros fainéant qui pisse de la ligne presque aussi vite qu’il ingurgite sa dose d’alcool quotidienne. Aucune notion du laborieux travail d’un écrivain.

        Qui a décidé que les maisons devaient avoir des fondations ?
        Qui a décidé que les maisons devaient avoir des fondations ?
      • Il est incapable de voir où va son histoire et se laisse complètement emporter par le moment, l’action, ses personnages… bref, zéro vision.
      • Il se prend pour un génie sous prétexte qu’il écrit « avec ses tripes ». Pour preuve : personne ne comprend rien à ce qu’il écrit, et c’est connu : les génies sont toujours des incompris, pas vrai ?
      • Le plus triste, c’est qu’il est aveuglé par le sentiment de liberté qu’engendre sa façon d’écrire : “No limit”. Sauf que la création, c’est justement repousser les limites, gravir les obstacles et briser les barrières. S’il n’y a rien à surmonter, on stagne !
      • Il est persuadé que son œuvre est unique et radicalement différente de tout ce qui a été fait auparavant, voire même… qu’il a inventé un nouveau registre !

Mes deux centimes de réflexion sur le sujet

Il se trouve que j’ai fait partie des deux camps. J’ai écrit pendant des années en mode scriptural pur, et puis un jour, brutalement, j’ai décidé de structurer. Évidemment, ce n’est pas comme un interrupteur. Du coup, je suis un scriptural qui se range, ou un structural qui se laisse aller, faut voir… En tout cas ce n’est pas blanc ou noir, c’est beaucoup plus subtil que ça.

Ce que je vais dire n’engage donc que moi et reflète mon expérience et les partages que j’ai pu avoir avec d’autres auteurs.

      1. Si vous écrivez « pour vous ». Que ce soit pour le plaisir, dans un but thérapeutique et/ou cathartique, vous n’êtes pas vraiment concerné par le débat. C’est comme pour le mois mai : faites ce qu’il vous plaît. De toute façon votre recherche vous est propre et votre seul public est vous-même. Extériorisez vos démons. Si vous êtes le seul à comprendre, non seulement ce n’est pas grave, mais ce serait même plutôt normal.
      2. Si vous êtes dans un autre registre que le roman (essai, bibliographie, poésie, écriture expérimentale…), vos préoccupations sont autres, parce que chacun de ces registres a ses propres « règles » (au sens large du terme).
      3. Par contre, si vous êtes romancier, et plus particulièrement orienté dans un genre grand public (SFFF, polar, thriller…) alors là, là… vous ne pouvez pas faire l’impasse sur une certaine structuration ! Vous vous adressez aux autres et ils ont besoin de comprendre par eux-mêmes. Vous ne serez pas à leur côté pour leur expliquer votre schéma de pensée quand ils vous liront. Votre récit doit donc se suffire à lui-même et comporter suffisamment de repères pour éviter le décrochage du lecteur.
      4. Le temps passé à structurer est inversement proportionnel à votre temps libre pour l’écriture. Il est même des auteurs à plein temps qui peuvent se permettre de tout faire de tête sans notes ou presque (ce qui donne l’illusion qu’ils sont scripturaux, mais ne vous y trompez pas, ils savent parfaitement où ils vont).

Aux détracteurs de la structure (dans le cadre des romans selon les critères sus mentionnés), je ne peux que relater ma propre expérience :

J’ai écrit six romans SFFF en mode scriptural. J’étais le roi, ça coulait à flots, mon record avoisinait les 300 ksec de premier jet en une dizaine de jours. J’aurai ri au nez du premier à me parler de structure. Si je pouvais boucler un bouquin en un mois, pourquoi en aurais-je passé deux en amont à le préparer ? Pire : j’étais persuadé que structurer reviendrait à tuer mon inspiration, déjà que ma vitesse d’écriture était un frein à mes yeux – j’aurais bien branché mon cerveau en direct sur ma plume –, alors m’arrêter pour prendre du recul n’était pas une option.

Et puis un jour, j’ai commencé mon septième roman. Je me suis réveillé six ans plus tard avec un torchon inachevé sans queue ni tête. Un petit bilan s’imposait : j’ai relu les six premiers et j’ai vite compris pourquoi aucun n’avait trouvé d’éditeur… Avec le recul nécessaire des années, je les lisais pour la première fois en tant que lecteur et plus comme leur créateur. Si je les avais achetés en librairie, j’aurai crié au remboursement !

