Oh, Manu !

Nous sommes à la toute fin 2005. Jadis et autrefois. En des temps immémoriaux. Nous les nommerons, par commodité, l’Ère du Grand Ratage. Mais voyons comment les choses se sont déroulées.

Après avoir longtemps hésité, j’ai fini par jeter mon dévolu sur un éditeur dont l’esprit d’innovation a réussi à me séduire. La charte éditoriale me semble tout à fait correcte et je suis prêt à faire quelques efforts pour que le livre puisse connaître une certaine diffusion. J’envoie donc mon manuscrit par la voie électronique requise et attends patiemment.

Vient 2006 et, début janvier, je reçois une réponse positive. La célérité dont on a fait preuve ne me suscite aucune suspicion particulière, c’est pourquoi je signe le contrat le 23 du même mois. Sans me préoccuper d’une certaine clause qui m’embêtera plus tard. L’enthousiasme aveugle, ai-je fini par conclure.

Le bon à tirer est reçu le 14 août, après avoir beaucoup et lourdement insisté. Entre un minimum annoncé de dix semaines et les trente au bout desquelles je l’ai vu tomber, il y a une certaine marge. Les promesses de le voir me sauter à la figure incessamment étaient restées vaines, semaine après semaine, jusqu’à ce qu’on incrimine le nombre d’ouvrages en attente. Soit.

Les premières corrections sont envoyées le 18 août. La mort dans l’âme : je ne puis en imposer que vingt, ce qui est nettement insuffisant après recensement de toutes les horribles coquilles oubliées. Les choix ont été drastiques, j’ai seulement pu remédier au pire. Le 21, je rends ma copie définitive. Consterné et résigné.

Ce même jour le livre est « publié ». Et je m’en réjouis avec une modération excessive, conscient qu’il y avait encore beaucoup de nettoyage à faire. Mais c’est comme ça, je ferai avec.

J’opère alors une approche infructueuse de libraires pour une possible mise en rayon : non référencé sur Dilicom, le livre ne les intéresse pas. Sauf, quand il existera si j’ose dire réellement, pour le prendre en dépôt… Il est par ailleurs trop tard pour les « animations en bibliothèque » (on me suggère de voir pour la rentrée… 2007).

De septembre à octobre, appels téléphoniques et courriels via le formulaire de contact de l’éditeur pour savoir quand sera référencé le livre. J’obtiens juste l’assurance téléphonique que ce sera fait dans les plus brefs délais. Pour mémoire, l’éditeur s’engage dans sa charte à effectuer le référencement dès parution (sans mentionner le délai avant intégration sur l’indispensable Dilicom). L’auteur naïf ou trop confiant ne comprendra pas que ça traîne un peu, alors que ce serait si simple de lui expliquer pourquoi. Notons également, histoire de rire un peu plus, qu’il est certifié que tout ouvrage publié bénéficie de l’inévitable dépôt à la BNF. Or c’est, permettez l’expression courtoise, un pipeau pour mutants à seize doigts (ou alors, dites-moi pourquoi l’obligatoire mention dudit dépôt ne figurait-elle pas sur l’ouvrage imprimé que je me procurai ?).

Le 30 octobre, face au silence obstiné de la partie qui me semble désormais adverse, j’adresse un courrier avec AR pour réclamer mon référencement. Pas de réponse, mais… le livre apparaît sur les bases idoines et partout où il faut aux alentours du 10 novembre.

Quelle stupéfiante coïncidence, le 14 novembre (joyeux anniversaire, mon connard), j’obtiens enfin une réponse du service commercial aux courriels, pour remarquer que le livre est référencé ici, ici, et là aussi, et que même il en a été commandé quatre exemplaires en librairie. (Qui failliront ne jamais être reçus avant l’année suivante, malgré les relances faites auprès du fournisseur de parallélépipèdes en papier.)

Je tente alors de relancer des libraires, qui, pour rester poli, se désintéressent souverainement de la question, se souvenant que je les avais approchés alors que le livre n’était pas disponible, sauf auprès de l’éditeur (qui leur semblait peu enclin à fournir l’ouvrage, ou dont ils se méfiaient à outrance). J’essaie ailleurs et essuie des refus ou des propositions de mise en dépôt (qui ne me tirent que des grimaces).

Et forcément, ventes néant, même en étant présent sur le site Littérature.tv, sur le Portail du Livre, en faisant ma « pub » sur divers forums…

J’en étais las.

