- Accepter la (mauvaise) critique
- Les auteurs, les mauvaises critiques et l’e-buzz
Régulièrement, nous entendons parler de critiques mal digérées, de mauvaise foi qualifiée et de blogueurs critiqués/censurés. Des auteurs pètent des câbles, des « éditeurs » suivent le pas. Je suis persuadée que chaque internaute a eu vent d’au moins une histoire de perte de pédales. Non seulement on a du mal à accepter les critiques (changez de profession, les gens), mais en plus, à l’ère de l’e-buzz, rien n’est discret. Je pourrais illustrer mes propos avec n’importe quel blogueur francophone, mais j’aimerais montrer jusqu’où ce genre de bêtises peut aller. Et c’est loin.
En mars 2011, le cas du Greek Seaman de Jacqueline Howett a fait le tour de la blogosphère anglophone et a envahi Twitter. En bref, BigAl fait des reviews d’e-books auto-publiés et ce sont les auteurs eux-mêmes qui envoient leurs bébés à l’abattoir. Jacqueline Howett a donc envoyé son roman The Greek Seaman et… catastrophe. Littéralement. D’après lui, l’histoire est bien, mais les fautes de grammaire, d’orthographe et de mise en page rebutent, rendent la lecture pénible.
“(…) the spelling and grammar errors, which come so quickly that, especially in the first several chapters, it’s difficult to get into the book without being jarred back to reality as you attempt unraveling what the author meant. (…) Reading shouldn’t be that hard.”
« (…) les fautes sont si nombreuses, principalement dans les premiers chapitres, qu’il est difficile de plonger dans le livre sans être recraché dans la réalité en essayant de déchiffrer les mots de l’auteur. (…) Lire ne devrait pas être aussi dur. »
BigAl mérite donc des applaudissements rien que pour avoir terminé sa lecture. Beaucoup n’ont pas dépassé les premiers chapitres. Qu’aurait dû faire l’auteur ? Ne pas commenter. Reprendre son roman et le faire corriger par un professionnel. Surtout que le plus dur était déjà fait : d’après BigAl, l’histoire est bonne ! Mais Jacqueline Howett a oublié que les critiques, ça se consomme froid, et a dérapé.
Voici quelques rapides extraits de plusieurs de ses commentaires, supprimés par la suite (vous pouvez aller vous amuser en lisant les 300 autres sur place) :
“Maybe its [sic] just my style and being English is what you don’t get. (…) My writing is just fine! (…) The book is out there doing well without your comments. My first book is great!”
« C’est peut-être mon style et le fait d’être anglaise que vous n’avez pas saisi. (…) Mon écriture est très bien ! (…) Le livre se vend bien sans vos commentaires. Mon premier roman est génial ! »
Donc, voici comment réagit un supposé écrivain qui a elle-même envoyé son livre pour le faire critiquer. Non seulement les arguments sont risibles (« c’est parce que je suis anglaise »), mais les commentaires montrent clairement qu’elle est fâchée avec l’orthographe. Et puisque la critique est mauvaise, Howett veut que Big Al la supprime.
“I want this review removed or its [sic] just considered abuse.”
« Je veux que ce commentaire soit supprimé sinon c’est considéré comme abusif. »
Et pire, elle part sur une attaque personnelle :
“You are a big rat and a snake with poisenous [sic] venom. Lots of luck to authors who come here and slip in that!”
« Tu es un gros rat et un serpent venimeux. Bon courage aux auteurs qui viennent ici et sont pris au piège. »
L’élégance britannique, en somme.
À cause de sa dizaine de commentaires hystériques (c’est le mot), le buzz a vite fait de circuler. On parle de cet auteur comme l’exemple à ne pas suivre ou comment un écrivain ne devrait jamais réagir face à une mauvaise critique.
Chers auteurs, vos lecteurs ont le droit de vous critiquer. C’est dur, parfois injuste, mais un lecteur sera toujours prêt à donner une seconde chance à un quelqu’un qui travaille vraiment dur pour s’améliorer. Dans le cas du Greek Seaman, la romancière s’est attirée la foudre des blogueurs, lecteurs et autres auteurs indépendants parce qu’elle donnait une image non-professionnelle de ce milieu encore marginal. Parmi les commentaires, d’autres blogueurs ont avoué que c’était à cause de romans mal corrigés qu’ils n’acceptaient jamais de lire des livres auto-publiés.
À la fin, les grands perdants sont évidemment les auteurs indépendants qui font correctement leur travail. Parce que Howett continue à se montrer obstinée et le milieu veut vraiment (mais vraiment) la remettre à sa place. Les mauvaises critiques ont explosé sur Amazon UK et Amazon US (le livre a été retiré des deux plateformes), l’affaire est devenue un Trending Topic ((Tendances : les thèmes les plus parlés)) sur Twitter.
