- Quelques bases sur l’impression
- Où l’on parle de papier…
Petit fond, grand fond, fond perdu, blanc de tête, gris typo, interlettrage, intermot, noir quadri, noir pur, taux d’encrage… Ces mots ne vous disent que vaguement quelque chose, voire rien du tout ? Il est temps d’y remédier.
Avant toute chose…
Vous avez décidé (après mûre réflexion, j’espère) de vous lancer dans l’autoédition. Mais voilà, vous ne connaissez pas grand-chose aux techniques d’impression ou même au vocabulaire utilisé par les imprimeurs, et vous vous retrouvez (comme moi, il y a un peu plus d’un mois) devant un formulaire de devis dont vous ne comprenez qu’un mot : « envoyer », sur le gros bouton en bas à droite. Pas de panique.
Bon, déjà, avant de vous lancer tête baissée, il y a un prérequis : avoir un texte corrigé et dans sa forme définitive. Je vous garantis que quand vous allez commencer votre maquette et la mise en page de votre livre, il sera beaucoup moins évident de reformuler tel ou tel paragraphe, d’ajouter des passages ou de corriger des fautes. Et il n’est évidemment pas question d’imprimer un livre non corrigé. Il existe plein de correcteurs indépendants qui pourront vous aider pour cela (Jo Ann et moi, par exemple, sommes correctrices).
Mais partons du principe que votre livre est prêt à être mis en pages et que vous êtes dans la dernière ligne droite.
Première chose, ne faites pas comme moi et n’oubliez pas de demander votre ISBN à l’AFNIL (ou à l’organisme responsable de l’attribution des ISBN dans votre pays de résidence).
Ensuite, ne vous découragez pas. Ça semble compliqué au départ, et ça l’est, mais il n’est nul besoin d’avoir fait 10 ans d’études de typographie ou d’être maquettiste professionnel pour arriver à quelque chose de bien. (Bien entendu, si vous avez les sous, je ne saurais que trop vous conseiller de faire appel à un professionnel.) En revanche, il est important avant de commencer d’avoir quelques connaissances de base afin de ne pas se laisser submerger par l’ampleur de la tâche. Notez bien que si vous décidez de passer par l’impression à la demande en utilisant un prestataire de service tel que Lulu.com ou Thebookedition.com, les démarches seront facilitées et je vous invite à simplement aller voir sur leurs sites respectifs la manière de procéder. Mais je doute qu’ils rechignent à imprimer un livre avec une mise en page faite de manière professionnelle avec des outils adaptés.
Commençons par le commencement : une mise en page de roman ne se fait ni avec Word ni avec OpenOffice, mais avec des logiciels spécialisés (InDesign, QuarkXpress ou Scribus (qui est gratuit)). Bien sûr, si vous ne pouvez vraiment pas faire autrement, vous pouvez travailler sur votre logiciel de traitement de texte. Ce n’est pas fait pour et vous allez perdre du temps, mais c’est toujours mieux que rien. À noter que la version d’évaluation d’InDesign vous donne droit à 30 jours d’utilisation gratuite…
La mise en page de votre livre
1. Le format
Maintenant que vous avez décidé d’un outil de travail, il est temps de passer aux choses concrètes : le format de votre livre. C’est la première chose à laquelle il vous faudra réfléchir, et une fois que vous vous êtes décidé pour un format et que vous avez commencé votre maquette, il est assez pénible de le changer (croyez-moi, j’en ai fait l’expérience). Si vous avez déjà un imprimeur en vue, regardez avec lui quels sont les formats avec lesquels il travaille. Il existe des formats standards en France, d’autres formats standards dans d’autres pays (notamment les pays anglo-saxons), et tout est question de goût. Et de gain de papier. Si vous avez un roman de plus d’un million de sec et que vous choisissez un format livre de poche, vous allez vous retrouver avec un livre plus épais que haut… J’exagère à peine.
Les formats possibles sont assez nombreux, je ne vais pas les lister ici, et chaque maison d’édition a « son » format préféré. Pour vous inspirer, vous pouvez simplement prendre quelques livres dans votre bibliothèque et choisir le format qui vous plaît le plus (en évitant les formats anglais, à moins que vous ne vouliez travailler avec un imprimeur anglais).
2. La police
Vous vous êtes décidé pour un format ? Bien, c’est un début. Il vous faut maintenant faire le choix d’une police de caractère. Évitez les polices fantaisies qui sont peu lisibles, et privilégiez des polices standards. Les polices serif sont plus adaptées à l’impression (alors que les polices sans serif sont préférées pour le web). Une police bien choisie rendra la lecture agréable et ne sera pas remarquée par le lecteur. Bien sûr, vous pouvez vous permettre un peu de fantaisie pour les titres de chapitre ou pour la couverture. Mais pour ce qui est du texte, la sobriété est indispensable. Testez bien cette police en romain et en italique. Certaines polices semblent parfaites en romain, et quand on les passe en italique, c’est la catastrophe.
Une fois que vous avez réduit votre choix de polices potentielles à deux ou trois, faites un document test et mettez-y un bout de votre texte (vous pouvez aussi mettre du texte de remplissage genre lorem ipsum, mais je vous conseille soit un passage de votre roman, soit un extrait d’article. Pourquoi ? À cause des accents. Lorem ipsum n’a pas d’accent, le rythme des phrases n’est pas le même qu’en français. Et il sera beaucoup plus facile pour vous de vous faire une idée avec un « vrai » texte). Faites plusieurs versions de ce document (on parle d’une ou deux pages, là, pas de quarante), chacune avec une de vos polices potentielles. Imprimez ensuite ce document, dans le format qui correspond au format réel de votre page (c’est important. Le lecteur ne va pas regarder un écran, il va avoir sous les yeux une page, et il faut que la police utilisée rende bien dans le format final). Choisissez la police qui rend le mieux selon vous. Vous pouvez également (et je vous y encourage) demander conseil à votre entourage.
