Du travail, un peu de chance et beaucoup de talent : une interview de Fanny André (1/2)

Après avoir remporté plusieurs concours littéraires en 2014, Fanny André sort ces jours-ci deux premiers romans. Elle a accepté de nous parler de son parcours dans l’écriture et de la façon dont elle a accédé à la publication.

[Florence Chevalier] : Bonjour, peux-tu te présenter ?

Fanny André : Bonjour à tous, Fanny André, jeune (si, si, pour toujours) auteure âgée de trente ans, je vis actuellement dans les Alpes, où je travaille comme thérapeute et où j’enseigne les arts plastiques. Après une formation littéraire, je me suis orientée vers un cursus artistique et j’ai fait les Beaux-Arts. J’ai écrit plusieurs romans, un qui vient d’être publié et un qui le sera sous peu (d’où cette interview, ma recette de la tarte noisette-abricot doit rester secrète !).

Fanny André
Fanny André

[FC] : Peux-tu nous présenter tes ouvrages ?

Fanny André : On va commencer par la première publication : Camping Dating, romance parue le 29 avril chez Milady. C’est une novella assez légère, l’idée était d’écrire un roman qui fait sourire, qui sent bon les vacances, la détente. Un bouquin un peu fun ou « feel good », comme disent certains blogueurs. On suit l’évolution de Gabrielle, une jeune femme volontaire qui se retrouve manager pour l’été d’un camping de luxe organisé autour du thème « camping de rencontre ». Elle va devoir composer avec un patron sexy, un animateur entreprenant et un quotidien de chef bien rempli. Gaby est une Latine, donc elle a du caractère et elle a la langue bien pendue ! J’avais écrit cette novella pour un concours, elle s’est classée deuxième et avait reçu le prix des internautes à l’époque.
À l’opposé, il y a Un amour marqué, à paraître le 13 mai chez Numeriklivres. Un roman beaucoup plus sombre. Jade, libraire new-yorkaise, mène une vie ordonnée, perdue dans ses livres et son quotidien très tranquille. Jusqu’au jour où se présente à sa librairie Baile, ancienne coqueluche d’Hollywood. Il s’est retiré de la vie publique depuis quelques années. L’acteur porte une énorme balafre sur la joue. Elle est un peu à l’image de leurs passés respectifs, empreints de marques indélébiles qui les entravent. J’ai envoyé ce roman à Numeriklivres l’an dernier à l’automne, dans le cadre des « Coups de pouce littéraires 2014 », et j’ai eu la belle surprise de gagner le prix de la catégorie romance.

[FC] : As-tu toujours écrit ou as-tu commencé récemment ?

Fanny André : J’ai toujours écrit. Plus ou moins selon les périodes. J’ai dû griffonner des dizaines de nouvelles, de débuts de romans… Mais je considère que le premier vrai roman date de 2010. Je me suis remise plus sérieusement à écrire suite à une crise de « boulimie de lecture ». Après avoir enchaîné des livres fantastiques, alors que j’en avais très peu lu, j’ai eu envie d’en écrire. Ce fameux premier roman terminé (une romance écrite en parallèle à un projet YA plus long, pour me permettre une « distraction ») sortira cette année.

[FC] : Quelles sont tes sources d’inspiration ?

Fanny André : La question qui tue… Presque tout ? Les films, les livres, les conversations, une image, une pub ou l’actualité (je ne cite pas au hasard pour le coup, chacune des dernières propositions renvoie à un projet ;))… Et mes défis « T’es timbrée, ma pauv’ fille », du style : « Est-ce qu’il serait possible d’écrire une romance avec telle particularité ? Non, sûrement pas. Aucune chance. »… On peut être sûr que je tente de l’écrire dans l’année au lieu de laisser tomber.
Et pour me la jouer intellectuelle deux minutes (Très important, j’écris de la romance, il faut brouiller les pistes et les idées préconçues des gens !) : c’est ce qu’on apprend aux Beaux-Arts. Ou, en tout cas, c’est ce que j’en ai retenu, l’Art se nourrit de l’Art (c’est la phrase classe à retenir de cette interview). Donc il faut beaucoup lire, voir des séries, des films, changer de style pour découvrir autre chose, et cela nourrit l’écriture et le style.

[FC] : As-tu des méthodes d’écriture ? Dans quelles conditions écris-tu ?

