- Corriger un roman – INTRO
- Corriger un roman – Réviser le fond
- Corriger un roman – Réviser la forme (1ère partie)
- Corriger un roman – Réviser la forme (2ème partie)
- Corriger un roman – Conclusion
Bon, ça y est ? L’histoire fait sens, tous les éléments collent ? Bien sûr, vous aurez eu à cœur de vérifier la force et la psychologie de vos personnages. Portent-ils bien le récit ? Alors assez logiquement, après le fond, il faut maintenant se pencher sur la forme. Cet article sera un peu long, il y a beaucoup à dire, du coup, on va même le scinder en deux. Cette semaine nous parlerons du style et du rythme, la semaine prochaine de la partie « technique » 😉
La phase de réécriture corrective de la forme
Tout comme pour le fond, revenons un instant sur la définition du concept de « forme » : la FORME est un peu le contraire du fond. Dans un roman, elle regroupe tout ce qui a trait à la syntaxe. À l’opposé du fond, la forme est donc majoritairement objective (je rassure les artistes, il vous reste du champ libre en ce qui concerne « le style »). Les règles et références en sont nombreuses. Sa correction est la marque d’un auteur qui maîtrise ses outils – ou à défaut, qui saurait s’entourer de collaborateurs capables de le corriger convenablement, n’est-ce pas Nikkos ?
La forme :
« Les moyens techniques mis en œuvre pour transmettre les idées (le fond). »
- Forme « stylistique » :
- Le genre du texte ;
- Le type de vocabulaire et de champs lexicaux ;
- La structure de l’ensemble ou des parties ;
- Les figures stylistiques et syntaxiques ;
- Le rythme et la tonalité.
- Forme « technique » :
- La typographie ;
- La ponctuation ;
- La conjugaison des verbes ;
- La grammaire ;
- L’orthographe ;
- etc.
Si le style est bien évidemment subjectif et à votre entière discrétion, je ne saurais résister à l’envie de vous mettre en garde. C’est un mirage qui attire beaucoup d’auteurs débutants. Dans le contexte du roman de fiction, le plus important est le FOND, puis la FORME « TECHNIQUE » et en dernier la forme stylistique. Autrement dit, avant de « trouver votre voix », assurez-vous de savoir raconter des histoires clairement et proprement. Après tout, un peintre, avant de choisir son école de peinture, se doit de maîtriser sa toile, ses pinceaux, sa gouache, ses mélanges, ses couches et sous-couches. Un musicien se frotte au solfège, à la pratique de son instrument et aux répétitions avant de choisir le style de ses solos endiablés. Pourquoi serait-ce différent pour un auteur ?
Exemples :
Les points mis en évidence plus haut sont les règles objectives à respecter. Elles sont nombreuses (nous écrivons en français, une langue riche qui va du texto à la production philo-socio-politico-intello-littéraire…). Je ne peux pas faire de cet article un cours magistral sur la chose, je vous renverrai donc sur des références établies. Par contre, dans les exemples suivants, je vais soulever les erreurs les plus fréquentes, mais pas forcément les plus connues.
Une incartade dans le style
Typiquement du côté « subjectif » de l’argumentaire, je ne résiste pourtant pas à vous brosser quelques points « objectifs » qui, s’ils sont laissés sans surveillance, nuiront à votre style quel qu’il soit (sauf si vous visez le style « débutant qui va défoncer la scène littéraire francophone… dans ses rêves »).
Les répétitions :
Elles plombent rapidement un style et, pour le lecteur, marquent un manque de vocabulaire certain. Chassez donc les répétitions de mots (surtout les adjectifs, noms et flexions un peu rares. Une répétition de « mains » passe plus inaperçue que pour « transigeance »), de pronoms (surtout en début de phrase, les « il / elle » sont des tueurs, variez avec les noms ou autres appellations de vos sujets), de style (remplacer « comme » par « ainsi que », « tel que », « à l’instar de » ne changera pas le fait qu’il y a répétition de formes comparatives dans le texte. De même, faites attention à l’usage trop fréquent de métaphores).