Internet est un outil extraordinaire. Vraiment.
Comment éviter ce genre de lynchage qui peut tourner au cauchemar ?
→ Ne jamais répondre dans le feu de l’émotion : vous ne réfléchissez pas lorsque vous êtes frustré/furieux/ému/triste/etc. Vous pourriez dire des choses que vous regretteriez amèrement.
→ Sachez que vous n’avez pas à vous justifier face à une critique, mais faites comprendre que vous travaillez à vous améliorer. Si vous dites ouvertement que vous vous moquez totalement de ce qu’on peut dire de vous… bonne chance.
→ Si vous n’êtes pas capable d’accepter une critique négative, NE RÉPONDEZ SURTOUT PAS ! Faites semblant de ne pas être au courant et passez votre chemin.
Construisez-vous une carapace, gardez votre sang-froid et continuez à écrire.
Billet précédemment publié le 2 décembre 2012
Ohh, merci, Jo Ann. Je n’ai encore rien publié (à part un ou deux petits textes et des poèmes sur internet) mais la critique négative est l’une des choses qui m’effraie le plus. D’autant que j’ai déjà vu des auteurs se faire littéralement descendre par de faux lecteurs (souvent d’autres auteurs jaloux). J’espère ne jamais me laisser aller à réagir à chaud. Un article comme celui là aide à vraiment prendre conscience du danger des émotions. Nos écrits sont nos enfants. C’est difficile pour une mère de ne pas réagir quand on attaque ses enfants. ça demande une sacrée confiance en soi.
C’est difficile d’accepter une critique négative, c’est clair. Que ce soit un lecteur ou le refus d’un éditeur, on a besoin d’un moment pour encaisser. Mais c’est plus facile d’oublier l’adresse de la chronique que de sauver les meubles après une mauvaise pub. 🙂
Ma stratégie pour encaisser les critiques négatives, c’est de les lire beaucoup plus vite que les positives et de ne surtout pas y revenir ensuite (alors qu’un coup de critique enthousiaste quand on n’a pas trop le moral, ça fait du bien). Ce serait stupide de les ignorer, sachant qu’elles peuvent contenir des remarques tout à fait valables. Mais je ne suis pas masochiste au point de m’y attarder.
Cela dit, je les référence comme les autres, par honnêteté. Tout le monde n’aime pas ce que j’écris. C’est normal et j’en prends note.
Je trouve également qu’on progresse avec les négatives. Lorsque je dis « oublier l’adresse », c’est surtout pour ne pas être tenté(e) d’y jeter un coup d’œil toutes les minutes et de vouloir réagir. 🙂
Quand mon roman sortira en mars, je verrai bien si je suis du genre « fais ce que je te dis, ne fais pas ce que je fais ». Cela fait longtemps que je n’ai plus été sur la sellette…
Merci beaucoup pour cet article. Très intéressant.
Je pense qu’à partir du moment où il y a de la critique, qu’elle soit positive ou négative, d’une certaine manière cela veut que l’on a réussi, car on parle de nous.
Si nos écrits étaient vraiment épouvantables, je me dis que personne ne prendrait le temps et l’énergie de les critiquer. Donc même si cette dernière est négative, tout n’est pas à jeter, car l’ouvrage critiqué négativement aura quand même réussi à faire parlé de lui, à intriguer, à se rendre « intéressant ». Et c’est déjà beaucoup. Donc il y a du potentiel quelque part.
Le tout est de savoir exploiter toute cette critique pour aller de l’avant et progresser. Ne jamais mettre ces critiques de côté sans chercher à comprendre leur fondement.
Bien sûr, mon égo en prend un sacré coup à chaque fois que, sur Amazon par exemple, je vois un commentaire 2 étoiles par très vendeur sur un de mes écrits !
Le problème également est que souvent des critiques négatives sont laissées, non pas par des lecteurs, mais par des concurrents pas toujours très fair-play. Mais bon, cela est un autre sujet…
A bientôt, Fred
Hello Fred,
Je dois dire que je suis en total désaccord avec toi sur le fait qu’il y a forcément quelque chose à sauver si le texte a été critiqué. Certains textes ne sont intéressants que parce qu’ils sont consternants et qu’au contraire, tout est à jeter… C’est un service à rendre à l’auteur, dans ces cas-là, que de le lui dire, même si cela ne lui fait pas du bien, sur le moment. Car même si le texte présenté, au final, ne vaut rien, cela permettra à l’écrivain de travailler encore et de présenter plus tard un texte d’une meilleure qualité.
