Nous avons parlé de la préparation, de la structure, du synopsis, de l’écriture, de la correction, de l’édition, des dédicaces… pourtant, il est une phase que l’on passe souvent sous silence et que l’on tend à minimiser : celle de l’attente !
Quand on décide de devenir écrivain, il faut se préparer à attendre, beaucoup, et souvent. Parfois, on aimerait que cela passe plus vite. Je fais bien évidemment référence, dans ce cas, à l’attente sans fin des réponses (positives ou négatives) lors de la phase de prospection éditoriale. Ce n’est pourtant pas de celle-ci dont je vous propose de parler aujourd’hui, mais d’une autre, bien plus importante. Une qui ne doit pas être subie, que l’on ne doit pas redouter, mais bel et bien chérir : l’attente entre la fin du premier jet et le début des corrections/réécritures !
Soyons francs : si vous pensiez pouvoir enchaîner votre premier jet et vos réécritures, vous faites fausse route. À la fin du premier jet, vous devriez être vanné. Heureux, extatique, sur un nuage, certes… Mais une fois la bouffée d’hormones retombée, vous devriez être à bout ! Et ce n’est pas du tout le bon moment pour donner le meilleur de vous-même. Or, la réécriture et les corrections vont vous pomper au moins autant que la partie purement créative, si ce n’est plus. A minima, vous avez besoin de repos.
Mais surtout… un roman est comme un bon fromage, un bon vin ou un bon whisky : il a besoin de temps pour s’affiner, fermenter, vieillir… – bref, vous comprenez les métaphores pourries.
Il faut savoir prendre de la distance avec son texte et son histoire, de manière à être le plus impartial possible. Ce n’est pas si facile qu’il y paraît… Et c’est bien pour cela qu’une certaine attente est nécessaire. Se jeter dans la réécriture à chaud, c’est s’ôter d’emblée des opportunités d’améliorations profondes et risquer de rester superficiel. Parfois – souvent ? – il ne faut pas avoir peur de tailler dans la masse, et c’est extrêmement difficile à faire quand on est encore « amoureux » de son œuvre. Car c’est bien connu : « l’Amour rend aveugle ».
Combien de temps faut-il attendre, me direz-vous ? Certainement pas sept ans comme pour une union, vous répondrais-je.
Attente trop courte
On sera à l’aise pour les petits ajustements et les corrections ortho-grammaticales, mais on risque de manquer de lucidité et de recul pour les grandes questions. Quand viendra le moment de statuer sur cette belle envolée lyrique qui plombe une scène, on sera tenté de la garder parce que la douleur d’en avoir accouché sera encore trop présente.
Attente trop longue
On court le risque de se faire rattraper par la vie, ou de nouveaux projets attrayants qui s’enchaîneront sans cesse, les uns à la suite des autres : c’est le danger de ne jamais faire aboutir un récit. J’appelle ça « l’appel des sirènes », la parfaite fuite en avant. Il est tellement plus agréable de créer que de corriger… ATTENTION, DANGER !
Le juste milieu
C’est un seuil qui est personnel à chacun et, mine de rien, c’est un vrai travail sur soi. Il faut être honnête avec soi-même et apprendre à se connaître. Pour moi, il y a un déclic qui se fait. À un moment, je sens que je suis prêt à en découdre avec mon texte. J’ai la hargne, je suis remonté à bloc, et je vais lui montrer qui est le maître ! Pourquoi croyez-vous que toutes mes corrections prennent des allures de matches de boxe (sport que je déteste par ailleurs, allez comprendre…) ?
Ma philosophie est la suivante : « j’écris le premier pour moi, je réécris pour les autres ». Tant que je ne suis pas prêt à faire ce travail, quitte à renier certaines choses que j’ai écrites, j’attends !
Mais pour d’autres, c’est une zénitude absolue qui est le signe de se lancer. Ils arrivent à un recul tel qu’ils peuvent aborder leur propre texte comme si c’était celui de quelqu’un d’autre avec calme et sérénité.
Si vous n’êtes pas sûr d’avoir trouvé votre déclencheur, essayez la bêta-lecture. Vos réactions aux retours d’autrui seront un bon indicateur qui vous permettra de savoir si vous êtes mûr, ou si vous devez attendre encore un peu…
Que faire en attendant ?
Quel que soit votre déclencheur, il faut bien trouver quoi faire durant cette attente.
- Reprendre votre vie « normale » ?
- Vous vider la tête à grand renfort de jeux vidéo, séries télé, ou salles obscures ?
- Partir en voyage ?
- Entamer un autre projet (attention à ne pas fuir la réalité de la réécriture et des corrections 😉 ) ?
- Reprendre le sport ?
- Vider votre PAL ?
- Dormir ?
- Prévenir votre entourage que vous n’êtes pas mort ?
- Commencer un élevage de pucerons ?
