Quèsaco ?
Jo Ann nous rappelait il n’y a pas si longtemps l’importance de la description des personnages. Aujourd’hui, je vous propose un voyage dans le temps. Avant de pouvoir – et devoir – décrire votre personnage, il faut que vous le connaissiez sur le bout des doigts. Car, comme le dit l’adage, « il n’y a pas que le physique qui compte ».
En effet, les personnages sont, avec les obstacles et le conflit, la composante majeure d’un bon récit. Ils incarnent votre histoire, la font vivre et en sont le conduit vers le lecteur, l’interface qui lui permet de s’identifier et de s’impliquer dans votre univers. Il est donc capital que vous puissiez écrire vos scènes et dialogues en corrélation avec vos personnages. Pour cela, vous devez les connaître. BIEN les connaître. Vous devez en faire vos amis proches. (Et pour les antagonistes, n’hésitez pas à faire usage de votre double personnalité, faites-vous l’avocat du diable et comprenez pourquoi ils sont si « méchants ».)
Cette phase porte le nom technique de « caractérisation des personnages ». Elle va bien au-delà de la description physique, qui n’en est qu’une petite partie comme nous allons le voir. Il y a sans doute des centaines de façons de se prêter à cet exercice de caractérisation, je vais vous en présenter une, celle qui me suit depuis longtemps et qui est, sous une forme ou une autre, un outil utilisé par beaucoup d’auteurs.
Je l’appelle « la fiche de personnage » (eut égard à un sombre passé dans l’univers des jeux de rôles) et je la modélise sous forme de tableau (eut égard cette fois à ma geek-attitude, ou mes troubles comportementaux, faut voir…). En voici un modèle pour votre usage.
Explications détaillées
Ci-dessous, les explications section par section de tous les champs du tableau.
Physionomie
Les attributs physiques qui vous permettront de gérer non seulement la description de votre personnage, mais aussi ses réactions (ou celles des autres) face à certaines situations.
- Sexe = Toujours utile à connaître, évidemment selon votre univers, « M/F » peut ne pas être la réponse attendue.
- Taille/poids = Utile pour la description et l’image générale que vous vous faites du personnage.
- Cheveux/yeux = Couleur, longueur, coiffure, accessoires… qui peuvent toujours servir à repérer une silhouette ou un indice en plus de contribuer à la description de base.
- Voix = volume, timbre, portée… toute particularité qui vous permettra de jouer avec le sens de l’audition du lecteur et d’identifier un personnage à coup sûr.
- Charisme = Sans forcément parler de beauté, votre personnage a-t-il du charme ? Si oui, de quelle nature ? Cela vous guidera sur les réactions possibles d’autres personnages lors de scènes de rencontre.
- Apparence = Là, nous sommes plus dans la beauté plastique. Nez, menton, pommettes… même si vous n’utiliserez pas tous ces détails à l’écrit, vous devez être capable de « voir » votre personnage dans votre esprit (et même de le dessiner si vous avez des affinités avec les arts graphiques).
- Marques/cicatrices = Important aussi, même si elles ne sont pas visibles en temps normal, on ne sait jamais quand un personnage sera appelé à se déshabiller ou devoir être identifié à la morgue…
- Habillement = L’accoutrement extérieur reflète souvent le milieu social et/ou la mentalité du personnage. Parfois, dans la caricature, l’habit fait vraiment le moine.
- Force physique/endurance = Votre personnage peut-il réellement se hisser à bout de bras de la corniche où vous l’avez fait tomber ? A-t-il des faiblesses particulières ?
- Agilité/souplesse = Pas tout le monde est capable de jongler ou de se plier en quatre dans un conduit d’aération.
- Santé = Fragile, robuste, allergique ? Si on trempe votre personnage dix minutes dans l’eau froide, que lui arrive-t-il ? (Détail important pour les mogwai par exemple…)
Sociologie
Cette section permet de situer votre personnage dans la société (celle de l’univers de votre roman, bien sûr). Important pour sa perception des autres, son statut et ce qui lui permet d’accomplir aisément ses objectifs, ou pas.
- Date et lieu de naissance = On ne choisit pas où et quand nous sommes nés, et cela peut avoir un impact important sur le reste de notre vie, quoi qu’on en dise. Heureusement, vous pouvez choisir ce qui vous arrange pour vos personnages. 😉
- Racines ethniques = Peut influencer beaucoup de choses dans le récit.
- Croyances religieuses = Conditionne une bonne partie du comportement.
