- L’autoédition, modes et modalités
- Ce que n’est pas un éditeur
Parfois, les primo-romanciers ont une conception étrange du métier d’éditeur, mais ils ne sont pas les seuls. Des structures se créent dans le but officiel de promouvoir les jeunes écrivains, mais en réalité, qu’en est-il ?
Voici les principales choses à savoir sur ce qu’est un vrai éditeur :
1) Un éditeur n’exige rien en échange de la publication de votre livre
Le contrat qu’un réel éditeur vous fait signer est un contrat à compte d’éditeur. Il investit parce qu’il croit en vous, en votre écrit. Il s’occupe de la correction, de la maquette, de la couverture, de la promotion, de tous les détails légaux et plus encore.
Si on vous demande de débourser un centime (oui, un seul), c’est du compte d’auteur (aussi appelé participatif). Vous n’avez plus affaire à un éditeur, mais à un prestataire de services. Il vous fait payer la maquette pour une somme exorbitante ou/et la correction de votre roman. On essaiera de vous convaincre que « c’est normal d’aider un éditeur qui se lance ». Oui, mais non. Si un éditeur se lance, il a déjà assuré ses arrières. Ses moyens peuvent être limités, on ne le condamnera pas pour ça, mais il fera son travail comme il se doit. On ne demande pas à un employé d’aider son patron à payer les salaires (ou bien ?).
Si on vous exige une liste de contacts pour un système de pré-ventes, c’est du compte de lecteurs. Ce système permet de payer l’impression de votre roman et, dans l’attente d’une certaine somme, le travail sur votre livre est au point mort. Un vrai éditeur publie votre roman, peu importe le nombre de pré-ventes (si tant est qu’il pré-vende).
Un prestataire de services sérieux ne se donne pas le nom d’éditeur. Il informe clairement de ses prestations. Ses prix seront moins salés que celui d’un faux éditeur.
2) Un éditeur n’est ni un correcteur ni un nègre littéraire
Souvent, j’entends/lis ici et là « si l’histoire est bonne, les fautes sont secondaires ». Et j’ai un « lol » involontaire qui quitte mes lèvres. Surtout lorsque c’est suivi d’un « c’est à l’éditeur de corriger ».
Le rôle de l’éditeur n’est pas de vous corriger ! Les corrections éditoriales vont au-delà de concordances de temps et de l’orthographe impeccable. Un éditeur cherche à dynamiser un texte, à polir un diamant brut, à travailler le potentiel, mais la forme est déjà présente.
Lorsque votre manuscrit arrive sur la pile à lire, il va passer un premier tri : mise en page aux normes, français correct, respect des consignes, etc. Si la première page a cette allure : « Il est rentrer chez lui, seul, déprimé. Il a réfléchit à tout ce qu’elle lui a dit. Il ne peux pas la perdre, ce serait trop bête. », alors vous pouvez être certain que votre manuscrit ne passera pas à la prochaine étape.
Il ne faut pas se leurrer : une maison d’édition est une entreprise. Elle ne vous demande pas de débourser de l’argent, mais vous demande de ne pas lui en faire perdre. Et tout le monde sait : le temps c’est de l’argent. Un lecteur ne va pas perdre son temps avec de la mauvaise prose. Nous, les correcteurs, avons les yeux qui saignent pour de vrai quand nous voyons passer des textes pour des appels et des concours. Je ne vous parle pas de coquilles.
En tant qu’écrivain, la langue est votre outil de travail. Respectez-la. Respectez votre lecteur, aussi.
3) Un éditeur n’est pas une assistante sociale
Vous avez vécu une enfance terrible, vous êtes passé par des épreuves insoutenables, vous avez guéri d’une maladie pratiquement incurable… Ceci ne poussera pas un éditeur à vous publier. Pas automatiquement, en tout cas. Que ce soit un récit ou une fiction, le texte doit happer dès le départ. Certains misent sur l’humour et l’auto-dérision, d’autres se font plus poétiques. Peu importe le ton que vous prenez, le texte prime sur votre histoire personnelle. On est désolé pour vous, mais ce ne sera pas suffisant.