Fanny André : Aïe… Comment perdre toute crédibilité ! Beaucoup de mes livres sont écrits sans synopsis. J’ai une idée de base : une opposition, une particularité de mon héroïne… Un point de départ (rarement d’arrivée o.O) et dessus se brode l’histoire. J’ai écrit Camping Dating sans aucune idée de la fin, voire même du déroulement. J’avais le point de départ et le ton, l’idée « été, Espagne, vacances ». Vacances a entraîné l’idée de camping. Mais je voulais quelque chose de plus glamour, une pub est passée à la télé pour un site de rencontre bien connu dont je déteste le principe et voilà ! Quand j’écris très vite, le roman se met en place comme si je lisais l’histoire. Après, je fais un gros travail derrière sur la vérification de la cohérence, recroiser les infos et ramener des détails en amont s’il en manque. C’est plus long et laborieux que la méthode de ceux qui planifient leurs histoires tels des architectes. Des fois, j’ai la fin, mais rien de plus, et je dois trouver comment arriver jusque-là.

Couverture de "Camping Dating" (2015) chez les éditions Milady
Couverture de Camping Dating (2015) chez les éditions Milady

Pour les conditions, je répondrais : comme je peux. J’ai une fille assez jeune, et cela dépend donc beaucoup d’elle. Je travaille et il me faut ménager des pans d’écriture dans le quotidien dès que je peux, mais je me force (sans trop de mal, on devient vite dépendant, quelle que soit la drogue) à la régularité. Sans télé, sinon je suis moins efficace, mais souvent en musique. Le reste est en option (bureau, assise sur un canapé, tête en bas – non, quand même pas –, avec du thé ou pas…).

[FC] : Quels sont tes genres de prédilection ?

Fanny André : Romance, romance érotique, fantastique (pas fantasy et peu de SF, j’ai plus de mal), littérature blanche, BD, mangas, comics, nouvelles… je lis de tout selon moi, même si je dois bien admettre que certains styles sont un peu en queue de peloton, alors qu’en ce moment, le YA et la romance en général arrivent en tête. Cependant, je suis cyclique et peut-être dans deux mois ne lirai-je que des classiques ou du steampunk.

[FC] : As-tu facilement trouvé un éditeur pour tes projets ? Selon toi, les appels à textes et les concours facilitent-ils l’accès à la publication ?

Fanny André : Jusqu’à récemment, j’aurais dit « non » à toutes ces questions. J’ai tenté une dizaine d’appels à texte pour des anthologies, pour « me faire un nom ». Parfois j’étais dans les derniers, ou j’avais de beaux retours du comité de lecture, mais je ne faisais pas partie des élus publiés. Puis, j’ai retenté sur un coup de tête un concours de nouvelles chez Làska l’été 2014, où je me suis classée première. Sûrement boostée, j’ai tenté le concours de HQN avec Camping et, encore plus folle vu mon planning de l’époque, j’ai enchaîné avec la réécriture et soumission de Un amour marqué chez Numeriklivres. Pendant que Camping faisait son chemin et que je me classais deuxième au concours, j’arrivais première chez Numeriklivres… Et tout ça sans sacrifier une vierge ou un bébé poney.
Si Camping n’a pas trouvé son éditeur directement au concours, je suis persuadée que sa carte de visite et le soutien des lecteurs ont aidé à convaincre un autre éditeur. J’ai eu une réponse positive à peine quinze jours après l’envoi du manuscrit.
Donc oui, ça peut vraiment aider et j’ai vu ma situation se débloquer chez trois éditeurs en moins de six mois, comme quoi… Par contre, il faut avoir une certaine rigueur et un brin de folie (ce n’est pas forcément contradictoire). Quand on participe à ce genre d’aventure, on ne gagne pas à tous les coups, il ne suffit pas d’être bon, il faut faire mieux que d’autres et c’est toujours difficile.

À suivre…

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Dix conseils ou astuces pour écrire pour la jeunesse

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J’avoue avoir été bien embêtée quand Jo Ann m’a demandé un article au sujet de l’écriture jeunesse. Déjà, parce que le terme « jeunesse » recouvre différentes classes d’âge et qu’écrire pour des enfants d’âge pré-scolaire n’est pas du tout la même chose qu’écrire pour de grands adolescents. Ensuite, parce que si vous cherchez des témoignages d’auteur jeunesse, vous ne trouverez pas deux personnes d’accord à ce sujet.
Et puis je suis tombée sur cet article (en anglais) qui expose les différences entre les diverses littératures jeunesse selon l’âge visé et je me suis dit que je pouvais sans doute extrapoler à partir de là, sachant qu’il n’existe aucune vérité absolue et que pour chacun des points que je vais aborder, vous trouverez sans doute un contre-exemple (surtout qu’il existe des différences entre le monde francophone et le monde anglophone, la littérature francophone étant plus « libre » en la matière que la littérature anglophone, voir cet article sur le sujet).