Se retrouver avec un livre qui se révèle mort-né, ça fait assez mal. Même si le roman était, en fin de compte, plutôt moyen. Avant d’être disponible, il était déjà dans les profondeurs du catalogue et s’y enfonçait chaque jour davantage, écrasé par plusieurs ouvrages tout juste éclos. Il n’y avait eu aucun effort, même minimal, de promotion de la part de l’éditeur, qui s’était contenté d’un simple référencement sur des moteurs de recherche ou des sites marchands. Ce fichu texte, je voulais qu’il fût édité moins pour le vendre, mais pour qu’il soit lu, en vrai livre. L’effet était inverse : je m’étais dépouillé de mes droits pour le jeter dans les limbes.

Il aurait fallu, sans aucun doute, que je me décarcasse plus : salons du livre et foire aux bestiaux (parfois c’est la même chose) sont des lieux où il faut être présent pour se faire connaître ou rencontrer le dédain d’un public avide de pages fraîches. (Enfin, moins maintenant, certes.) Or, il eût fallu que j’investisse en frais de transports, en frais d’inscription pour avoir mon petit coin de table, et que je constitue mon propre stock de petits volumes. Sans avoir l’assurance de rentrer dans mes fonds.

Ce genre de démarche, certes honorable, m’eût permis quelques maigres bénéfices hors des divins « droits d’auteur ». Car il ne m’échappait plus que le contrat comportait une clause démotivante : les sommes dues par l’éditeur étaient conservées par icelui, ce jusqu’à 150 €. Le défi ne pouvait que difficilement être relevé. D’autant qu’au prix de l’ouvrage s’ajoutaient alors 10 € de frais de port (sauf pour les commandes en librairie) qui représentaient presque 70 % du prix initial. Qui d’assez sensé aurait daigné s’offrir ma prose dans ces conditions ? Bien sûr, la possibilité demeurait de solliciter son libraire ; mais dès lors que la livraison mettait un temps fou pour (ne pas) arriver, le lecteur potentiel risquait de jeter l’éponge. La clause abusive mais pas tout à fait illégale (ou à peine légale) me faisait donc désormais grincer des dents. D’autre part, j’étais lié par un droit de préférence qui n’était que la simple promesse que les deux prochains ouvrages seraient flingués sur-le-champ dès que j’aurais apposé ma griffe sur leurs contrats.

Chat échaudé craint l’eau froide. C’est encore pis si on a le sentiment qu’il s’agit plutôt d’hélium liquide…

Dans cette malheureuse situation, j’avais rencontré sur le net bien d’autres auteurs. La résistance finit par s’organiser, fort publiquement, et quelques demandes de résiliation tombèrent presque en même temps sur le bureau du service contrats. La mienne partit le 23 janvier 2007. Le choix de certaine date anniversaire n’était qu’à peine prémédité. Courant avril, je serais enfin libre et soulagé. Mais, encore une fois, il avait fallu lourdement insister.

Dans le courrier consommant officiellement le divorce, ce qui m’aura (presque) amusé, c’était la mention « Néanmoins nous tenons à vous rappeler que nous avons réalisé tout un travail autour de votre ouvrage (Maquette et intégration de corrections jusqu’au BAT définitif et communication ciblée). La maquette demeure la propriété exclusive des Éditions 1-Click1».

La maquette est établie par l’auteur, qui utilise un modèle standard. L’intégration des corrections demande, au maximum, dix minutes montre en main et café dans l’autre, d’autant que le nombre en est limité (vingt, je le rappelle). Quant à la communication, elle était et reste effectivement ciblée : comme le reste, en direction du néant. Mais c’est déjà un bel effort et j’en suis toujours, sachez-le, infiniment admiratif.

  1. Il suffit de regarder la couverture. []
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ISBN : quésaco ? – partie 1

Vous avez sans doute déjà entendu ces quatre lettres, mais à quoi font-elles référence ? Peu de gens le savent réellement, pourtant ce n’est pas faute de s’y intéresser.

Définition

L’ISBN (pour International Standard Book Number) peut aussi être appelé (mais très rarement) numéro international normalisé du livre (NINL). D’après la définition de la Bibliothèque Nationale de France, il « identifie de manière univoque une monographie quel qu’en soit le support de publication : imprimé ou multimédia. »

Pour mieux comprendre, il faut savoir qu’une monographie est un imprimé non-périodique : les magazines ne sont pas considérés comme monographies car ils sont périodiques (mensuels, annuels, hebdomadaires, trimestriels, etc.). Par contre, les livres (qu’ils soient romans, essais, séries, dictionnaires, encyclopédies, etc.) en plusieurs tomes sont des monographies. On inclus également dans ce terme les partitions musicales. Plus simplement, l’ISBN est le numéro d’identité d’un livre : on peut l’utiliser pour rechercher un ouvrage bien précis.

