En papier, en numérique ou sur du papier toilettes : lisez !

Souvent, je tombe sur des « cartes » qui disent J’aime l’odeur des vrais livres. Ou Un livre papier a une âme. Ou encore Rien ne vaut le livre papier et ces pages qu’on tourne. Je tombe aussi, souvent, trop souvent, sur des discussions où un/e intervenant/e est catégorique : Je hais le numérique ! C’est la mort du livre ! Le numérique est une voie de garage ! Cette guerre entre le « vrai livre avec une âme » et le « brouillon numérique par dépit » est lassante en plus d’être totalement ignorante.

Il y a quelques années, j’étais de celles et ceux qui ne voulaient pas troquer le livre papier pour rien. Je regardais les blogueuses littéraires qui troquaient l’encre pour l’e-ink et je me disais « Zeus, comment c’est possible ?! Quelle trahison ! ». Note : je me disais. À aucun moment, je ne suis allée attaquer ces mêmes blogueuses parce qu’elles testaient, à chacun son éducation… Puis, en 2012, ma vie a changé. Je vivais entre deux pays (l’un des deux pays étant loin sous les Tropiques) (Quand on dit Tropiques, on pense de suite aux Caraïbes. Non, camarades, ce ne sont pas ces cocotiers-là.) (En plus, il n’y a pas que des cocotiers, sous les Tropiques, il y a aussi des gratte-ciels modernes, en verre et béton armé dernier cri.) et je n’avais plus mes livres avec moi. J’avais (et j’ai…) une centaine de romans papier qui attendaient patiemment que je me dévoue et leur consacre du temps, mais le temps, je n’en avais pas/plus, et je n’ai pu qu’emmener trois livres dans mon sac à dos en me demandant si je ne faisais pas une erreur. C’est vrai, quoi, de 100+ romans, pourquoi ces trois-là ? Pour la bibliophile que je suis, c’était un crève-cœur. Pendant que j’étais sous le soleil (c’est pour l’image, hein ? Je n’aime pas trop le soleil, au fait.), j’ai terminé mes trois romans et je me suis penchée sur les livres qui étaient à ma disposition, mais aucun n’était en français. (Note pour ceux qui viennent de tomber sur [EC] — Bienvenue, au passage —, je ne suis ni française ni francophone de naissance.) Et j’avais besoin de lire en français, et j’ai eu la panne de lecture de ma vie. Là où j’étais, la poste est inexistante, alors rien que de penser commander un livre en France pour le faire expédier c’était de l’utopie (j’attends toujours une lettre et ça fait deux ans qu’elle a été envoyée…). J’ai lu des manuscrits qu’on m’envoyait en .pdf et c’était pénible, non pas parce que c’était du .pdf, mais parce que je ne pouvais lire que sur mon ordinateur et c’était pas l’idéal. À ce moment-là, j’ai commencé à envisager sérieusement l’achat d’une liseuse. Quand je suis rentrée en France, j’ai sauté le pas et j’ai acheté mon deuxième meilleur ami après l’ordinateur. Pouvoir acheter un livre en un clic et le lire une seconde plus tard, même à l’autre bout du monde, c’était comme un rêve. Après avoir été privée pendant des mois, me revoilà plongée dans la littérature francophone. C’était l’euphorie, je venais de découvrir le chocolat.11044579_805768369460258_4653094017893924861_n

En découvrant le format numérique, mon moi-lectrice était comblé. Restait le moi-écrivain, celui qui ne pouvait pas les soumettre parce que les soumissions papier étaient impossible. Je ne lisais quasiment plus que des e-books, c’était l’idéal pour la nomade digitale que j’étais. Vivre entre deux continents, faire toujours attention à l’excès de bagages et être passionnée de littérature, l’équation est vite faite et le résultat est vite trouvé : le numérique était ma solution. Alors j’ai soumis des romans à des maisons d’édition exclusivement numériques. Ce n’était pas par dépit, c’était un véritable choix qui s’inscrivait dans mon mode de vie. Depuis, j’ai publié cinq livres, un en papier (et j’ai dû attendre un nouveau passage en France pour l’avoir dans les mains, ce qui est vraiment frustrant pour un écrivain) et quatre exclusivement en numérique. Et selon les retours que j’ai eus, j’ai pu faire rire, sourire et pleurer avec mes textes digitaux et ils ont autant d’âme que s’ils avaient été imprimés.