Je vais reprendre les 4 catégories de l’article, à savoir la classe d’âge « pré-scolaire » (0-5 ans) (je sais, chez nous les enfants vont à l’école dès 3 ans, mais ils ne savent pas encore lire), la classe d’âge « premières lectures » (5-7 ans), la classe d’âge « jeunes lecteurs » (7-12 ans) et enfin « adolescents » (12 ans et +). Ces catégories sont perméables et dépendent de la maturité du lecteur (certains très bons lecteurs de primaire dévorent des pavés alors que nombre de collégiens s’affolent dès que livre dépasse 50 pages).

La première distinction qui s’opère est la longueur du texte. Plus l’âge descend, plus le texte est court et plus il est illustré, les illustrations prenant alors la place du texte. Ceci a un impact sur l’écriture : à partir du moment où une scène est illustrée, il n’est plus nécessaire pour l’auteur de s’étendre sur les descriptions. En découle également le découpage ou non en chapitres, paragraphes, etc. Par exemple, un album a un nombre de pages divisible par 4, ce dont il faut tenir compte pour le structurer.
Se pose également la question du vocabulaire. Plus le lecteur est jeune, plus le vocabulaire employé sera familier, en raison d’un champ lexical plus restreint (ce qui n’empêche pas non plus d’employer des mots compliqués à l’occasion, c’est surtout leur fréquence d’utilisation qui peut poser problème). Évitez de créer un univers très compliqué avec des races et des objets inconnus pour les trop jeunes lecteurs (d’autant que la familiarité est importante à cet âge). De même le rythme est important : plus le lectorat est jeune, plus les phrases seront courtes (pour les plus jeunes, le choix des mots et leur sonorité est particulièrement important).
Toujours dans le style, se pose la question du choix du narrateur. Pour les plus jeunes, la troisième personne, surtout dans les albums est quasi systématique. La première personne tend à gagner du terrain en même temps que l’âge. Dans l’article, il est indiqué troisième personne pour les jeunes lecteurs, il me semble qu’en France la première s’impose davantage, en même temps que la narration au présent. Elle est en tout cas très présente dans la littérature young adult (lecteurs à partir de 15 ans).

Nous abordons ensuite la question du thème. Les enfants jusqu’à un certain âge (on va dire, l’école primaire) sont égocentriques et les récits proposés devront donc pouvoir être reliés à leur vie quotidienne. En même temps, ils sont encore dans l’âge de la pensée magique où tout est possible : rien n’empêche donc dragons, soucoupes volantes et autres de s’inviter dans le quotidien, à condition de rester proche des préoccupations des enfants. Pour reprendre le tableau, les pré-scolaires ont besoin d’un cadre familier : même si vous mettez en scène des cuillères qui parlent, les cuillères ont davantage de chance de s’intéresser au souper du soir qu’à la politique au Moyen-Orient. Pour les premières lectures, rien de trop effrayant, plutôt de l’aventure ou de la comédie. Avec les jeunes lecteurs, on peut plonger dans le combat entre le bien et le mal, l’aventure et un peu de frissons : le monde reste toutefois relativement simpliste (on est à l’âge des bons contre les méchants, les zones grises viendront plus tard).
Avec les plus vieux, tout est permis, les univers sombres (à condition d’avoir une fin heureuse, quand même, on reste en littérature jeunesse) comme les thèmes compliqués (les dystopies en sont un parfait exemple). De même, le niveau de violence doit être adapté au lectorat. Note personnelle (« j’ai testé pour vous ») : si la violence passe relativement bien pour les ados, le sexe, lui ne sera admis qu’à partir du moment où ils auront l’âge d’acheter eux-même leurs livres. Non parce qu’ils n’y pensent pas mais parce que leurs parents, eux, y veillent (et s’inquiètent donc manifestement davantage de voir leurs chérubins lire des scènes hot que des démembrements avec sang et tripes, ne me demandez pas pourquoi).