Sont pris en compte : le titre recherché, l’éditeur, la date de publication et le format. Autrement dit le format poche, le grand format et l’édition numérique d’un même titre auront chacun un ISBN différent, même s’ils sont parus chez le même éditeur. De même, une réédition d’un ancien ouvrage sous le même format chez le même éditeur nécessitera un nouvel ISBN. À l’inverse, on ne génèrera pas de nouvel ISBN pour une réimpression (qui, contrairement à une réédition, ne donnera pas lieu à un nouveau contrat).

Quelles infos ?

Vous vous en doutez (ou pas), l’ISBN n’est pas simplement un numéro généré et attribué de manière aléatoire. Il est régi par la norme ISO 2108 et était composé à l’origine de dix chiffres (on parle d’ISBN 10). Depuis janvier 2007, les ISBN comptent treize chiffres (ISBN 13). Cette évolution est due au trop grand nombre de publications : il n’y avait plus assez d’ISBN pour identifier chaque livre individuellement.

L’ISBN 10 se découpe donc en quatre parties :

  • La première indique la zone géographique d’édition de l’ouvrage ; pour les pays francophones (France, Belgique, Canada francophone, Luxembourg, Suisse francophone), le chiffre dédié est le 2. Cette première partie peut compter jusqu’à cinq chiffres. À retenir : cette partie n’indique pas la langue de rédaction : un ouvrage écrit en anglais publié en France aura un ISBN commençant par 2, pas par 0 ou 1, chiffres indiquant une édition en pays anglophone.
  • La deuxième partie désigne l’éditeur et a une longueur variable entre un et sept chiffres.
  • La troisième partie est attribuée par l’éditeur lui-même et compte un à six chiffres.
  • La quatrième partie est un code de vérification dont la valeur peut-être de 0 à 9 ou encore X, qui revient à 10. Ce code est calculé d’une manière très compliquée qui outrepasse complètement mes capacités en maths, mais vous saurez tout en vous rendant sur la page wikipedia de l’ISBN.

Pour convertir un ancien ISBN 10 en nouvel ISBN 13, c’est assez simple : il suffit d’ajouter 978 avant les neuf premiers chiffres (soit les trois premières parties) de l’ISBN 10. On recalcule ensuite la clé de vérification finale.

À l’inverse, on ne peut pas transformer un ISBN 13 (généré après janvier 2007) en ISBN 10 selon cette méthode, car le préfixe (le « 978 » qu’on ajoute à l’ISBN 10) peut changer.

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Scénarisation, la dramaturgie au service des auteurs – ÉTAPE 5

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Étape 5 – Jouer aux cartes (les murs) (1s)

Il s’agit de visualiser le film et d’écrire succinctement chaque scène. Soit sur des cartes, soit dans un tableur, soit dans un logiciel spécialisé. L’idée est de pouvoir aisément réagencer les séquences par la suite.

Exemple de carte

Laisser couler les idées librement, mais rester succinct. Sauf si réellement capital, pas besoin de détailler les décors ni de mettre de dialogue. Privilégiez l’activité au dialogue. Mettez les personnages en situation d’action ou de réaction plutôt que de description.

Respecter l’unité d’action.

Utiliser une couleur différente pour les nœuds dramatiques principaux (point déclencheur, passage premier-deuxième acte, climax…) afin de bien les identifier.

Une fois les cartes écrites (entre 60 et 80 pour un 90-120’), revisiter leur ordre, certaines séquences gagnent en valeur en agençant l’action un peu différemment. Éviter les longues séquences au même rythme ou du même type.

Quand vous avez fini, posez-vous les bonnes questions :

  • Les scènes sont-elles bien rythmées ?
  • Les nœuds dramatiques principaux sont-ils bien espacés ?
  • Les actions des personnages sont-elles bien motivées (et non pas là juste pour justifier l’histoire) ?
  • Y a-t-il bien une relation de cause à effet entre les actions des personnages ?
  • Le conflit monte-t-il bien crescendo jusqu’au climax ?
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Étapes de création d’un ebook – 3e partie

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3e étape : la vérification

Testez votre fichier sur des liseuses, en examinant plus particulièrement les passages en italique, pour vérifier s’ils ont bien été conservés. Je recommande aussi de tester le chapitrage sur la liseuse (il existe une application Kindle pour PC et Mac et des applications pour lire des epubs sur ordinateur, mais rien ne vaut la liseuse).

Sigil vous permet aussi de vérifier vos epubs, pour être sûr qu’ils seront acceptés au niveau qualité technique, notamment par Apple. Cela ne préjuge cependant pas du contenu, et ne vous dispense en rien de le vérifier.