- Entamer une cure de désintoxication au café, au chocolat – ou aux tagadas ?
- …
Dites-nous un peu quels sont vos trucs favoris durant cette attente, et quel est VOTRE déclencheur pour plonger dans les corrections ?
Je ne peux que confirmer la bêta-lecture comme déclencheur. Le fait qu’un relecteur vous mette sous le nez une faute impardonnable dans votre histoire, ou un manquement grave dans la construction d’une scène, ça nous fait tomber de notre piédestal de félicité et nous oblige à retrouver l’équilibre (moi aussi, j’aime les métaphores pourries). Un peu comme s’il fallait quelqu’un d’autre pour nous ouvrir les yeux la première fois.
Amen, Xavier…
« Il est tellement plus agréable de créer que de corriger… »
Ah non, je prends plus de plaisir à peaufiner un texte qu’à l’écrire. 😉
Moi, c’est le deux. J’adore créer, j’adore peaufiner ! 😀
Hum… laisse moi deviner Ophélie… cuir, latex et fouet ? 😛
Jo Ann, je ne te demande même pas ! Clac !
Je crois que pour moi, c’est quand j’ai découvert quelque chose de magnifique. J’écris toujours poussé par la volonté de faire le plus vite possible, de découvrir les caractères, l’intrigue, le dénouement.
La réécriture (oui, j’ose pas parler de corrections, mais un jour, je suis sûre que ça viendra !) c’est quand j’ai eu une révélation : toute l’histoire tourne autour d’un concept/d’une idée, sur lequel je n’avais pas encore mis de nom.
Le jour où je peux dire ce que c’est (genre : j’ai encore fait une histoire à fond d’écologie) je sais que je suis prête pour entamer la première étape des corrections. En simplifier, c’est comment rendre cet aspect qui est déjà là, encore plus percutant, encore plus présent.
Mais c’est pas pour ça que je vais me mettre tout de suite à la tâche. Parce que je suis lente sur les réécritures (bon, et le fait que j’ai pas beaucoup de recul doit pas aider) mais aussi parce que c’est pas quand on a découvert le principe (comme Truby y dit) qu’on peut foncer dans l’écriture. Cette découverte implique des modifications sur TOUT : le décor, l’intrigue (peu, car c’est déjà là, c’est de la que vient ce principe) mais surtout les personnages et leur caractère, voir leur intéraction.
Il me faut encore un moment pour intégrer tout ça -en ce moment, pour le premier roman corriger, c’était de un an, cette période post-réflexion (après encore un an pour comprendre ce que j’avais écrit). Donc pour ETR, j’ai commencé les réécritures à proprement parler deux ans après la fin du premier jet. Pour le second projet, CdD, il a reposé un peu moins d’un an, et six mois après avoir eu ma « révélation », j’ai commencé la réécriture du début.
Ce que je fais entre… je lis, surtout, je joue aussi beaucoup. Je regarde des films. Je regarde des AT, j’ai des idées qui viennent, je me tape sur les doigts pour pas commencer une enième histoire. Je parle de mes mondes, je les complexifie, je crée par d’autre médias (dessins / jeux / contes)
Bref, j’ai encore fait un pavé, mais j’aime beaucoup la question, et je partage beaucoup de choses qui sont écrites.
(et même si je suis une apprentie auteur, je trouve toujours intéressant de décrypter ce qui est derrière nos motivations, nos actions : comprendre pourquoi telle chose marche, telle recette, et pas tel autre. Qu’est ce qui fonctionne dans un texte ?)
Bref, longue vie à Espaces comprises !
C’est une étape incontournable. Mais je la déteste. La création vous délivre, vous emporte, la correction vous torture, vous prend la tête !
Certes Sabrina, mais si nous étions bien dans notre tête, ça se saurait… Avouons-le : on aime le chaud et froid !
En attendant, j’écris un autre livre. Ça marche à tous les coups ! ,-)
Jo Ann, Jo Ann, Jo Ann… Il n’y a pas qu’en attendant le bon moment de corriger que tu écris un autre livre ! C’est à croire qu’on a oublié de te dire qu’il n’y a que 24h dans une journée !
Ah bon…
Personnellement, je préfère réécrire que créer. Plus les années passent, plus je hais l’étape du premier jet. :u C’est une véritable torture.
Le déclencheur, chez moi, c’est le temps. Un an d’attente, c’est un minimum, ça tourne souvent entre 2 à 4 ans. Mon projet actuel m’aura demandé 4 ans et demi avant, qu’un jour, le brouillard qui entourait son premier jet ne disparaisse.
Et entre deux, j’écris. Des premiers jets. Je réfléchis à mes différents projets, à leurs V1 ou V2, j’amasse des notes, ou j’attaque les réécritures/corrections d’un texte suffisamment vieux pour que je puisse me lancer dans sa V2. ^^