Sur les enjeux de l’histoire, une simple exploration du monde suffit aux plus petits. Pour les premières lectures, on est assez proche du format de la nouvelle, avec une intrigue et un nombre de personnages resserrés, des enjeux relativement faibles. Ça se complique pour les jeunes lecteurs, qui commencent à envisager le monde dans sa globalité et pourquoi pas, à se voir en sauveurs face à des adultes impuissants (« règle tes problèmes toi-même au lieu de demander à papa et maman »). Enfin pour les ados, on entre dans les problématiques de société et aussi, de trouver sa place dans le monde qui les entoure.
Dit comme ça, ça peut paraître un peu compliqué. En réalité, il suffit de se mettre à hauteur d’enfant. Un peu comme si vous pliiez les genoux ou vous asseyez sur une chaise : le monde autour de vous est exactement le même, c’est l’angle sous lequel vous le regardez qui a changé. Imaginez à présent un voyage raconté par la mère et le même raconté par la fille de sept ans : les événements sont identiques, mais le récit différera probablement de l’une à l’autre parce qu’elles n’auront pas focalisé sur les mêmes éléments. Et le récit sera encore différent dans la bouche de l’aîné de 14 ans ou du petit de 2 ans.
Exemple pratique : l’identification, un thème qui revient souvent dans la littérature jeunesse. Le narrateur doit-il avoir l’âge du lectorat visé ? Dans la majorité des cas, un enfant ou un adolescent recherche la compagnie de ses pairs, davantage que celle des adultes. Il peut exister des exceptions, mais oui, il y a de fortes chances pour qu’il s’intéresse davantage aux problèmes de quelqu’un de son âge que d’un adulte. On conseille cependant souvent de donner au héros âge du lectorat maximal visé + 2 parce que les enfants rêvent quand même de grandir (mais pas trop vite).
À vous de trouvez la bonne hauteur !

Et n’oubliez pas : comme dans toutes les autres formes de littérature, avant d’écrire, il faut commencer par lire le genre que vous visez.

Un peu de bibliographie pour terminer :

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Les auteurs, les mauvaises critiques et l’e-buzz

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CritiqueRégulièrement, nous entendons parler de critiques mal digérées, de mauvaise foi qualifiée et de blogueurs critiqués/censurés. Des auteurs pètent des câbles, des « éditeurs » suivent le pas. Je suis persuadée que chaque internaute a eu vent d’au moins une histoire de perte de pédales. Non seulement on a du mal à accepter les critiques (changez de profession, les gens), mais en plus, à l’ère de l’e-buzz, rien n’est discret. Je pourrais illustrer mes propos avec n’importe quel blogueur francophone, mais j’aimerais montrer jusqu’où ce genre de bêtises peut aller. Et c’est loin.

En mars 2011, le cas du Greek Seaman de Jacqueline Howett a fait le tour de la blogosphère anglophone et a envahi Twitter. En bref, BigAl fait des reviews d’e-books auto-publiés et ce sont les auteurs eux-mêmes qui envoient leurs bébés à l’abattoir. Jacqueline Howett a donc envoyé son roman The Greek Seaman et… catastrophe. Littéralement. D’après lui, l’histoire est bien, mais les fautes de grammaire, d’orthographe et de mise en page rebutent, rendent la lecture pénible.

“(…) the spelling and grammar errors, which come so quickly that, especially in the first several chapters, it’s difficult to get into the book without being jarred back to reality as you attempt unraveling what the author meant. (…) Reading shouldn’t be that hard.”

« (…) les fautes sont si nombreuses, principalement dans les premiers chapitres, qu’il est difficile de plonger dans le livre sans être recraché dans la réalité en essayant de déchiffrer les mots de l’auteur. (…) Lire ne devrait pas être aussi dur. »

BigAl mérite donc des applaudissements rien que pour avoir terminé sa lecture. Beaucoup n’ont pas dépassé les premiers chapitres. Qu’aurait dû faire l’auteur ? Ne pas commenter. Reprendre son roman et le faire corriger par un professionnel. Surtout que le plus dur était déjà fait : d’après BigAl, l’histoire est bonne ! Mais Jacqueline Howett a oublié que les critiques, ça se consomme froid, et a dérapé.

Voici quelques rapides extraits de plusieurs de ses commentaires, supprimés par la suite (vous pouvez aller vous amuser en lisant les 300 autres sur place) :

“Maybe its [sic] just my style and being English is what you don’t get. (…) My writing is just fine! (…) The book is out there doing well without your comments. My first book is great!”

