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Valéry K. Baran et Hope Tieffenbrunner sont deux auteures écrivant de la romance MM, à l’origine dans la fanfiction, puis en écrits originaux. Elles sont aujourd’hui publiées chez Láska et Harlequin.
Valérie a déjà contribué sur [Espaces Comprises] sur le thème de la fanfiction.
Pour ceux voulant écrire une histoire réaliste, bien sûr. Pour ceux qui se moqueraient du réalisme et/ou de la cohérence, ces conseils ne sont pas pour vous.
1/ Prendre en compte le fait que les hommes ne sont pas comme les femmes…
Si vous êtes une auteure féminine et si vous avez lʼhabitude de vous projeter à lʼintérieur de vos personnages, il peut alors y avoir un vrai travail de distanciation à faire avec ces derniers.
Vous devez en particulier vous poser des questions si votre personnage principal (celui dans la tête de qui vous vous placez) est plus petit, plus fin, plus émotif, pleure sans arrêt, a besoin dʼêtre protégé… voire adore faire des câlins aux animaux/faire la cuisine/est un maniaque du ménage, et est, bien sûr, celui se faisant pénétrer dans les rapports sexuels. Et si lʼautre personnage est plus grand, plus musclé, le « mâle alpha » avec une voix bien grave, a la place la plus haute dans la chaîne sociale/gagne le plus dʼargent… et est celui qui pénètre lʼautre (voire le fait à coup de dirty-talk mêlé à du choupinou : « Oh oui, mon ange, dis-moi que tu aimes ça, hein ? »), là vous pouvez être sûr que vous nʼêtes même plus dans une transposition des rapports homme/femme, mais dans une caricature de ceux-ci.
Quelques petites astuces qui peuvent aider à éviter de tomber là-dedans :
– Si, lorsque vous écrivez, vous remarquez que vous avez mis des accords au féminin et/ou des « elle » à la place de « il », il faut vraiment vous poser des questions importantes sur la manière dont vous vous projetez à lʼintérieur de vos personnages,
– Si vous ne supporteriez pas dans une romance M/F ce que vous écrivez en M/M, ne lʼécrivez pas : ça ne se mettra pas à devenir quelque chose de tolérable parce que ça se passe entre deux hommes.
2/ … mais quʼils ne sont pas si différents non plus.
Lʼinverse de la caricature citée ci-dessus : les gays version double-testostéronne qui « baisent » avec tout ce qui passe, aiment dans les rapports sexuels une dureté que vous ne supporteriez probablement pas, vous, dans un rapport, et sont incapables de parler sans user de grossièretés tous les trois mots et de dirty-talk dans les rapports représente, là aussi, une caricature, et certains lecteurs gays pourront vous regarder tout autant de travers que pour la caricature cités ci-dessus. Si si.
Bien sûr, tout est possible : il peut y avoir des personnages « super-testostéronne », comme il peut y en avoir des « petite chose fragile » mais, comme pour tout, tout est question de dosage. Un homme ne réagira pas forcément comme une femme (et encore, tout dépend quel homme et quelle femme), mais il ne réagira pas non plus forcément différemment. Entre les caricatures, à un moment donné, il y a le « juste », et cʼest le « juste » quʼil faut chercher.
3/ Être impitoyable avec les clichés
Rappelons dʼabord ce quʼest un cliché : un cliché, cʼest quelque chose qui est tellement vu ou revu quʼil en devient insupportable. Cʼest à distinguer dʼun « trope », comme le disent les anglophones, dʼun « gimmick » comme le disent dʼautres, dʼun de nos « trucs » sʼil y a un genre/thème quʼon aime particulièrement… bref, de tout ce qui représente un schéma déjà vu mais quʼon va aimer retrouver. La différence fondamentale ? Le cliché va faire grincer des dents alors que le trope/gimmick/truc va faire couiner dʼappréciation les adeptes ou passer leur chemin à ceux qui nʼaiment pas ce type de schéma, tout simplement.
Or, en M/M, les clichés, cʼest quoi ?