Ce n’est pas le support qui fait le livre. Ce n’est pas le support qui donne l’âme à votre écrit. Ce sont les mots. Et les mots n’ont pas besoin de papier pour vivre. On peut être ému quand on entend un conteur, quand on écoute une musique, quand on voit un film. À aucun moment, le support n’a été la raison pour laquelle vous avez ri, souri, pleuré, ou/et réfléchi.  À aucun moment, le papier n’a été la raison pour laquelle une histoire est devenue vivante. L’imagination n’a pas besoin de papier et d’encre, elle a juste besoin d’expression. Un tableau. Une sculpture. Ou pas. La paréidolie joue de vos sens, vous raconte quelque chose. Vous avez le droit de ne pas aimer le numérique. Vous avez le droit d’adorer l’objet livre. Je suis un auteur numérique et je ne hais pas le papier, je ne le renie pas. Les deux formats peuvent vivre ensemble (trois formats, d’ailleurs, avec le livre audio !). C’est clairement plus facile de faire dédicacer un livre papier (même si dédicacer un e-book est tout à fait possible). C’est beau, ces étagères qui croulent sous les livres, ces couvertures dans les rayons d’une librairie. Mais avoir ma bibliothèque, de 100+ livres dans un objet fin comme un passeport, avoir accès à toutes mes lectures à l’autre bout du monde sans passer par le dilemme du livre à emporter… Quel pied !

Les gens, vous aimez lire. Alors lisez. Papier. Liseuse. Papier toilettes. Boîte de céréales. Notices. Peu importe. Lisez. Vous n’avez pas eu besoin de papier pour imaginer, vous avez besoin de mots. Alors voyagez avec les mots et les histoires qu’on vous raconte. Le support, franchement, n’est qu’un détail.

Bonnes vacances et bonnes lectures. 🙂

Jo Ann von Haff.

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Du travail, un peu de chance et beaucoup de talent : une interview de Fanny André (2/2)

[FC] : Peux-tu nous parler du travail que tes éditeurs t’ont demandé sur tes textes, des fameuses corrections éditoriales ? Est-ce que c’est ce à quoi tu t’étais attendue ?

Fanny André : Oui et non. J’ai finalement trouvé l’exercice proche du travail fait en bêta-lecture, mais pas que. Selon les éditeurs, le travail a été assez différent. Cela va de la coquille, la faute relevée, jusqu’à une phrase ou un passage maladroit à reformuler. L’intérêt du travail du texte avec l’éditeur me semble vraiment prendre deux formes :

  1. Quand l’éditeur soulève une incohérence, l’impression d’une relation qui se précipite, d’un évènement qui manque et vous dit « Cet endroit pourrait permettre une scène en plus ». Là, il vous aide à rajouter un maillon à la chaîne, et cela vient vraiment de ce regard extérieur qui nous manque sur nos textes quand on a bossé dessus des heures. Je ne l’ai pas encore rencontré, mais je pense qu’à l’inverse, il y a souvent des coupes quand un texte est long. Certains paragraphes entiers se révèlent parfois des redites sans qu’on s’en rende compte.
  2. Un travail de lissage : le texte en lui-même n’est ni coupé ni rallongé, mais on en est au moment où on lisse la sculpture, on ponce le bois, on passe le vernis… (J’ai dit que j’avais suivi un cursus artistique.) Je me suis retrouvée à chipoter pendant cinq minutes sur un « du » ou un « le », sur un adjectif (On change, on enlève ?)…

J’ai vécu ces deux aspects sur mes corrections éditoriales. Peut-être tout simplement parce que les textes étaient différents. Les deux me semblent complémentaires, mais le premier point permet un dernier adieu aux personnages et j’ai bien aimé cet aspect (alors qu’à l’origine, j’étais persuadée que je n’arriverais pas à me replonger dans le livre et à ressortir une scène qui ne dénote pas).

Couverture d'Un amour marqué (2015) chez les éditions Numeriklivres
Couverture d’Un amour marqué (2015) chez les éditions Numeriklivres

[FC] : As-tu des projets d’écriture ou d’autres publications prévues pour cette année ?

Fanny André : Oui. Normalement, il y aura la nouvelle à paraître chez Láska (celle qui a gagné le concours donc) et une autre romance pour cet automne chez Milady.

[FC] : Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui débute dans l’écriture ?