Il était parti. Elle referma la porte et elle enfouit son visage dans ses mains. Il tourna au coin de la rue sans un regard en arrière. => John était parti. Elle referma la porte et enfouit son visage dans ses mains. Son mari tourna au coin de la rue sans un regard en arrière.
=> Les meilleurs outils à votre disposition restent encore un bon dictionnaire de synonymes et beaucoup de lecture.
Les verbes « faibles » :
La nature de certains verbes est floue. Or, l’écriture d’un roman doit être ciselée et précise. Sans les bannir systématiquement (des passages peuvent avoir besoin d’entretenir une certaine confusion. Et si vous écrivez pour la jeunesse, leur présence est beaucoup plus logique), posez-vous toujours la question en rencontrant « faire », « sembler », « paraître », « commencer », « pouvoir », « devoir », « aller », « dire » si un verbe plus précis ne pourrait pas être utilisé. Deux verbes sont à chasser encore plus drastiquement, car leur usage en tant qu’auxiliaire apporte de surcroît un souci de répétition, j’ai nommé nos fameux « être » et « avoir ». (Je parle bien de réduire à peau de chagrin leurs formes verbales, pas leur usage en tant qu’auxiliaires qui est lié le plus souvent à la conjugaison des temps composés).
Il était si beau que toute la salle fut subjuguée. => Sa beauté hors du commun subjugua la salle entière.
Elle fit un délicat ragoût et put exprimer ainsi son savoir-faire. => Elle mijota un délicat ragoût pour exprimer son savoir-faire. / Elle exprima son savoir-faire en mijotant un délicat ragoût.
Traitez les formes verbales suivantes de la même manière, elles sont tout aussi « faciles » et peu précises : « il me semble », « j’ai l’impression que », « on dirait », « avoir l’air », « venir de », « continuer de », « être sur le point de ».
=> Le meilleur outil reste encore un bon œil à la relecture. Un logiciel de recherche et d’analyse de votre texte pour indiquer les répétitions groupées par catégories (afin de détecter les verbes quels que soient leur forme et leur temps) serait utile, mais je n’en connais pas qui soit autonome et efficace, seul Repetition Detector qui cherche sur le radical des mots peut encore être de quelque utilité. Sinon il reste les logiciels de correction comme Cordial et Antidote qui ont un module d’analyse complet intégré. Ma préférence va sans conteste au dernier, un fidèle compagnon depuis des années.
Les adjectifs et termes « faibles » :
Tout comme les verbes, il est des adjectifs et termes des plus ternes : « bon », « meilleur », « faible », « utile », « similaire », « relatif », « possible »… à remplacer par des équivalents plus pertinents.
Les débuts de phrases « plats » :
Il y a des formes comme celle que je viens d’employer qui, si elles se prêtent à des papiers un peu techniques ou journalistiques, sont d’une platitude absolue dans un roman. Fuyez comme la peste les phrases débutant par « Il y a » (et ses déclinaisons « Il y avait », « Il y eut », « Il y aurait »…) ou « C’était » (et ses déclinaisons « C’est », « Ce fut », « Ce serait »…)
Il y avait des matins où John n’y tenait plus. C’était plus fort que lui, il lui fallait sa dose de nicotine. => Certains matins, John n’y tenait plus. Seule sa dose de nicotine comptait pour lui.
=> Une simple recherche dans le texte avec les outils de votre traitement texte devrait vous aider à identifier ces débuts de phrases un peu mous.
La voix passive :
Soyons clairs : cela ne donne pas un genre intelligent ni l’impression de maîtriser la langue à un niveau insoupçonné, comme certains le pensent. Dans un roman de fiction… C’est juste lourd !
À moins que ce ne soit d’une importance capitale, un choix conscient et calculé pour attirer l’attention du lecteur sur une action particulière, aucune hésitation : retournez ces phrases comme une paire de gants en caoutchouc. Allez hop ! À l’actif !