Alors j’ai cherché, je me suis renseigné, j’ai lu et appris. Mon huitième projet s’est monté cette fois avec la structure en tête, et j’ai enchaîné… neuf, dix. En cinq ans j’ai terminé trois romans (contre six en dix-neuf ans). Ils sont plus riches, plus denses, et surtout bien plus singuliers que n’importe quel autre de mes projets antérieurs. J’ai appris que la structure n’était pas un carcan, mais un outil. Vous savez se qu’on dit : « un bon ouvrier a de bons outils ». Hé bien les romanciers, c’est pareil ! 😉

Et vous ? Quel est votre camp ? Votre cœur balance-t-il ? Êtes-vous vous aussi passé d’un camp à l’autre ?

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Sara Agnès L. : de la romance à l’érotisme

[Espaces Comprises] Peux-tu te présenter ?

Sara Agnès L. : Je suis mariée et mère de famille, j’écris de la littérature érotique sous pseudonyme depuis 2009 et mon premier essai dans le genre a été Annabelle. Dans une autre vie, j’écris aussi (mais d’autres choses) et j’enseigne.

[EC] Tu écris de la romance contemporaine, et plus récemment, tu t’es mise à la littérature érotique/pornographique. Quel a été le déclic ?

annabelle

Écrire un roman, c’est toujours une série de petites coïncidences qu’on ne voit pas au premier abord. Avant Annabelle, j’ai écrit une scène qui sous-entendait des relations sexuelles très rudes, voire un viol, dans une histoire qui finit par devenir amoureuse. Je me suis dis : « Tiens, dommage que je ne puisse pas en faire un peu plus », car j’ai fait en sorte que tout reste suggéré. Après, je suis tombée sur un blogue qui m’a fait réfléchir sur les liens entre une Soumise et un Maître. J’étais, à cette époque, pleine de préjugés et je n’arrivais pas à comprendre ce type de liens. Après en avoir discuté avec un ami, je me suis dit… tiens, j’ai une idée, je me lance ! J’ai plongé dans la recherche d’informations pour finalement créer un gros pavé de 600 pages.
En réalité, je ne pensais pas que j’y arriverais !

[EC] De nombreuses auteures d’érotisme écrivent sous pseudonyme, mais montrent leur visage. Était-ce vraiment important pour toi d’écrire et de publier « masquée » ?

Oui. Pas parce que je n’assume pas mes écrits, au contraire  !, mais parce que je travaille avec des jeunes et que dans certains métiers, il faut donner l’exemple. Et pour avoir fait lire mon premier roman de cet ordre à deux ou trois personnes de mon entourage, j’ai vite compris qu’on ne pouvait pas aisément dissocier la fiction de la réalité.

[EC] Tu écris « porte ouverte » : tu publies chaque chapitre sur Atramenta. Pourquoi avoir fait ce choix ?

Parce que ça me donne de la motivation pour poursuivre mes histoires (en général, mais pas toujours). Parce qu’écrire, c’est une activité très solitaire et que j’ai envie de parler de mes textes constamment. De ce côté-là, je ne peux que rarement en parler, alors que les commentaires ou les retours de lecture m’incitent à continuer.
Et peut-être parce que si je gardais tout dans mon ordinateur, je n’en ferais jamais rien.

Annabelle a eu plus de 30 000 lecteurs sur Atramenta. Est-ce pour cette raison que tu as décidé de t’auto-publier plutôt que de soumettre aux éditeurs ?

En fait, non. Quand j’ai écrit Annabelle, je voulais juste que cette histoire existe quelque part, pour des gens qui auraient envie de la lire. J’aimais beaucoup mes personnages principaux et je voulais qu’ils vivent en dehors de mon ordinateur. Je ne pensais pas que l’histoire en elle-même aurait autant de succès. Au début, sur InLibroVeritas, mon histoire a été sélectionnée par le Comité de lecture et mise en avant sur le site. À cette époque, en 2010, je l’ai présentée à des maisons d’éditions, mais comme c’était avant la vague Fifty Shades of Grey, personne n’en voulait à cause de la relation S/M.
Plus tard, sur Atramenta, Thomas [Boitel, directeur de publication sur Atramenta, NDLR] m’a proposé de le mettre gratuitement sur Amazon pendant un mois, puis de le mettre en vente à 1,49 €. Comme il était en lecture libre sur le site (mais pas en téléchargement), j’avoue que je n’ai pas cru que ça fonctionnerait. Après tout, pourquoi les gens paieraient-ils pour lire quelque chose de disponible en ligne ?
Contre toute attente, les retours de lecture ont commencés à tomber, puis les gens se sont mis à me suivre sur Atramenta. Bref, ça m’a donné de la visibilité. Petit à petit, mes statistiques de lecture se sont mises à augmenter. Des gens venaient pour me lire ou me laissaient un petit mot. C’était incroyable !
Au bout de quelques mois, j’ai compris qu’Annabelle avait finalement trouvé ses lecteurs.

