- L’espace-temps éditorial expliqué aux bébés-auteurs (première partie)
- Ce n’est pas parce qu’on est bébé-auteur qu’on peut aller dans n’importe quelle crèche
- Comment ne pas se faire publier
Nous savons déjà que le bébé-auteur vit dans un monde à part. Il a parfois folies des grandeurs, mais il sait être humble lorsqu’il s’agit de se lancer dans l’édition, cet univers impitoyable (je sais que vous avez le générique en tête, maintenant. Ne me remerciez pas). Mais à force de vouloir être humble, le bébé-auteur devient bébé-pigeon.
4 – « Il faut bien commencer quelque part/un début à tout. »
Le bébé-auteur pense que tout escalier est bon à prendre pourvu qu’il mène à la terrasse où on sert les canapés et le champagne. Le souci, c’est qu’il n’a pas étudié le plan du gratte-ciel dans lequel il s’engouffre. Il a vu de la lumière et il est entré. Il ne sait pas, l’innocent, que pour accéder au penthouse, il faut un ascenseur à part et… il n’a pas pris le bon. (Aïe.)
5 – « Je paie pour me lancer. »
Le bébé-auteur est prêt à s’endetter pour « se lancer », pour « commencer ». Il est prêt à payer quand, en vrai, il ne devrait pas. Mais il faut bien commencer quelque part, hein ? Tant pis si on lui dit que le compte d’auteur n’est pas recommandé, que quitte à payer, autant passer par l’auto-publication.
6 – « Tout le monde dit du mal de cette maison, mais j’y vais quand même, ce sera peut-être différent avec moi. »
Le bébé-auteur se moque des conseils (non-sollicités) des écrivains plus expérimentés (= pas forcément des Goncourt, mais qui sont dans le circuit depuis un peu plus longtemps). Le bébé-auteur sera toujours (toujours) la poule aux œufs d’or de la nouvelle maison, celui pour qui tout sera différent, celui qui sera le best-seller qui fera que tout change. Le bébé-auteur est touché par la grâce et il est le seul à le savoir. Nul n’est prophète en son pays, on le sait bien.
7 – « Tout le monde me dit de ne pas signer, mais… »
… mais il faut commencer quelque part.
… mais ce sera différent avec moi.
… mais…
8 – « Je ne connais rien, mais je sais tout. »
Le bébé-auteur ne s’y connaît absolument pas, mais il a des idées tranchées sur tout, il sait tout mieux que tout le monde. Les conseils (non-sollicités) sont bons pour la corbeille. Il n’y a pas plus entêté que le bébé-auteur.
Mais ne vous inquiétez pas, c’est un trait de caractère qui tend à s’effacer quand il plonge dans la vase. On se retiendra de dire « on vous l’a bien dit ».
Cher bébé-auteur,
Quand nous te donnons un conseil, même lorsque tu ne nous l’as pas demandé, ce n’est pas pour te faire de la peine, au contraire. C’est pour éviter que tu aies de la peine à l’avenir, parce que le réveil est plutôt rude. La seule façon de grimper les échelons, c’est d’attendre patiemment qu’un éditeur classique accepte ton manuscrit.
Dans l’attente, écris. C’est en écrivant qu’on devient écrivain. Un premier roman écrit est rarement un premier roman publié. Plus on écrit, mieux on connaît son écriture, ses lacunes et ses forces. On commence à comprendre les rouages de son cerveau. On corrige ses faiblesses et on renforce nos qualités.
Et quitte à « commencer quelque part », choisis l’auto-publication. Entoure-toi d’un correcteur, d’un graphiste, d’un maquettiste, d’un imprimeur, et fais quelque chose de bien. Le compte d’auteur (= publication de vanité, comme le diraient les anglophones) est comme un balle dans le pied. J’ai parfois l’impression qu’il t’arrache plutôt la jambe, mais ce n’est qu’un avis personnel…
Tu sais être humble et je te respecte pour ça. Mais il y a une différence entre connaître sa place et vouloir devenir la serpillière de nombre d’« éditeurs » peu scrupuleux qui vivent grâce à ton argent. Souviens-toi d’une chose importante : tu es le partenaire de ton éditeur, tu n’es pas son client.
Chouette article (again) et joli titre d’ailleurs. On ne répètera jamais assez les points 5 et 6 !
Merci ! 🙂
Plus les jeunes auteurs comprendront que tout n’est pas rose, mieux la « bonne parole » se propagera.
(Enfin, j’espère. 😉 )
J’aime beaucoup.
Mais je continue à ne pas voir de différence fondamentale entre l’auto-publication et le compte d’auteur. Dans les deux cas, c’est du compte d’auteur. On nous avertit souvent (avec raison) de ne pas généraliser « l’auto-publication » (il y a du bon et du mauvais là-dedans), et je pense que c’est pareil chez les prestataires de service. Il y en a qui font du bon boulot à un prix correct, du bien meilleur boulot que n’en ferait un auteur dont ce n’est pas le métier, qui n’a jamais fait ça avant, et qui est entravé dans sa démarche par un tas d’autres désirs liés au fait qu’il s’agit de *son* œuvre. Les sociétés qui impriment et distribuent une œuvre à compte d’auteur sont présentées comme des « arnaqueurs » (même si tout est annoncé noir sur blanc dans le contrat…), mais il y a tout autant de chance qu’on tombe sur des arnaqueurs en cherchant des correcteurs et graphistes free-lance… Là aussi, il y a vraiment de tout, du meilleur et du pire, et, avant d’avoir testé (et payé), il est impossible de savoir à qui on a affaire. Ça va des gens qui disparaissent soudainement de la circulation, n’envoient jamais le travail et, évidemment, ne remboursent pas l’avance payée, à du travail simplement bâclé qu’on doit refaire derrière.
Je trouve, au contraire, qu’il y a une grande différence entre payer 3 000 € pour un livre non corrigé/non travaillé (et payer un supplément si tu veux vraiment corriger) et gagner, maximum, 25 % de bénéfices, et payer moitié moins pour correction + graphisme + impression et avoir 100 % de bénéfices (auxquels on déduit l’investissement, bien sûr).
On n’a rien contre les prestataires de service qui s’annoncent comme tels, honnêtes. On a quelque chose contre les prestataires qui se disent éditeurs. Et le bébé auteur qui n’y connaît rien, a lu éditeur sur le contrat (ouais, ils osent écrire éditeur sur le document), pense que c’est OK. Et ça ne l’est pas.
Quitte à dépenser de l’argent, qu’on sache bien le faire.
Jeanne :
Il y a aussi le problème de la distribution…
Quoi qu’on en dise, même avec la révolution du numérique, l’édition est un vrai métier : un vrai éditeur va amener un regard expérimenté (et bienveillant) sur le roman, le défendre en essayant de le rendre le plus visible possible au niveau de la distribution, de la promo, des salons. Ce rapport humain avec l’auteur est bien différent de celui du prestataire. Comme l’a si bien écrit Jo Ann, au mieux ce prestataire facturera honnêtement un service. À l’inverse, un éditeur croit à un roman, il souhaite collaborer avec un auteur et prendre des risques. Pour le coup, s’il est courant que les maisons d’édition refusent un manuscrit, la belle histoire de l’écrivain Hugh Howey qui a auto-publié « Silo » (500.000 exemplaires vendus) prouve qu’il vaut mieux se lancer tout seul plutôt que de faire appel à ce genre de service. Sans parler des forums d’écriture qui, eux, sont gratuits et permettent de progresser constamment.