« C’est peut-être mon style et le fait d’être anglaise que vous n’avez pas saisi. (…) Mon écriture est très bien ! (…) Le livre se vend bien sans vos commentaires. Mon premier roman est génial ! »

Donc, voici comment réagit un supposé écrivain qui a elle-même envoyé son livre pour le faire critiquer. Non seulement les arguments sont risibles (« c’est parce que je suis anglaise »), mais les commentaires montrent clairement qu’elle est fâchée avec l’orthographe. Et puisque la critique est mauvaise, Howett veut que Big Al la supprime.

“I want this review removed or its [sic] just considered abuse.”

« Je veux que ce commentaire soit supprimé sinon c’est considéré comme abusif. »

Et pire, elle part sur une attaque personnelle :

“You are a big rat and a snake with poisenous [sic] venom. Lots of luck to authors who come here and slip in that!”

« Tu es un gros rat et un serpent venimeux. Bon courage aux auteurs qui viennent ici et sont pris au piège. »

L’élégance britannique, en somme.

À cause de sa dizaine de commentaires hystériques (c’est le mot), le buzz a vite fait de circuler. On parle de cet auteur comme l’exemple à ne pas suivre ou comment un écrivain ne devrait jamais réagir face à une mauvaise critique.

Chers auteurs, vos lecteurs ont le droit de vous critiquer. C’est dur, parfois injuste, mais un lecteur sera toujours prêt à donner une seconde chance à un quelqu’un qui travaille vraiment dur pour s’améliorer. Dans le cas du Greek Seaman, la romancière s’est attirée la foudre des blogueurs, lecteurs et autres auteurs indépendants parce qu’elle donnait une image non-professionnelle de ce milieu encore marginal. Parmi les commentaires, d’autres blogueurs ont avoué que c’était à cause de romans mal corrigés qu’ils n’acceptaient jamais de lire des livres auto-publiés.

À la fin, les grands perdants sont évidemment les auteurs indépendants qui font correctement leur travail. Parce que Howett continue à se montrer obstinée et le milieu veut vraiment (mais vraiment) la remettre à sa place. Les mauvaises critiques ont explosé sur Amazon UK et Amazon US (le livre a été retiré des deux plateformes), l’affaire est devenue un Trending Topic ((Tendances : les thèmes les plus parlés)) sur Twitter.

Internet est un outil extraordinaire. Vraiment.

Comment éviter ce genre de lynchage qui peut tourner au cauchemar ?

Ne jamais répondre dans le feu de l’émotion : vous ne réfléchissez pas lorsque vous êtes frustré/furieux/ému/triste/etc. Vous pourriez dire des choses que vous regretteriez amèrement.

→ Sachez que vous n’avez pas à vous justifier face à une critique, mais faites comprendre que vous travaillez à vous améliorer. Si vous dites ouvertement que vous vous moquez totalement de ce qu’on peut dire de vous… bonne chance.

→ Si vous n’êtes pas capable d’accepter une critique négative, NE RÉPONDEZ SURTOUT PAS ! Faites semblant de ne pas être au courant et passez votre chemin.

Construisez-vous une carapace, gardez votre sang-froid et continuez à écrire.

Billet précédemment publié le 2 décembre 2012

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Accepter la (mauvaise) critique

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Les anglophones disent que, si on ne supporte pas la chaleur, on devrait rester en dehors de la cuisine. Pour les écrivains, c’est exactement pareil. Si vous ne supportez pas la critique, ce n’est pas la peine de faire lire votre roman. Faites imprimer votre livre en un exemplaire avec une belle illustration et votre nom dessus, rangez-le sur votre étagère et passez à autre chose.
Dès l’instant où vous décidez de vous faire publier, vous devez créer une armure. Publier signifie être exposé sur la place publique et cette exposition est parfois douloureuse.

Bill va acheter votre roman à 20 € (à 2 € près). Rien que le prix lui donne le droit de le manger, de le déchirer ou de le brûler. Mais étant un livrophile, Bill va lire votre livre. Et puis, catastrophe. Il va le détester. Et il va partager son avis avec d’autres, que ce soit à l’écrit (presse écrite, internet, etc.) ou à l’oral (un dîner entre amis, un club de lecture, etc.). Et vous aurez vent de cette critique dure. Objective ou juste mesquine, armez-vous.
Vous allez être déprimé pendant une semaine en criant que le monde est injuste et que vous êtes incompris, vous allez cesser de vous alimenter et abandonner l’écriture parce que ça ne vaut pas la peine de se faire des frayeurs si c’est pour de si mauvais résultats ou alors, vous allez recommencer. Bien sûr, les deux premières réactions font partie de la chose, vous n’êtes pas meilleur ni pire qu’un autre. Une critique négative fait un mal de chien du tonnerre de Zeus, alors pleurez si vous voulez, mais revenez vite parce qu’il y a du travail.