Fanny André : En ce moment, je suis souvent contactée sur ce sujet. Les gens doivent me confondre avec Bernard Werber, peut-être qu’on a la même adresse mail ! C’est assez étrange à vivre quand on n’a pas l’impression d’avoir trouvé le sésame magique pour autant, que comme tout le monde, on a des livres en soumission et qu’on croise les doigts de pied, car il nous faut les mains libres pour continuer notre tapuscrit en cours.

  1. Je pense qu’il faut être patient et persévérant.
  2. Se renseigner (on peut le mettre en gras ? Il me semble que ça compte à 50 %, 49 % de travail et 1 % de « Inch’Allah »). Ne pas signer n’importe où les yeux fermés en se disant : « Tant pis, je veux être lu, je ne vais pas me renseigner sur les types de contrats qui se pratiquent, négocier quoi que ce soit… », certaines maisons sont de belles arnaques ! Si on fonce tête baissée en se disant « Je serai publié en six mois, ça va le faire », vous êtes génial ou ça va être compliqué selon moi. Et continuez à croire en vous, évitez de signer chez un éditeur qui ne vous fait qu’à peine envie en vous disant « Je n’arriverai pas à mieux ». Si vous ne croyez pas en vous, qui va le faire ?
  3. Cherchez de l’aide et des bêta-lecteurs, on n’y arrive pas sans cela. Il ne faut pas qu’une copine qui aime votre style, au contraire, prenez quelqu’un prêt à vous bousculer : déjà, ça fait avancer et ça blinde un peu. Les lecteurs ne seront pas plus tendres, ils seront pires ! Votre bêta a la gentillesse de vous ménager, même quand il vous rudoie, et il a conscience du boulot. Il faut une personne capable de comprendre votre style, mais pas forcément qui vous ressemble, au contraire. Et sachez camper sur vos positions quand on vous pousse à changer ce qui compte à vos yeux et fera vraiment le sel de l’histoire. La balance entre la remise en question et le doute inutile est complexe.
  4. Il ne faut pas croire qu’un premier jet tient la route. Le rebosser. Beaucoup. Beaucoup. Aller sur les forums comme Mille-Feuilles, Cocyclics, même si au départ ça froisse un peu (beaucoup, passionnément, c’est selon) l’ego. Et la dernière fois qu’on m’a demandé, j’ai donné le lien d’Espaces Comprises (en vrai, hein, pas juste pour faire bien pour l’interview).
  5. Finir par envoyer le manuscrit. Certains n’arrivent jamais à cette étape et quelque part, il y a un vrai problème de fond dans ce cas. On écrit pour être lu (lapalissade, mais pas tant)… Ou il faut être honnête avec soi-même et se dire qu’on écrit pour remplir un disque dur ou un tiroir, au choix. Si on écrit des chefs-d’œuvre, ou, plus probablement mais c’est bien aussi, des œuvres potables qu’on n’envoie jamais (ou qu’on ne finit jamais, ça marche aussi), il me semble que c’est dommage. On n’écrit pas tous Harry Potter du premier coup (j’assume totalement ma référence), mais ce n’est pas une condition pour avoir le droit d’envoyer un texte. On m’a déjà posé la question « Et si personne ne veut de mon livre ? » Alors peut-être y a-t-il encore du travail. C’est le jeu. Et même si un éditeur vous dit « Mettez-vous au macramé, vous perdrez moins de temps ». Déjà, méfiez-vous, cette activité dénote de drôles de goûts. Plus sérieusement, cet éditeur est-il le seul au monde à pouvoir émettre un avis ou à avoir raison ? Peut-être un de ses confrères dira le contraire. Mais peut-être pas sur ce projet-là, c’est possible aussi. C’était peut-être vos gammes, et le reste est à écrire.

Même si ça devient très long comme réponse, dernière chose, dite par Anne Rossi pour le coup : Le temps de l’éditeur n’est pas le même que le nôtre. Alors qu’on trépigne d’impatience devant sa boîte mail, qu’on expérimente une drôle de distorsion du temps… on finit par se poser et prendre un thé. Il le faut ! Les nouveaux projets sont là pour ça. J’ai lu une intervention de Nadia Coste qui disait en substance : se faire éditer ressemble au bout du chemin, mais ce n’est que le début. Au final c’est très vrai (même si forcément on est impatient d’en arriver là, je le sais bien !).