Eh bien tout ce dont on a parlé plus haut mais aussi le personnage qui se découvre gay du jour au lendemain et lʼaccepte comme ça, les personnages qui ne sont que douceur et pureté et ont des sourires qui irradient comme un soleil, le baiser qui met les personnages en apnée, les couleurs dʼyeux qui pourraient les faire briller dans le noir tellement quʼils sont dʼun vert/bleu profond/lumineux, etc. Et ça peut aussi prendre la forme de clichés de formulation : « un visage dʼange », les langues qui se mettent à jouer un « ballet sensuel », « mon cœur saigne », des cheveux « blonds comme les blés »…
Bref, traquez, supprimez ! Quels que soient les personnages/lʼhistoire/les évènements que vous voulez écrire, il y aura toujours une manière plus subtile de le faire.
4/ Oser
On vient de parler des clichés et il est vrai qu’il peut être effrayant, pour un auteur, de sortir de ces schémas : les lecteurs vont-ils suivre ? Vont-ils apprécier quʼon les éloigne de leurs habitudes ? Vont-ils tolérer une bad end ? Vont-ils accepter une histoire dʼamour dans laquelle les personnages ne se disent pas explicitement « je tʼaime » ?…
Ne vous posez pas ce genre de question ! Vous avez une idée, elle sort un peu des clous des habitudes du genre, une seule chose à dire : génial ! Ecrivez ! Ne cherchez surtout pas à faire « comme les autres », ne restreignez pas vos possibilités de peur de bousculer votre lectorat. Ne bridez ni vos envies, ni votre imagination.
Pansexualité, asexualité, handicap physique ou mental, personnages ne répondant pas aux critères de beauté usuels… Il y en a des éléments novateurs qui peuvent être abordés.
Bref, libérez-vous !
5/ Ne pas tomber dans le dénigrement des relations hétérosexuelles et/ou des personnages féminins
Pour commencer, tomber amoureux ne signifie pas que toutes les relations que lʼon a eues avant ne comptaient pas ou nʼétaient en fait pas de lʼamour, cʼest important de sʼen souvenir. Mais cʼest encore plus important lorsque toutes les relations précédentes étaient hétérosexuelles parce que la description du rapport amoureux des deux personnages masculins se transforme alors trop souvent en critique caricaturale des personnages féminins, qui tout à coup sont toutes superficielles ou cruches ou pénibles… et ça peut aller jusquʼà celles avec qui le personnage nʼa pas eu de relations (à part celles qui sont trop vieilles ou en couple suffisamment stable pour être « hors course »), alors que les hommes, en fait, cʼest bien mieux.
Vous êtes pour la plupart du sexe féminin et avez des relations hétérosexuelles, respectez-vous, respectez les autres femmes, respectez les relations hétérosexuelles. Il nʼy a nul besoin de rabaisser les uns pour rendre plus beaux les autres.
Excellent article plein de bon sens. J’apprécie particulièrement le passage sur les clichés et celui où vous nous encouragez à tenter des choses inédites. Le problème c’est que les lectrices ne suivent pas toujours, particulièrement en romance. Un personnage un peu atypique, imparfait ou carrément handicapé les fait généralement fuir avant d’avoir lu la moitié du livre ! Et celles qui l’auront lu ne manqueront pas de vous reprocher que vous « ne les faites pas rêver ». La romance M/M est peut-être moins formatée que la romance M/F, heureusement pour ses auteurs. Mais c’est un genre où il est difficile d’innover.
Huguette Conilh
Merci Vanou. J’espère que je ne suis pas trop proche des clichés. En tout cas, j’ai essayé de mettre en scène un couple M/M comme n’importe quel couple.
Ce qui me dérange dans la romance M/M, mais on ne le trouve pas dans tous les récits, c’est l’homme bien fort, bien bâti, bien bô, qui ne doit surtout pas pleurer pour rester viril. Après, penser qu’il y a un homme et une femme dans un couple homosexuel (hommes) c’est un cliché. Pour les côtoyer, je dirais que les gays parlent beaucoup de c… et qu’ils ont des blagues sur hétéros assez marrantes. Ce sont des hommes dans toute leur splendeur, qui ne se prennent pas la tête en vaine discussion comme le font les femmes. Ils sont nature et c’est un vrai bonheur à voir.