Nombreux sont les écrivains qui n’acceptent pas cet autre côté de la publication. Bill n’a pas le droit de critiquer. Sacrebleu, Bill n’a jamais rien écrit de sa vie ! Comment ose-t-il ?!
Avez-vous jamais été chef de cuisine avant de critiquer un restaurant ?
Avez-vous jamais été cinéaste avant de critiquer un film ?
Avez-vous jamais été musicien avant de critiquer un album ?
Je pourrais continuer encore longtemps, mais vous avez saisi l’idée. Bill a le droit (et le devoir ?) de vous critiquer. S’il a le droit de vous encenser (quel plaisir de lire qu’on est le coup de cœur de quelqu’un !), il a le droit de vous descendre. Avec ou sans tact, ça dépend de son humeur du jour.

La critique, c’est comme une blessure. Au moment où on la lit (ou l’écoute), c’est comme arracher le sparadrap. Ensuite, ça démange un peu, mais c’est bon signe : ça guérit.

La critique (quand bien argumentée, surtout) peut vous aider à avancer. Avant de soumettre vos textes à un éditeur ou de vous auto-publier, faites-vous bêta-lire. Écoutez/lisez les commentaires. Si plusieurs critiques abondent en un sens, prenez-les en compte, retravaillez vos faiblesses. Faites une pause. On n’a jamais les idées claires entre le moment d’écrire et le moment de corriger, entre la relecture et l’envoi, entre le refus et la déprime. Si vous accumulez les refus, faites une autre pause – un arrêt, plutôt – et passez à autre chose.

Plus on écrit, mieux on écrit. C’est mathématique.

Réédition 19 novembre 2012

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Dix conseils ou astuces pour écrire un roman érotique

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Il y a plusieurs mois, déjà, nous avons discuté avec Sara Agnès L., qui passait de la romance à l’érotique, qui navigue avec succès entre auto-édition et publication classique chez Milady (collections Emma — primonumérique — et Romantica — broché et numérique). Nous lui avons demandé des conseils pour écrire un roman érotique.

NB : le vocabulaire peut heurter certaines âmes sensibles. 😉

1) Le contexte avant le sexe

Vous pouvez croire que le fantasme est le plus important de votre histoire, mais détrompez-vous : le contexte, c’est ce qui englobe et permet au fantasme de s’accomplir. Assurez-vous donc de le décrire correctement. Où vos personnages feront-ils des bêtises ? Dans un train ? Sur une voiture ? Sur le canapé ? Après une dispute ? Tous les endroits sont bons si le contexte le rend bien.

2) Des personnages crédibles

En érotisme comme dans tous les autres genres, le lecteur a besoin de s’attacher aux personnages. Faites-les « normaux» : hésitants, colériques, dépravés s’il le faut, trouvez leurs failles et plongez-les dans des situations aussi déstabilisantes qu’excitantes. C’est ce qui leur donnera vie.
Cela vaut également pour les proportions et le niveau d’endurance. Vous savez, les femmes blondes, pulpeuses, aux seins immenses et aux jambes interminables ? Ou l’homme qui une verge à faire peur et qui n’a qu’un seul mode : en érection ? Diantre ! Ayez plus d’imagination. Vous savez qu’entre deux érections, il y a plein de choses à faire ? Commencez donc par là.

3) Songez au lecteur

Le sexe est de l’ordre du privé. En mettant ces scènes par écrit, songez à donner une place privilégiée à votre lecteur au sein de cette intimité. Mettez-vous dans la tête d’un personnage, faites répéter une phrase à monsieur pour empêcher que son éjaculation soit trop rapide et laissez madame rêvasser à Christian Grey en se faisant baiser en levrette. Le côté humain aidera votre lecteur à prendre part à la situation avec vos personnages. Si ça se trouve, il est un peu voyeur, votre lecteur…

4) Évitez les mots vulgaires

Le sexe est beau. Vous avez peut-être envie que madame vous dise de baiser sa chatte ou de parler de sa mouille, mais dans un texte littéraire, peu trouveront cela de bon goût. Dans le feu de l’action, certains mots peuvent sortir de la bouche de vos personnages, et oui, ils peuvent être crus, mais dans votre narration, restez neutre, poli et courtois. Même les situations les plus dures doivent être décrites avec respect.