[FC] : Si tu as envie d’ajouter quelque chose, je te laisse le mot de la fin…

Fanny André : Je m’étais promis de répondre en mode sérieux et cela semble un peu raté. La prochaine fois… ou pas. Merci pour cette interview et pour le reste, Florence ! (J’ai décidé de finir de façon grave originale, pour marquer les esprits.)

[FC] : J’aurais bien intitulé ton interview « Du travail, un peu de chance, beaucoup de talent et une bonne dose d’humour », mais j’ai eu peur que ça fasse trop long ;). Merci pour tes réponses, Fanny !

Fanny André : Et tu aurais même pu ajouter « et beaucoup de parenthèses »… Puis quand on voit la longueur de mes réponses, un peu plus, un peu moins…

Facebook de Fanny André

Site de Fanny André : lien

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Du travail, un peu de chance et beaucoup de talent : une interview de Fanny André (1/2)

Après avoir remporté plusieurs concours littéraires en 2014, Fanny André sort ces jours-ci deux premiers romans. Elle a accepté de nous parler de son parcours dans l’écriture et de la façon dont elle a accédé à la publication.

[Florence Chevalier] : Bonjour, peux-tu te présenter ?

Fanny André : Bonjour à tous, Fanny André, jeune (si, si, pour toujours) auteure âgée de trente ans, je vis actuellement dans les Alpes, où je travaille comme thérapeute et où j’enseigne les arts plastiques. Après une formation littéraire, je me suis orientée vers un cursus artistique et j’ai fait les Beaux-Arts. J’ai écrit plusieurs romans, un qui vient d’être publié et un qui le sera sous peu (d’où cette interview, ma recette de la tarte noisette-abricot doit rester secrète !).

Fanny André
Fanny André

[FC] : Peux-tu nous présenter tes ouvrages ?

Fanny André : On va commencer par la première publication : Camping Dating, romance parue le 29 avril chez Milady. C’est une novella assez légère, l’idée était d’écrire un roman qui fait sourire, qui sent bon les vacances, la détente. Un bouquin un peu fun ou « feel good », comme disent certains blogueurs. On suit l’évolution de Gabrielle, une jeune femme volontaire qui se retrouve manager pour l’été d’un camping de luxe organisé autour du thème « camping de rencontre ». Elle va devoir composer avec un patron sexy, un animateur entreprenant et un quotidien de chef bien rempli. Gaby est une Latine, donc elle a du caractère et elle a la langue bien pendue ! J’avais écrit cette novella pour un concours, elle s’est classée deuxième et avait reçu le prix des internautes à l’époque.
À l’opposé, il y a Un amour marqué, à paraître le 13 mai chez Numeriklivres. Un roman beaucoup plus sombre. Jade, libraire new-yorkaise, mène une vie ordonnée, perdue dans ses livres et son quotidien très tranquille. Jusqu’au jour où se présente à sa librairie Baile, ancienne coqueluche d’Hollywood. Il s’est retiré de la vie publique depuis quelques années. L’acteur porte une énorme balafre sur la joue. Elle est un peu à l’image de leurs passés respectifs, empreints de marques indélébiles qui les entravent. J’ai envoyé ce roman à Numeriklivres l’an dernier à l’automne, dans le cadre des « Coups de pouce littéraires 2014 », et j’ai eu la belle surprise de gagner le prix de la catégorie romance.

[FC] : As-tu toujours écrit ou as-tu commencé récemment ?

Fanny André : J’ai toujours écrit. Plus ou moins selon les périodes. J’ai dû griffonner des dizaines de nouvelles, de débuts de romans… Mais je considère que le premier vrai roman date de 2010. Je me suis remise plus sérieusement à écrire suite à une crise de « boulimie de lecture ». Après avoir enchaîné des livres fantastiques, alors que j’en avais très peu lu, j’ai eu envie d’en écrire. Ce fameux premier roman terminé (une romance écrite en parallèle à un projet YA plus long, pour me permettre une « distraction ») sortira cette année.

[FC] : Quelles sont tes sources d’inspiration ?