La taille de la police ne doit être ni trop grande ni trop petite. Généralement, une taille entre 12 et 14 pt est assez standard. Vous pouvez descendre en dessous si votre police s’y prête. L’interlignage doit être adapté également : la norme est de 2 pt en dessus de la taille de votre police. Police de 12, interlignage de 14 pt.
Il est important que votre texte soit en noir pur. J’y reviendrai dans quelques instants.
3. Les marges
Vous avez votre police (ou du moins vous avez réduit votre choix à deux, mais pas plus, sinon ça va vite devenir compliqué), c’est maintenant le moment de vous attaquer à quelque chose qui ne paie pas de mine mais qui va probablement vous prendre des heures : les marges. Tout d’abord, il faut que vous prévoyiez un fond perdu (en général 5mm) tout autour de votre page. Le fond perdu, c’est ce qui va servir si le découpage ne se fait pas trop précisément. Imaginons que vous avez une page noire, si vous n’avez pas de fond perdu, il risque d’y avoir une bordure blanche très inesthétique autour de votre noir. Donc il vous faut définir le fond perdu, c’est-à-dire une marge pour la coupe, et faire continuer votre noir (ou votre illustration) aussi dans le fond perdu.
Travaillez avec votre document test, dans le format que vous avez choisi, avec la police qui vous convient. Il existe des canons de l’imprimerie pour les marges, qui résultent de nombreux calculs très compliqués et qui, à mon avis, ne sont plus vraiment d’actualité, mais c’est tout de même une bonne base.
Tous les imprimeurs avec qui j’ai discuté m’ont conseillé un petit fond (la marge intérieure de votre livre) de 20 mm minimum. En règle générale, le grand fond (la marge extérieure de votre livre) est plus grand que le petit fond, mais de nombreuses maisons d’édition ont maintenant tendance à passer outre et à agrandir le petit fond et rétrécir le grand fond. Le blanc de tête (l’entête) doit être plus petit que le blanc de pied (pied de page), sinon votre texte aura l’air tassé. Faites des essais, cherchez quelque chose d’harmonieux, regardez dans les livres que vous avez chez vous quelles marges sont utilisées. L’important, c’est d’avoir un texte fluide. Des lignes trop longues n’appellent pas à la lecture, le but n’est pas de remplir chaque centimètre carré de la page, il faut que votre texte respire.
Je ferai bientôt un article sur les gabarits et les styles, mais je ne veux pas entrer davantage dans les détails pour le moment.
Un peu de théorie des couleurs…
Je vous ai parlé du noir pur, j’y reviens. En PAO (publication assistée par ordinateur), la norme est le CMJN (cyan, magenta, jaune, noir), contrairement au web, qui utilise le RVB (rouge, vert, bleu). N’utilisez JAMAIS de RVB dans un document destiné à l’impression. Évidemment, cela concerne plutôt les photos ou les illustrations, vu que votre texte est en noir. Mais votre logiciel de PAO va vous proposer différents types de noir : le noir pur et le noir registre (registration black. Je n’ai malheureusement aucune idée de la façon dont il s’appelle en français, tous mes logiciels sont en anglais). Il existe un autre type de noir : le noir quadri, ou noir riche. Le noir riche est indispensable pour les publications couleur. Il s’agit d’un noir auquel sont ajoutées les trois autres couleurs : cyan, magenta et jaune, dans des proportions qui peuvent varier. J’ai souvent vu passer le noir riche 100 30 30 30, donc 100 % de noir, 30 % de cyan, de magenta et de jaune, mais il existe différents types de noirs riches. Par exemple le noir riche froid : 100 60 0 0, ou le noir riche chaud : 100 0 60 0. En gros, la couleur en plus du noir va « soutenir » votre noir, le faire ressortir. Vous dépassez 100 %, c’est normal. Un noir pur (100 % de noir et 0 % des trois autres couleurs) rendra gris foncé fade (pour la petite histoire, je l’ai appelé le noir moche, et ce n’est pas pour rien).
Cela dit, pour votre texte, c’est bien le noir pur que vous devrez utiliser. Le noir quadri s’utilise pour les images, pour les couvertures (surtout pour les grands aplats). Le noir registre, vous n’avez pas besoin de vous en occuper (et ne l’utilisez surtout pas, c’est pour les marques d’impression. C’est un noir à 100 100 100 100, donc avec un taux d’encrage à 400 %, ce qui est beaucoup trop). Pour votre couverture ou vos images, le taux d’encrage ne devrait pas dépasser 320 % pour une impression en offset ou 300 % (280 %, c’est mieux) pour une impression en numérique, sinon l’encre risque de baver. L’offset est réservé à des tirages plus importants, généralement au-dessus de 500, voire 1 000.
Dans le prochain article, je parlerai du choix du papier et des termes utilisés couramment dans les devis. Mais pour l’instant, il y a déjà beaucoup, je ne veux pas vous traumatiser non plus. Donc, à retenir : un format standard, une police courante ou du moins qui ne sort pas le lecteur de votre texte, des marges qui vont aérer la page et laisser votre texte respirer. Et votre texte en noir pur (100 0 0 0).
Encore un article qui touche le fond 😀
Mais qui y met les formes…
C’était vraiment intéressant, merci !