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[EC] Tes deux romans, Annabelle et Annabelle 2 sont au top Amazon depuis plusieurs semaines, maintenant. Nombreux sont ceux qui mettent en doute ce classement. Qu’est-ce que cela veut dire concrètement ?

annabelle2

En terme de classement, je ne sais pas vraiment comment ça fonctionne, mais pour avoir les deux romans dans le top 10 depuis près d’un mois, je dirais que ça signifie entre 14 et 20 ventes par jour. Les gros noms (comme Sylvia Day, en ce moment) se taillent souvent une place de choix, mais Amazon donne la chance à tout le monde de se faire voir. Après, je crois que le prix et que la qualité de l’œuvre déterminent qui va rester en haut ou descendre petit à petit dans la masse. Si on ne paie pas pour y être, évidemment…
Ceci étant dit, je tiens à relativiser un peu les choses : si je publiais une romance contemporaine sur Amazon, elle n’aurait probablement jamais une aussi belle place qu’Annabelle. L’érotique se lit davantage. Je le vois tous les jours sur Atramenta. Sans parler que mon offre est vraiment avantageuse : plus de 600 pages pour 2,99 €.
Autrement dit, qu’ils aiment ou non, ils en ont pour leur argent. Mais pour l’instant, les commentaires sont positifs, alors je ne me plains pas !

[EC] On pose souvent des questions absurdes aux auteurs de romans érotiques, comme par exemple : « est-ce du vécu ? », alors qu’on ne les poserait pas à des auteurs de science-fiction ou de romans historiques. Quel serait ton bêtisier ?

Aïe ! Parfois, ce sont les messages que je reçois qui me mettent un peu mal à l’aise. Pas parce qu’on me fait des offres bizarres, non, mais parce que des gens se confient à moi d’une façon très intime. Évidemment, vu la nature particulière d’Annabelle, on m’a souvent demandé si c’était une histoire vraie, car plusieurs certifient que l’on « sent le vécu » dans l’écriture. C’est flatteur, même si j’étais un peu gênée d’avouer que ce n’était qu’une fiction.
Côté bêtisier, la voisine de mon père ayant lu Annabelle, lui a sous-entendu que je devais forcément aimer me faire sodomiser sous prétexte que mon personnage aimait cela. Ouais, la honte… Depuis, je sélectionne davantage les gens de mon entourage qui peuvent lire mon roman.

[EC] Quelles différences notoires entre tes deux vies d’écrivain ?

La popularité ? (rires) Non, sans rire, il y a très peu de différences. J’écris ce que j’ai envie d’écrire avec la même passion. J’aime autant mes personnages et mes situations. Bref, je reste moi. Peut-être un peu trop, car une personne que je ne connais pas, qui a lu des œuvres de mes deux côtés, m’a déjà reconnue sous mon écriture. Là, j’avoue que je suis restée sciée, mais ce n’est arrivé qu’une fois ! (Ouf !)

[EC] Où pouvons-nous te lire et quelle est ton actualité ?

Pour ceux qui veulent lire mes textes, tout est en accès libre sur Atramenta. Les courts sont disponibles en téléchargement. Les longs, il faut les lire sur le net. Sinon, Annabelle et Annabelle 2 sont disponibles sur Amazon et toutes les autres plateformes. Côté actualité, il y a de fortes possibilités qu’Annabelle soit traduite en anglais dans les prochains mois. Est-ce que ça va fonctionner du côté américain ? Je l’espère ! En attendant, on va commencer par traduire une nouvelle pour jauger le marché.
Et si le S/M ne vous branche pas, je tiens à ajouter que j’ai plusieurs nouvelles et deux autres romans érotiques (dont une romantica, pour les fleurs bleues comme moi). Autrement, Facebook est toujours un bon moyen de rester en contact avec moi. J’ai une page sur laquelle je laisse lire des textes privés et c’est là que j’annonce mes mises à jour, et un site tout neuf.

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