5) Sortez de la répétition

La pénétration est un acte relativement répétitif. Variez vos positions autant que vos tournures de phrases. Si votre personnage ne fait que des va-et-vient pendant une demi-page, ce sera vite lassant. Relevez-moi cette croupe, bloquez les mains de madame ou fichez-lui une petite tape sur la fesse pour l’émoustiller, mais par pitié, rendez vos baises agréables à lire !

6) Parlez du corps, pas des gestes

Même dans un texte érotique, ce qui compte, ce n’est pas l’acte sexuel, mais le plaisir qui en découle. Donnez une place privilégiée aux sensations. Que perçoit votre personnage pendant que madame lui fait une fellation ? Comment sait-il qu’elle va bientôt perdre la tête ? Montrez la surprise de monsieur lorsque madame approche un peu trop ses doigts de son anus, décrivez la gêne de madame lorsqu’il la caresse sous la table. La mécanique, on s’en fiche, après tout. C’est tout le reste qui nous intéresse !

7) Surprenez le lecteur

Un texte érotique ne doit pas être spectaculaire pour faire vibrer, bien au contraire ! Une situation toute simple peut dégénérer. Déjouez votre lecteur. N’ayez pas peur de le surprendre ! Madame est coincée dans un rendez-vous arrangé et le type l’ennuie ? Pourquoi ne ferait-elle pas une petite gâterie au serveur pour passer le temps ? Un type se retrouve au lit avec une fille à tomber par terre rencontrée dans un bar ? Laissez-le apprécier ses talents avant de lui faire découvrir qu’elle a des testicules sous sa jupe.

8) Offrez-nous de beaux orgasmes !

Une fois qu’ils ont fait leurs cabrioles, n’oubliez pas de rendre vos orgasmes plus intenses que le reste. C’est le moment tant attendu et parfois, il est si vite décrit que je dois revenir en arrière pour m’assurer de ne rien avoir raté. L’orgasme, c’est le point culminant de votre texte. Toutes ces frictions et ces caresses indécentes, c’est pour en arriver là, après tout (ou pas, mais là, c’est une autre histoire). Jouez avec le souffle, les cris, les tremblements, l’ondulation des hanches. Faites-les se retenir pour rendre l’instant plus précieux encore. Songez aux gestes qui paraissent banals : ils s’embrassent, se touchent, entrelacent leurs doigts ? Dans ces moments-là, ça compte. Donnez envie au lecteur de vivre cet instant précieux avec vos personnages.

9) Prenez votre pied !

Les experts vous diront tous la même chose : si on s’ennuie à écrire un texte, on s’ennuiera à le lire aussi. Prenez donc votre pied pendant que vous écrivez votre scène ! Et au passage, faites en sorte que votre lecteur prenne le sien quand il vous lira…

10) La première fois…

Les premiers textes érotiques sont souvent les plus difficiles à écrire. Au fond, c’est un peu comme la première fois qu’on fait l’amour : on apprend, on cherche le bon geste, le bon rythme, on est timide face à certaines situations, on rigole, on se sent idiot…, mais plus on le fait, plus on prend de l’expérience. Écrire, c’est pareil (et pas seulement dans ce genre). Vous êtes anxieux à l’idée d’écrire certains types de scènes ? Écrivez sans réfléchir, faites-le dans un style rude, sortez tous les mots qui vous répugnent. Purgez-vous ! Pas seulement des termes crus, mais aussi de vos préjugés et du malaise que génère la situation qu’il vous faut écrire. À la relecture : changez tout, épurez, peaufiner… Petit à petit, vous trouverez vos repères et vous découvrirez vos limites.

En conclusion…

Écrivez sans prétention et restez vous-même. La raison pour laquelle les gens lisent des textes érotiques (ou lisent, en général), c’est pour sortir de leur quotidien. Ils ne cherchent pas à lire un manuel de biologie, juste à comprendre ce qui se passe sans qu’on leur montre les détails en gros plans. Et si votre texte leur permet de s’évader… alors ce sera mission accomplie !

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