Je m’appelle Jo Ann. Lorsque mon père avait seize ans, il a lu ce prénom dans un roman d’Harold Robbins. Il n’y a pas de coïncidences, les gens.
En grandissant, je n’avais pas réellement conscience de ce qu’un nom pouvait signifier, je n’avais aucune idée que mon nom était aussi extraordinaire (dans le sens premier : pas du tout commun par là où je passais). Je n’avais pas encore reçu des réflexions sur le fait que c’était bizarre d’avoir un nom qu’on ne pouvait pas prononcer dans ma langue maternelle (= portugais). Mais à quinze ans, tout a changé, presque drastiquement. Ce jour-là, le banquier de mon père à Lisbonne m’a demandé mon nom complet. Jo Ann de Seixas von Haff (je vous le fais en phonétique : jô anne de séïchach fonn rhaff). Il m’a regardée comme s’il venait d’être foudroyé (je vous assure que c’est vrai) et… il a sifflé. Faut voir un banquier tiré à quatre épingles, élégant, prestance d’un aristocrate, étonné. Il a déclaré (mot pour mot) : « C’est court, mais c’est puissant ». Mon père a acquiescé, fier de son coup. Dès cet instant, je suis tombée amoureuse de mon nom. Je me suis dit que jamais je ne le changerais et que si je venais à me marier un jour, mon futur mari n’avait qu’à prendre le mien (mon père était évidemment d’accord). À l’époque, je n’écrivais que des poèmes et je venais à peine de commencer mon premier roman.
Lorsque je suis arrivée en France à mes dix-neuf ans et que j’ai commencé à songer à la publication, je ne me suis jamais arrêtée pour réfléchir une seule seconde si je voulais, ou non, garder mon nom. Cela allait de soi. Jamais il ne pourrait y avoir un autre nom que le mien sur une couverture d’un roman que j’avais écrit. Quand j’ai commencé à travailler sur La Treizième Concubine en français (vers 2008) (le premier jet est en anglais), je me suis pourtant posé la question. Fallait-il ou pas prendre un pseudonyme ? Mon « art » jusque-là avait toujours été le drame psychologique contemporain, bien ancré dans notre époque, dans notre société. Je traitais de traumatismes psychiques, j’aimais ça (j’aime toujours, d’ailleurs, mes écrits sont reconnaissables par leurs thématiques), je me disais qu’écrire de la fantasy était un si grand écart que les gens pourraient se trouver confus, que ce serait casse-cou et qu’il fallait que je fasse une distinction entre ces deux univers qui n’avaient rien en commun (sauf peut-être les traumatismes, parce qu’on ne se refait pas).
J’ai posé la question sur Facebook juste pour avoir une idée : prendre ou pas ? Pour la plupart de mes contacts dans le milieu, la réponse était la même : non. « Fais-toi déjà un nom, le tien est bien et original. » « C’est déjà difficile de trouver son lectorat, avoir deux noms de plume n’est pas pour te faciliter la tâche. » Édouard Brasey m’a même dit « votre nom est si beau qu’on aurait dit un nom de plume » (moment vanité). J’ai pensé aux pours et aux contres, puis j’ai décidé que non. Il est déjà suffisamment compliqué de se faire un nom dans ce milieu, alors pourquoi vouloir s’en faire deux ? En plus, qui n’est jamais tombé sur un article qui disait « Ann Jo, nom de plume de Jo Ann » ? Alors, tout ce travail pour rien ?
Je m’appelle Jo Ann von Haff (merci, père, pour ce choix illogique en terres lusophones). Et sous ce nom, je publierai tout.
Sauf de l’érotique (pas mon genre).
Mes pour
- Protection de la vie privée et de la vie professionnelle ;
- Distinction entre deux genres qui pourraient choquer (écrire de la jeunesse et de la pornographie, par exemple).
Mes contre
- Il est difficile de se trouver un marché, alors en trouver deux !
- C’est de la bureaucratie en plus pour les chèques ou les réservations. Surtout lorsque la trésorerie « oublie » qu’elle a à faire avec un pseudo.

Il est temps de faire des choix, sinon vous passerez les prochaines semaines à vous demander où vous allez et, pire, vos lecteurs s’en rendront compte dès les premières pages de votre roman. Ces choix ne sont cependant pas figés et n’oubliez pas – je vous le répète à chaque fois, ça devrait rentrer maintenant – que c’est votre esprit créatif qui doit prédominer lors de l’écriture. Si en écrivant un chapitre, un enchaînement logique vous vient en tête, dicté par ce qui se passe dans l’action, ne le brimez pas sous prétexte que « ce n’est pas ce que j’avais choisi dans le synopsis ». AU CONTRAIRE : foncez et changez ensuite le synopsis pour qu’il reflète cette nouveauté (et vérifiez/adaptez afin que le restant du récit reste cohérent).