Il avait été frappé par une soudaine fièvre => Une soudaine fièvre le frappa / Une soudaine fièvre l’avait frappé.
Le rythme
Écrire est très similaire à faire de la musique et le meilleur conseil que je puisse vous donner pour cette partie corrective de la forme c’est de vous relire à haute voix (vous sentirez mieux la fluidité, les apnées, les saccades…).
La taille des phrases :
Un bon morceau de musique sait jouer avec le rythme et la tonalité. À l’écrit, il faut savoir, de même, alterner pour appuyer une description ou porter la charge dynamique d’une action. Raccourcissez les phrases à rallonge truffées d’incises multiples et d’imbrications de subordonnées, elles alourdissent inutilement. Gardez un œil sur les longs passages découpés au hachoir, ils n’ont leur place que pour porter une action forte, et même là, il faut savoir ménager des pauses, ou votre lecteur s’essoufflera.
John décida, sans en avertir sa dulcinée, de prendre ses congés à la fin août. => Sans en avertir sa dulcinée, John décida de prendre ses congés à la fin août.
=> Instinctivement, on marque une pause sur les virgules, mais on ne respire que sur les points (tous types confondus). Ne laissez pas vos lecteurs s’asphyxier. N’hésitez pas à segmenter une longue phrase en plusieurs. Souvent un simple point à la place d’une virgule suffit. Parfois, il faut remanier un peu l’ordre des subordonnées.
Les imbrications de subordonnées relatives :
Rien de tel pour casser le rythme d’une phrase, à bannir. En plus, cela élimine souvent une phrase trop longue. D’une pierre deux coups !
Avec la chance de John qui avait retrouvé le dossier qu’on lui avait volé, tout était possible. => Avec sa chance, John avait retrouvé le dossier volé. Tout était possible.
Adverbes en « –ment » (et participes présents) :
Les adverbes se terminant en « -ment » sont non seulement parfaitement alourdissants pour les phrases, mais ils engendrent également un fond sonore gênant en répétant allégrement le son « en ». => La terminaison en « -ment » de certains adverbes alourdit les phrases. Mêlée à un usage intensif du participe présent, elle accroît de plus le phénomène de répétition du son « en ».
Abus de conjonctions :
On nous apprend très tôt à l’école à lier nos raisonnements par des conjonctions (mais, cependant, pourtant, néanmoins, tandis que, et…), un usage fréquent dans le langage parler. Si leur utilisation est tout à fait valide pour une étude, un essai ou une dissertation, elle empâte considérablement le narratif d’un récit qui s’étale sur plusieurs centaines de pages et en sera donc truffé si on commence à lier chaque action entre elles. Beaucoup de causalités sont intrinsèques à l’histoire et il n’est nul besoin de les appuyer en ajoutant une conjonction. Veillez à les garder à un minimum ainsi qu’à renommer vos groupes pour éviter le phénomène de « liste des commissions » (ça ET ça ET ceci ET cela…).
Il prit la valise tandis qu’elle s’emparait de la mallette contenant les billets et John et Mary quittèrent la chambre d’hôtel ensemble. => Il prit la valise. Elle s’empara de la mallette contenant les billets. Deux minutes plus tard, les deux amants quittèrent la chambre d’hôtel ensemble.
Merci d’avoir tenu jusque-là, on se retrouve la semaine prochaine pour parler des corrections techniques.
Ce n’est pas « réviser la forme 1ère partie » ?
Si, carrément ! Je pense qu’on devrait interdire les copier/coller après 1:00 du mat’ 😉
Je corrige, merci.
Toujours aussi passionnant et instructif 😉
On a pas vraiment le choix. On a des lecteurs très exigeants, et j’ai noté une baisse des donations de Tagada sur le dernier mois, donc là on se défonce !
J’adore vos articles. Ils m’aident dans la progression de mes textes. Les articles, combinés à mon correcteur (que je bénis) je m’améliore ^^
Merci beaucoup !