- Opinions politiques = Un autre aspect qui peut influer sur les actions du personnage et ses prises de décision.
- Affiliations à des groupes, réseaux = Idées, ambitions, engagement de votre personnage.
- Orientation sexuelle = Anecdotique ou capitale selon l’univers de votre roman, c’est néanmoins une information importante sur le comportement de votre personnage vis-à-vis du genre opposé.
- Vie familiale = Un célibataire endurci ne fera pas les mêmes choix qu’un père de famille.
- Casier judiciaire = Fiché, pas fiché ? C’est un indice sur la moralité de votre personnage.
- Occupations = Il fait quoi dans la vie en dehors de son boulot ?
- Hobbies = Il aime faire quoi de son temps libre ? (hors boulot et éventuelles occupations annexes.)
- Éducation = Pas uniquement au sens scolaire du terme. Quelle éducation parentale a-t-il reçue ? Le bien, le mal… tout ça, c’est bien clair pour lui ou pas ?
- Profession / Environnement de travail = Plutôt manœuvre ou bureaucrate ? La mine ou l’administration ? Cela conditionne certains aspects physiques, mais aussi comportementaux, dans le choix du vocabulaire par exemple, le dynamisme, etc.
- CV = Son passé professionnel et scolaire (pas forcément en adéquation avec sa profession et ses occupations actuelles) peut indiquer des choix passés, des lacunes, des faiblesses ou des prédispositions.
- Statut social / Possessions = Son milieu social et ses biens peuvent influer sur certaines décisions matérielles et/ou morales.
- Biographie (brève) = Connaître son passé, ses épreuves et éventuels secrets reste le meilleur moyen de comprendre votre personnage et ses actions, même si cette bio ne verra jamais le jour dans la trame de votre roman. Restez succinct, le but n’est pas de rédiger un roman autobiographique pour chaque personnage.
Psychologie
Ha ! La psychologie de vos personnages… Elle peut être très technique et complexe pour ceux qui aiment les personnages torturés, mais faites au moins l’effort qu’elle ne soit pas trop légère. C’est souvent elle qui définit un personnage, sa voie et ses motivations profondes.
- Peurs/Phobies = À quoi et à quels degrés (pensez Indiana Jones et les serpents… un trait de caractère utilisé dans chaque opus).
- Superstitions = Peuvent engendrer un comportement en apparence illogique pour les autres.
- Secrets = Tous les personnages n’en ont pas forcément, mais pensez à Dexter et son « Dark passenger ».
- Tempérament = C’est ce qui ressort le plus de la psychologie d’un personnage, la première chose que les autres autour de lui peuvent détecter.
- Troubles de la personnalité = Il y en a de plus ou moins graves et débilitants. On tombe vite dans la psychanalyse, voire la psychologie clinique là, renseignez-vous bien si l’un de vos personnages est atteint d’un ou plusieurs troubles de ce genre.
- Inhibitions = Peuvent engendrer des traits de personnalité, des habitudes de vie ou des tics intéressants à exploiter.
- Complexes = d’infériorité, d’Œdipe, de castration… Les complexes psychologiques qui remontent le plus souvent à l’enfance conditionnent beaucoup des habitudes prises à l’âge adulte.
- Problèmes personnels = Ils peuvent changer l’affect d’un personnage envers les autres.
- Type d’intelligence = ne me lancez pas sur le sujet… Disons juste qu’il n’y a pas que les maths et le QI dans la vie.
- Imagination = En tant qu’auteur, vous devriez être le premier à reconnaître son importance pour aider un personnage à se sortir de situations difficiles.
- Habitudes = Elles peuvent rythmer le quotidien de votre personnage, lui donner une petite patte particulière.
- Morale = En adéquation avec l’éducation, la morale d’un personnage conditionne ses réactions face à certaines situations. Attention, la morale est dépendante de la société dans laquelle on vit.
- Valeurs = Outre la morale (liée à la société), votre personnage peut avoir des valeurs personnelles fortes (par exemple un voleur avec un code de l’honneur).
- Ambitions = N’est-ce point là ce qui nous fait nous lever le matin et tenir le coup toute la journée ? Vos persos aussi !
- Addictions = Lesquelles et à quels degrés ? Elles peuvent être un trait de caractère important. Un Holmes qui ne serait pas toxicomane perdrait beaucoup de son envergure, par exemple.
- Préjudices = Les marques du passé et autres fardeaux à porter définissent eux aussi votre personnage dans certains de ses choix.