4e étape : la distribution

Je distribue en ce moment sur Amazon, Apple, Kobo/la Fnac, Smashwords (uniquement sur leur site, je n’utilise pas les fonctions de distribution externe de Smashwords car la gestion des DRM n’est pas transparente avec eux), YouScribe et Chapitre.com.

La distribution externe, qu’est-ce que c’est ? Ce sont tous les sites comme Smashwords ou Immatériel qui vous proposent de réaliser eux-mêmes vos fichiers ebooks et de les distribuer sur Apple, Amazon, Kobo, Bookeen et les autres. Cela rajoute un intermédiaire, est susceptible de rallonger les délais de paiement et amoindrit votre redevance d’auteur. Vous y perdez aussi en autonomie et en indépendance, raisons pour lesquelles je les évite.

Pour Chapitre, il faut les démarcher directement. Pour Apple, Amazon et Kobo, ils mettent à disposition des sites. Attention, pour Apple, il vous faudra utiliser l’application iTunes Producer à partir d’un Mac exclusivement si vous voulez distribuer chez eux (le site iTunes Connect est quant à lui accessible à partir d’un PC, et permet de consulter ses ventes et de modifier le prix des ebooks, ainsi que les pays vers lesquels vous distribuez). Il vous faudra également un numéro de taxe US de type EID. Je sais, c’est contraignant. Ce n’est nécessaire que pour Apple. Il vous faut pour cela vous rendre sur le lien figurant dans l’article et renvoyer le formulaire. Vous pouvez passer par l’ambassade des États-Unis pour cela.

Je n’utilise pas Numilog, car il faut payer pour qu’ils vous fassent les conversions. Toutes ces plates-formes permettent en tout cas de distribuer sans DRM – les DRM sont les fameux verrous numériques censés empêcher la copie des livres, mais qui ne font selon moi que nuire à l’expérience des lecteurs, notamment en limitant leurs possibilités de conserver leurs fichiers. Je recommande d’indiquer dans la description des livres sur Amazon que vos fichiers sont sans DRM (si c’est le cas, bien sûr).

Amazon KDP

Kobo Writing Life

Smashwords

YouScribe

Apple

À l’intérieur de ces sites, n’oubliez pas de rentrer vos coordonnées bancaires pour être payé. Tous procèdent par virement électronique, mais si l’on est de la vieille école, il est aussi possible de réclamer le paiement par chèque pour Amazon, par exemple (le seuil minimum de ventes est alors plus important).

Toujours à l’intérieur de ces sites (sauf Smashwords et YouScribe, où je recommande la distribution sur le site, sans plus, et ce afin de conserver vos marges), optez pour la distribution mondiale si l’on vous en offre la possibilité, cela vous permettra de gagner du temps. En général, il s’agit juste d’une case à cocher pour que votre ebook soit téléchargeable dans un maximum de pays.

Cet article ne prétend pas être exhaustif. Vous êtes auteur indépendant. À vous de mettre un peu les mains dans le cambouis, de fouiner, d’obtenir sur Internet les différents tutoriels pour en savoir plus sur chaque sujet.

Par expérience, les différents logiciels ou plugins évoqués ici sont simples d’utilisation et ne nécessitent aucune notion de programmation. Si quelqu’un qui ni connaît rien comme moi a pu y arriver, vous devriez vous en sortir.

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Scénarisation, la dramaturgie au service des auteurs – ETAPE 4

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Étape 4 – Développer le récit (la charpente) (1j)


Développer les éléments des fondations (étape 2) sur environ 4 pages (1+2+1) en retraçant les actes, les nœuds dramatiques (élément déclencheur, passage premier-deuxième acte, climax…), l’objectif et les enjeux, le tout pour les principaux personnages.

Exploiter à fond la situation, les lieux et les personnages.

Une fois passé l’élément déclencheur, ce sont les actions du protagoniste essayant de surmonter ses obstacles qui devraient lui en ajouter d’autres, et non simplement survenir d’eux-mêmes.

Les conflits doivent aller croissant (en force, pas spécialement en nombre).

Ce petit récit doit répondre à plusieurs questions :

  • L’objectif est-il clair ?
  • Les obstacles (et donc le conflit) sont-ils bien définis ?
  • Y aura-t-il une réponse émotionnelle à l’histoire de la part du public ?
  • L’histoire n’est-elle pas trop prévisible ?
  • Les évènements sont-ils cohérents et plausibles (pas forcément possibles, mais réalistes selon les critères de l’univers dépeint) ?
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