😳
Comme disait ma grand-mère, « Bon sang, mais c’est bien sûr! »
Sur le papier, rien de plus évident. Mais dans la réalité… C’est une autre paire de manches.
Merci, de nous remettre dans le droit chemin, petit homme.
Je prend effectivement plus de plaisir à écrire sur les corrections qu’à les faire !
J’adore corriger !
(C’est grave ?)
C’est pas « grave » en soi… je suis sûr que des gens peuvent très bien vivre comme ça… mais… t’as un bon psy dans ton coin ?
bonjour et merci Kanata, j’ai réécrit le premier paragraphe de ma nouvelle. j’ai encore 5 pages à corriger. Mais non, ne rougis pas Kanata. C’est tout naturel d’aider son prochain. Allez, à bientôt. Je vais continuer à visiter ton blog.
Merci, et bonnes corrections !
Ah ben, à propos de corrections, je suis nulle en orthographe et c’est encore pire en grammaire. Je n’ai jamais rien compris en grammaire et c’est encore pire aujourd’hui quand je lis les nouveaux noms donnés aux groupes de compléments.
C’est là que le correcteur peut-être d’un grand secours ! Et puis… plus tu écris, plus ça s’arrange, on finit par repérer nos travers récurrents et à s’autocorriger. Moi je ne suis plus qu’à 350 fautes par page en premier jet, c’est deux fois moins qu’avant 😉
MERCIIII !!
Cet article est exactement ce que je cherchais. Il me sauve la vie !
C’est mon destin : servir de bouée de sauvetage 😉
Excellent article, comme d’hab. Votre site est une petite mine d’or… En ce qui concerne le problème des répétitions, et plus particulièrement les verbes : Repetition Detector 2 (le successeur du Repetition Detector que vous citez
http://www.gaddy.fr/repetitiondetector/
remplit parfaitement ceque vous demandez, en ce qui me concerne
Ce petit logiciel me permet en effet de repérer très exactement ce que je veux (par exemple toutes les formes du verbe avoir et du verbe être conjugués), sans limite : il fonctionne sur la base d’un système de mini fenêtres dans lesquelles on peut demander (une fois pour toutes) au logiciel de mémoriser des mots, des segments de mots, des phrases, etc pour qu’il les détecte dans un texte. (ce qui permet de rectifier des répétitions de phrasrs, voire des répétitions euphoniques désagréables, ainsi que des répétitions d’adverbes en « ement », etc. C’est très pratique grâce au copier-coller : je me suis fabriqué des listes entières de verbes « faibles » à différentes formes en copiant colant les conjugaisons de ces verbes que je répète souvent et depuis cela m’aide énormément à rectifier mes petites « manies d’écriture » personnelles. Il m’a coûté moins cher qu’un paquet de cigarettes mais je ne saurais plus m’en passer : impossible de corriger mes textes sans lui, sinon j’ai l’impression de perdre un temps fou, je peux m’en servir aussi bien comme un détecteur « normal » de répétitions que l’adapter à mes « manies » . Antidote que vous citez et que je pratique aussi (gratos chez une amie vu ma pingrerie^^) est un bon produit dans d’autres domaines, mais pour ce qui concerne les répétitions et doublons, il n’y a pas photo : Repetition DeteCtor 2 est largement meilleur, plus puissant e tplus précis. Attention : je parle bien du 2, le 1 est beaucoup plus limité même si entièrement gratuit tandis que le 2 coûte un peu plus de 5 euros, mais il les vaut très largement). A noter qu’une version « on line » gratuite du 1 existe aussi, pour ceux qui ne veulent ni télécharger un logiciel ni s’offrir la version 2. Pour les indécis, vous pouvez vous faire une idée ave cla version de démonstration de Repetition Detector 2, qui est gratuite pendant un mois (ensuite malheureusement, il faut acheter une licence sinon elle devient inutilisable)