Notes supplémentaires
Cette section permet de coucher par écrit des particularités qui ne rentrent peut-être pas dans les attributs généraux, ou à en modérer certaines conséquences. Je l’utilise parfois pour brosser le portrait-robot du caractère d’un personnage, ce qu’un autre individu ressentirait à leur première rencontre.
Conclusion
La fiche peut être extrêmement détaillée. Cela ne veut pas dire que vous devez tout fourrer par un moyen ou un autre dans votre récit. Ces informations sont pour vous, pour connaître vos personnages et anticiper leurs actions. En dehors de la pure description physique, tous ces attributs devraient se retrouver dans votre récit par des actes, des réactions et des prises de décisions. Vous verrez que si vous maîtrisez parfaitement vos personnages, ils finiront par vous parler et influencer sur certains aspects de votre histoire. Écoutez-les, après tout ce sont les premiers concernés et ils seront souvent de bon conseil.
Et vous ? Vous avez d’autres attributs intéressants à ajouter ? Comment vous y prenez-vous pour apprendre à connaître vos personnages ?
ta fiche perso est absolument parfaite, je l’ai adoptée!
je suis en pleine réflexion sur les persos de mon prochain roman et toutes les fiches que j’avais pu trouver jusque là étaient soit trop axées sur la fantasy (alors que mon projet est un roman noir) ou beaucoup trop complexe, au point que c’en devenait ridicule (je pense qu’à trop détailler, on perd l’homogénéité et donc la caractérisation du perso).
d’ailleurs j’ai beaucoup aimé la ligne « type d’intelligence » ^^ sur mon cahier de préparation, j’ai un perso à côté duquel j’ai écris en gros et en rouge « très grande intelligence SOCIALE!!! », parce que c’est un aspect aussi important à considérer que la capacité d’analyse ou la logique. donc je suis ravie de pas être la seule à être obsédée par les différents types d’intelligence XD
je me suis rajoutée 3 petits items (qui rejoignent certains des tiens):
– tatouages/bijoux (j’ai quelques punks dans mon sac…)
– but/problématique essentielle
– réaction en cas de conflit ou face à un problème (car comme tu le dis, le conflit, c’est l’essence même du roman ^^)
Ravis que cela te plaise.
Oui, le type d’intelligence est pour moi l’un des vecteurs principaux de la caractérisation, en même temps, c’est un ma patte 😉
Tout ce qui est accessoires et marques je le place dans la partie Physionomie.
Tu vas rire, mais… j’ai allégé cette fiche pour l’article. La mienne comporte une section « Dramatique » supplémentaire à la fin qui résume :
Je l’ai enlevée, car les termes réclament déjà une bonne compréhension de la dramaturgie, ce qui était hors contexte ici.
Je m’incline bien bas devant cette fiche. Le Concierge et moi ne sommes pas allés jusque là !
aaaahhh… cette partie « dramatique » correspond assez à ce que j’essayais d’exprimer et qui me semble essentielle pour structurer le récit.
(du coup, j’ai lu la série d’articles sur la dramaturgie XD même si j’ai du mal à suivre une technique, que ce soit celle-là ou celle des flocons, même de façon non-dogmatique, j’ai pioché pleins de petits trucs pour m’aider. Je prends conscience de plein d’aspects que j’avais du mal à organiser dans ma petite tête… donc merci! :D)
Mais de rien, c’est à ça que ça sert… piocher et étoffer son propre arsenal.
Bonne préparation 😉
Salut
J’aimerais préciser à ceux qui comment à sentir poindre la migraine rien qu’à la lecture du premier quart de la liste indicative fournie, qu’il est tout à fait possible de ne pas faire de fiche de personnage. En tout cas, je n’en fait pas.
Pour mon dernier roman, j’ai essayé d’en faire une simplifiée (nom, âge, profession, objectif, point fort, point faible, conflit et résolution finale)
Résultat, j’ai tout changé 3 fois après avoir commencé à écrire le roman et, au final, j’ai tout laissé tomber. Il est possible de construire ses persos au fil de l’intrigue, en fonction de ce dont on a besoin lorsqu’on écrit, sans que ce soit artificiellement écrit à l’avance. C’est juste une question de fonctionnement personnel.