« Faire parler » n’est en rien un signe d’intérêt réel, d’autant que comme tu le dis, il arrive que les critiques soient fielleuse et n’expriment donc que le besoin d’un individu aigri de médire d’autrui. Auquel cas, un texte ou un autre, peu lui importe tant qu’il peu cracher sa bile! Je trouve qu’aujourd’hui, on se concentre beaucoup trop sur le fait de « faire parler », justement. Comme si, plus on avait de critiques, plus on avait de potentiel. C’est peut-être vrai pour le potentiel vendeur, mais en ce qui concerne le potentiel littéraire et artistique, je crois que c’est totalement erroné…
Personnellement, je ne sais pas si je préfère la critique négative ou l’indifférence. L’adage « parlez mal de moi, mais au moins parlez de moi » n’est pas de ceux qui m’inspirent. 😀 J’accepte toute critique, évidemment, mais vu la façon dont mon cœur se met à battre, je dois avouer que la lâcheté pourrait être une porte de sortie (et un moyen de prolonger ma vie).
Et puis, il y a deux genres de critiques négatives : celles bien développées avec lesquelles on apprend et on progresse, puis celles qui ne font que descendre l’auteur. Le tout, est de savoir faire la différence (plus facile à dire, je sais). Ce sont ces dernières qui peuvent porter préjudice alors que les négatives bien construites peuvent, au contraire, attirer d’autres lecteurs. « Je n’aime pas les passages contemplatifs du texte. » Ah, quelqu’un d’autre peut adorer ce genre. Alors que « c’est nul, c’est de la perte d’argent », moui…
On m’a appris un truc qui est un peu abusif mais qui a un très gros fond de vérité : en cas de désaccord entre l’auteur et le lecteur, c’est le lecteur qui a raison.
Oui, une critique négative peut faire du mal. Si elle est constructive, elle est tout de même bienvenue parce qu’il y a quelque chose à en tirer. Et si vraiment on ne supporte pas, on ne montre plus ses écrits.
À partir du moment où on veut être publié, on doit se rappeler qu’on ne peut pas plaire à tout le monde ou que notre écriture n’est pas aussi attirante que ça. 🙂 C’est un exercice !
Je pense que plutôt que de se dire qu’une critique est négative, il faut se dire qu’elle est constructive!
Évidemment si c’est une review du type « c’était nul à chier » on ne peut rien en tirer, alors, il vaut mieux passer son chemin xD
Pour ceux qui ne sont pas préparés, constructives ou pas, elle est mauvaise. 🙂
C’est pour cette raison que j’ai écrire « mauvaise » plutôt que « négative », mais tu as tout à fait raison.
Très bon article. Je pense qu’en cas de critique négative le mieux est de ne pas réagir, que ce soit à chaud ou à froid. Ou alors par un « merci d’avoir pris le temps de me lire, navré que cela ne vous aie pas plu ». On peut éventuellement s’en faire l’écho, c’est assez fairplay (je l’ai déjà vu du temps où je rédigeais des chroniques sur mon blog). Mais il n’y a absolument AUCUNE autre manière de réagir qui ne soit pas contre-productive.
C’est le jeu, si on ne l’accepte pas, il ne faut pas être auteur, éditeur ou quelque profession que ce soit en rapport avec la création artistique.
J’ajouterai pour finir qu’il en est de même lorsque l’on soumet son manuscrit à un éditeur. Il m’est arrivé d’accepter un manuscrit en demandant des modifications, et de recevoir un mail en réponse me disant que j’étais un incapable si je ne me satisfais pas de l’existant, et que si c’en était ainsi, il irait voir ailleurs.
hum, combien parie-t-on que cette personne finira :
1/ jamais éditée
2/ éditée à compte d’auteur
3/ suicidée
4/ étouffée avec son propre manuscrit par un éditeur qui aura une journée particulièrement mauvaise
Fairplay ou pas, je pense que oui, faire le mort, c’est mieux ! Je trouve qu’on n’a pas à se justifier et même le « navré » me semble forcé (à moins que tu reçois le retour en privé et là, tu peux discuter avec la personne).
Kanata : option 5 : tous les 4 ensemble ?
La critique négative ne me dérange pas, mais la critique mensongère m’agace, je l’avoue. Quand un utilisateur dit « ces titres ne sont pas disponibles » alors qu’ils le sont, « c’est plus court que ce à quoi je m’attendais » alors que la longueur exacte est annoncée dans la description, « des histoires courtes » alors qu’il s’agit d’extraits de romans, je me dis qu’il y a des gens qui ne savent pas lire et descendent des livres pour le plaisir… Le lecteur a-t-il toujours raison ? Si c’est une affaire de goût, il n’y a pas de « raison ». Mais si c’est une affaire de faits objectifs, il y a quand même une vérité qu’on ne peut pas balayer de la main…
Mais je réalise que ce sujet n’était pas vraiment celui de l’article (je pense juste qu’on ne peut pas le négliger). Plus en phase, donc, j’ai récemment reçu un email qui m’a fait chaud au coeur, d’une auteure auto-publiée qui m’avait envoyé son roman en SP, que je n’ai jamais réussi à finir de lire et dont je lui avais détaillé les défauts. Presque un an plus tard, elle m’écrit pour me remercier et me dire que même si, sur le coup, ma critique lui a déplu, son roman a effectivement mal fonctionné et que mes remarques lui ont permis de mieux comprendre pourquoi, et de s’améliorer pour le prochain… 🙂
Les critiques mensongères sont en effet un autre sujet et il serait intéressant d’en parler, d’ailleurs !