4) Un éditeur ne vous fait pas payer pour faire votre promotion
Si vous signez avec un vrai éditeur, la promotion fait partie du « packaging ». Il ne va pas vous demander de débourser une somme pour paraître dans un catalogue/une vitrine, pour faire parvenir vos romans à des magazines et des blogs en services de presse. Il a un réseau (petit ou grand) et il le fera fonctionner pour vous. S’il vous demande une compensation, ah… comment dire…
En bref :
Un éditeur sérieux investit son temps et son argent en vous, en votre livre. Il mettra tout en œuvre pour que votre livre soit visible, pour qu’on parle de vous. Il est votre partenaire en plus d’être votre patron. En échange, il vous demande de travailler avec lui pour les corrections éditoriales, de donner de votre personne lors de la promotion. Mais jamais il ne vous demandera de lui signer un chèque.
Ajoutons que, même si on vous fait signer un contrat à compte d’éditeur classique, dès lors que la maison qui vous accueille:
– a mis moins de dix jours pour vous dire oui (au vu du titre, sûrement, ou alors le « comité de lecture » lit plus vite que le temps mis par un photon pour aller de la page à l’oeil;
– n’effectuera aucun travail de correction éditoriale (et pour les corrections tout court, y en aura pas – ce sera pour votre pomme, d’ailleurs vous fournirez aussi la maquette, tant qu’à faire);
– se fout de votre promotion (bah, faut regarder la longueur du catalogue, normal qu’on ne puisse pas consacrer de temps à chacun);
– et cerise sur le gâteau retiendra vos droits d’auteur à concurrence de telle somme,
… courage, fuyez. Ou alors, si vous êtes pervers, attendez-vous à devoir lutter longuement quand il sera question de rompre le contrat, une fois que vous aurez amèrement regretté de vous être engagé pour toute la durée de la propriété intellectuelle (qui apparaît fort longue, dans ce genre de cas).
Je suis d’accord pour tout, sauf, pour le premier point. 🙂
Quand un éditeur agit au coup de cœur, il peut décider très vite s’il veut ou non un manuscrit. Dans les heures qui viennent, d’ailleurs. Et il n’est pas moins sérieux qu’un autre, juste qu’il a eu le manuscrit très vite et que ça lui a vraiment plus.
Ah oui, ça arrive vraiment qu’un éditeur sérieux réponde rapidement ? Je croyais qu’il mettaient tous au minimum plusieurs mois…
Si ton manuscrit est sur le haut de la pile et le premier lecteur le dévore et le fait savoir, il n’y a pas de raison pour que ça attende des mois. Quand un éditeur croit trouver *la* pépite d’or, il ne va pas attendre qu’un autre rafle la mise. 🙂
J’aurais dû rajouter « et » à chaque ligne. C’est vrai qu’on peut voir un éditeur sauter au plafond en feuilletant un tapuscrit (ô rêve que j’évite de caresser!). Mais, lorsque deux des conditions susmentionnées sont remplies, méfiance. Trois conditions, et c’est suffisant pour ne pas donner suite. Généralement, elles sont indiquées sur le site de l’éditeur, alors on devrait savoir à quoi s’attendre. Mais comme les auteurs sont parfois distraits et les formulations tordues…
Je confirme : mon éditrice Laura Mare m’a donné une réponse en moins d’une semaine. Comment se fait-ce ? J’étais déjà en contact avec elle sur Facebook, elle a fait une entorse à son règlement pour me lire avant la pile de manuscrit qui s’entassait sur son bureau. Même si elle a eu le malheur de faire faillite trois ans plus tard, je ne regrette pas cette collaboration.
Et il y a ceux qui sont curieux de lire quelques mots des derniers manuscrits arrivés pour voir… 🙂
J’avais omis de préciser que les conditions doivent être cumulatives. Et que si la réponse (positive) est prompte, à tout hasard on peut vérifier qu’on n’a pas affaire à un margoulin. Ce qui se fait en vitesse aussi. Après quoi, si c’est un honnête éditeur bien comme il faut, on peut bondir de joie autant de fois qu’on le souhaite.
Parce que par ailleurs, il faut bénir les éditeurs qui ont le coup de foudre.