Voilà. ceci étant précisé, faites des fiches si vous en voyez l’intérêt 😉
Sylas
Zut, j’aurais dû me relire. Désolé pour les fautes…
C’est un peu l’idée derrière ce type de fiche : pouvoir se relire et éviter les erreurs de cohérence plus tard lors de l’écriture. Ce n’est pas de l’artifice, c’est de la préparation.
Maintenant, ceci étant dit… ça peut marcher sans. Ne faites pas de fiche si vous n’en voyez pas l’intérêt. 😉
Pour reprendre Sylas. J’ai un peu de mal avec le côté « gravé dans le marbre » de cette fiche.
Car cela nous oblige, en suivant ta logique, à avoir un perso qui fluctu que peu le long du recit.
L’utilisation de cette fiche devient bien plus compliqué lorsque l’auteur compte faire évoluer son personnage et voire même lui créer des ambitions aux cours de son intrigue. Je ne sais pas si j’arrive à être relativement explicite sur le sujet : mais même intégrer les événements futur de l’intrigue dans cette fiche (les événements pas encore rédigés, dans le cadre d’un projet en cours) devient relativement compliqué car cette fiche nous pose juste le personnage à un moment « T », pas son évolution chronologique. Et j’avoue sur ce point être un peu perdu vu que j’ai effectivement de mon coté quatre fichier pour mon projet d’écriture :
– mon récit,
– l’univers en général,
– ma storyline dans ses (très) grandes lignes,
– et mes persos et leurs relations, psychologies succinctes
Faux ! Justement, rien n’est marqué dans le marbre. Il s’agit d’indicateurs. Pour atteindre une cible, il y a toujours plusieurs chemins, mais si l’on veut garder une cohérence dans les actions des personnages (surtout si la vie professionnelle et familiale vous oblige à fragmenter votre écriture dans le temps) il est bon d’avoir des repères.
Pour prendre un bête exemple « physique ». Vous pouvez commencer avec un perso sans cicatrice, certes, mais s’il prend un coup de barre à mine dans la tronche au chapitre 2, il serait bon qu’il ait une cicatrice par la suite, c’est évident… Bien sûr que les personnages évoluent. Mais un timide introverti DEVRA réagir différemment d’un extraverti mégalomane dans une situation donnée, et même si la psychologie des personnages peut/doit évoluer dans le temps selon le type de récit, cela doit rester cohérent.
C’est comme le jeu de rôle… on commence sa fiche de personnage pour un guerrier Elf niveau 1, ça ne veut pas dire qu’il ne peut pas finir triclassé héros niveau 77. Sa fiche va évoluer avec lui, afin qu’à chaque partie (chapitre) on puisse maintenir une cohérence de ses actions.
Si vous avez la chance de pouvoir écrire un roman en one shot sur une courte période, tout ceci peut rester dans un coin de la tête, pas de soucis. Mais si comme beaucoup vous n’avez pas ce luxe, pouvoir se référer à une fiche, c’est que du bonheur pour éviter de faire faire n’importe quoi aux personnages, ou ce gourrer dans une description. Sans compter que ce travail préalable (s’il est bien effectué avec les recherches nécessaires), loin de fermer des options, en ouvre au contraire beaucoup sur des horizons qui nous sont autrement inconnu, ce qui permet d’éviter les clichés et de varier les types de personnages dans nos romans.
Bonjour !
J’ai beaucoup croiser cette idée de fiche de personnage. Et je reconnais qu’elle est bien pratique. Je pense qu’il faudrait quand même conseiller aux auteurs de toujours la faire selon leur besoin : écrivant du fantastique, j’ajouterais sûrement quelques items et en enlèverais d’autres qui ne se voient que dans une situation « normale » si je puis dire ainsi.
Sinon je me demandais si tu faisais ça pour beaucoup de personnages. Puisque pour ma part, je mets beaucoup de personnages en avant, les uns après les autres et ça me ferait sûrement une quizaine de fiches à faire… En tout cas, je m’y essayerai au moins pour les personnages les plus flous.
Merci beaucoup.
Tu as raison Maneeya, la fiche peut bien entendu être agrémentée de détails supplémentaires spécifiques au thème et/ou la nature de certains personnages.
En général je fais des fiches détaillées pour tous les personnages importants (5 à 8 selon les histoires jusqu’à maintenant), il m’arrive aussi de faire des fiches plus synthétiques pour des groupes, histoire de ne pas mélanger les noms, les fonctions et le physique, mais sans pour autant entrer dans la psychologie profonde de chacun (les collègues du commissariat, les élèves de la classe, les voisins de palier, ce genre de seconds rôles).
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