« On m’a appris un truc qui est un peu abusif mais qui a un très gros fond de vérité : en cas de désaccord entre l’auteur et le lecteur, c’est le lecteur qui a raison. »
Avec quelques réserves sur le détail, c’est aussi mon point de vue. Si le texte produit un avis tel que celui qui est cité dans l’article, c’est que l’auteur a encore du travail devant lui. Il DOIT prendre en compte la critique.
Quand à la question de la réponse aux critiques, je dirais que l’auteur ne doit pas en faire, et ce pour deux raisons. Que peut-il apporter, par les mots, qui corrigerait l’impression de lecture ? Rien. Un texte ne se défend pas par des mots supplémentaires. Un texte s’améliore jusqu’à ce qu’il ne soit plus attaquable. Quand votre voiture est en panne, vous n’allez pas la réparer en lui donnant des coups de latte…
Et d’autre part, les auteurs ne devraient jamais oublier un fait évident : lorsqu’ils donnent leur texte à lire (en le mettant en vente ou en le soumettant à un bloggeur) ils le rendent PUBLIC. Il ne leur appartient plus, et tous les avis sont légitimes, puisque des lecteurs ont fait, en les lisant, l’autre moitié du boulot qui consiste à vivre l’histoire. Quand votre voiture est en panne, vous n’allez pas la réparer en vous disant très fort que tout va bien.
Les critiques négatives, lorsqu’elles sont utilisables, n’appellent pas de réponse (autre que « merci infiniment »), et ce pour deux raisons : une réponse ne change rien à l’opinion du lecteur ; les mauvaises opinions sont légitimes.
Je suis tout à fait d’accord avec ce point de vue.
Tout à fait d’accord avec Fred Vasseur et Nicolas Kempf :
Une critique négative ne signifie pas la négation de l’extrait lu ; au contraire elle représente la considération du relecteur pour l’ensemble du texte.
D’ailleurs, seule m’importe la vie du document, via ses mues successives et nécessaires ; et non pas celle de son auteur. Là encore, et par effet de ricochets, je ne nie pas son existence, mais jouer les psys ne fait pas partie de mon travail.
Entre écouter les demandes de l’auteur et astiquer la lampe à pétrole de l’ego du client, il y a un pas à ne pas franchir.
Humain, oui. Empathique, non.
Article intéressant, je suis tombé dessus par hasard.
Personnellement, je pense que justement, la critique négative est essentielle à tout écrivain qu’il soit. Aucun écrivain n’est parfait et voir des critiques qui vous descendent est un vrai plus. En dehors de l’égo personnel qui peut être touché, le fait de se faire descendre permet, justement, à tête reposée, de voir ce qui ne pourrait pas aller.
De plus, une mauvaise critique, lorsqu’elle n’est pas fondée (ce qui arrive quand le critiqueur n’a pas lu l’intégralité de l’oeuvre) permet de souligner des points importants, qui sautent rapidement aux yeux. Dans le cas de l’article, la présence de nombreuses coquilles amène la critique négative. Donc, il faut retravailler le récit, le corriger. Un point essentiel. De plus, il y a quelque chose d’attirant dans la critique négative. Une critique « plutôt pas mal » veut, à la fois, tout dire et ne rien dire, alors qu’une critique négative, donne généralement, au lecteur, une envie de se faire son idée par lui-même. D’autant plus que les personnes postant des critiques sont souvent commentées par les lecteurs, ce qui permet d’amener de véritables débats et ainsi créer un e-buzz.
Mais il est clair que l’auteur ne doit jamais s’emporter, bien au contraire, entrer dans le jeu de l’auteur de la critique, c’est nouer soi-même la corde autour de son cou. Un peu comme les attaques entre écrivains « célèbres ». Ils ne révolutionnent pas la littérature, leur oeuvre est rarement originale, mais comme ils sont bankable, ils se font la guéguerre, ça peut faire des ventes. Savoir relativiser est une bonne chose, et encore mieux, savoir absorber toutes les mauvaises critiques, pour attendre une occasion de les commenter pendant une interview, c’est le must du must.
Souvent, les lacunes relevées dans les commentaires négatifs peuvent être facilement gommés. Une relecture, quelques coupes sombres… S’emporter ne mène à rien, à la fin. À part un mauvais buzz et la descente en flèche (extrême). Les internautes ont parfois cette façon de lyncher…