Attention quand même, Huguette. En disant que (tous) les gays ne se prennent pas la tête en vaine discussion comme le font les femmes, tu pars dans le cliché inverse.
Si on veut combattre les clichés, on devrait tous les combattre, pas seulement quelques-uns. 🙂
Le langage semble également beaucoup plus libre en romance M/M. Moi qui écrivais dans un style très familier me suis fait taper sur les doigts : « en romance, les gros mots ça ne passe pas ». Moi qui aime que les personnages soient à l’image de l’époque dans laquelle ils vivent, je trouve ridicule d’éviter l’argot ou les mots un peu grossiers dans un récit mettant en scène des personnages jeunes.
J’imagine que ça dépend de quelle romance, aussi. En romantica, je pense qu’il y a une grande liberté.
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Hum, pas sûr que la romance M/M soit moins formatée que la romance M/F… J’ai quand même envie de dire que oui : du moins j’ai l’impression que, dans le M/M, on peut se permettre une liberté légèrement plus grande que dans le M/F mais, qu’elle soit M/M ou M/F, la romance reste un genre dans lequel les attentes des lecteurs sont extrêmement nettes. Mais bon, je dirais la même chose pour le M/F quand même. C’est dur de se prendre une tannée parce qu’on s’est éloigné d’un schéma commun, parce qu’on a développé des personnages selon une sensibilité qui nous est propre est qui n’est pas forcément celle habituelle de la romance, parce qu’on a exploré un thème qui n’est pas forcément celui attendu… mais il faut quand même le faire, tout simplement pour soi : parce que, en tant qu’auteur, on écrit avant tout avec ce qu’on est et qu’il faut avant tout écrire ce qu’on a envie d’écrire, et des histoires qui nous ressemblent. Et j’ai même envie de dire pour les lecteurs : des histoires formatées toutes sur le même moule, il y en a assez et c’est de plus de variété qu’on manque, finalement. Du moins, je pense. 🙂
Je suis d’accord avec toi. 🙂
Pourquoi cet article n’est plus visible ? :/
Oh non, où est ce superbe contenu??
Bonsoir
Je tombe (quelques années plus tard…) sur cet intéressant échange, et en écho aux propos évoquant la difficulté de sortir de certains clichés sans « se prendre une tannée » comme dit Valéry :-), je veux juste dire que le cliché du beau mec, il n’est pas que dans les textes, il est aussi… sur la couverture. Moi je n’en peux plus de ces couvertures où tout imaginaire nous est interdit tellement le gars fait « image bank ». Tous biceps dehors, il est là, seul ou en compagnie, mais tellement réel qu’on ne peut pas y mettre notre propre imaginaire. Franchement, on se croirait dans les romans de gare des années 60, sauf que la femme fatale y est remplacée par l’homme fatal. Avant de proposer un manuscrit à un éditeur, je regarde les couvertures, et hélas, que ce soit Homoromance, Juno, Livresque, Bookmark ou autres, j’ai envie de partir en courant, parce que la part de rêve que je mets dans mes personnages est si diamétralement opposée au réalisme brut de béton de ces couvertures, que je vois tout de suite que ça ne va pas coller.
Je ne demande pas des couvertures à la NRF Gallimard, mais il y a tout de même de la marge entre une couverture « sérieuse » (genre Eddy Belle-Gueule) et ces tape-à-l’oeil de troisième zone que les éditeurs de MM nous imposent ! Comme si une romance MM ne pouvait qu’être « ça ».
Total, mieux vaut s’adresser à un éditeur généraliste (de plus en plus acceptent des histoires avec romance gay). J’ai eu en tout cas cette chance, avec une couverture SANS mec !
Bien cordialement
Emsi