Fanny André : La question qui tue… Presque tout ? Les films, les livres, les conversations, une image, une pub ou l’actualité (je ne cite pas au hasard pour le coup, chacune des dernières propositions renvoie à un projet ;))… Et mes défis « T’es timbrée, ma pauv’ fille », du style : « Est-ce qu’il serait possible d’écrire une romance avec telle particularité ? Non, sûrement pas. Aucune chance. »… On peut être sûr que je tente de l’écrire dans l’année au lieu de laisser tomber.
Et pour me la jouer intellectuelle deux minutes (Très important, j’écris de la romance, il faut brouiller les pistes et les idées préconçues des gens !) : c’est ce qu’on apprend aux Beaux-Arts. Ou, en tout cas, c’est ce que j’en ai retenu, l’Art se nourrit de l’Art (c’est la phrase classe à retenir de cette interview). Donc il faut beaucoup lire, voir des séries, des films, changer de style pour découvrir autre chose, et cela nourrit l’écriture et le style.

[FC] : As-tu des méthodes d’écriture ? Dans quelles conditions écris-tu ?

Fanny André : Aïe… Comment perdre toute crédibilité ! Beaucoup de mes livres sont écrits sans synopsis. J’ai une idée de base : une opposition, une particularité de mon héroïne… Un point de départ (rarement d’arrivée o.O) et dessus se brode l’histoire. J’ai écrit Camping Dating sans aucune idée de la fin, voire même du déroulement. J’avais le point de départ et le ton, l’idée « été, Espagne, vacances ». Vacances a entraîné l’idée de camping. Mais je voulais quelque chose de plus glamour, une pub est passée à la télé pour un site de rencontre bien connu dont je déteste le principe et voilà ! Quand j’écris très vite, le roman se met en place comme si je lisais l’histoire. Après, je fais un gros travail derrière sur la vérification de la cohérence, recroiser les infos et ramener des détails en amont s’il en manque. C’est plus long et laborieux que la méthode de ceux qui planifient leurs histoires tels des architectes. Des fois, j’ai la fin, mais rien de plus, et je dois trouver comment arriver jusque-là.

Couverture de "Camping Dating" (2015) chez les éditions Milady
Couverture de Camping Dating (2015) chez les éditions Milady

Pour les conditions, je répondrais : comme je peux. J’ai une fille assez jeune, et cela dépend donc beaucoup d’elle. Je travaille et il me faut ménager des pans d’écriture dans le quotidien dès que je peux, mais je me force (sans trop de mal, on devient vite dépendant, quelle que soit la drogue) à la régularité. Sans télé, sinon je suis moins efficace, mais souvent en musique. Le reste est en option (bureau, assise sur un canapé, tête en bas – non, quand même pas –, avec du thé ou pas…).

[FC] : Quels sont tes genres de prédilection ?

Fanny André : Romance, romance érotique, fantastique (pas fantasy et peu de SF, j’ai plus de mal), littérature blanche, BD, mangas, comics, nouvelles… je lis de tout selon moi, même si je dois bien admettre que certains styles sont un peu en queue de peloton, alors qu’en ce moment, le YA et la romance en général arrivent en tête. Cependant, je suis cyclique et peut-être dans deux mois ne lirai-je que des classiques ou du steampunk.

[FC] : As-tu facilement trouvé un éditeur pour tes projets ? Selon toi, les appels à textes et les concours facilitent-ils l’accès à la publication ?

Fanny André : Jusqu’à récemment, j’aurais dit « non » à toutes ces questions. J’ai tenté une dizaine d’appels à texte pour des anthologies, pour « me faire un nom ». Parfois j’étais dans les derniers, ou j’avais de beaux retours du comité de lecture, mais je ne faisais pas partie des élus publiés. Puis, j’ai retenté sur un coup de tête un concours de nouvelles chez Làska l’été 2014, où je me suis classée première. Sûrement boostée, j’ai tenté le concours de HQN avec Camping et, encore plus folle vu mon planning de l’époque, j’ai enchaîné avec la réécriture et soumission de Un amour marqué chez Numeriklivres. Pendant que Camping faisait son chemin et que je me classais deuxième au concours, j’arrivais première chez Numeriklivres… Et tout ça sans sacrifier une vierge ou un bébé poney.
Si Camping n’a pas trouvé son éditeur directement au concours, je suis persuadée que sa carte de visite et le soutien des lecteurs ont aidé à convaincre un autre éditeur. J’ai eu une réponse positive à peine quinze jours après l’envoi du manuscrit.
Donc oui, ça peut vraiment aider et j’ai vu ma situation se débloquer chez trois éditeurs en moins de six mois, comme quoi… Par contre, il faut avoir une certaine rigueur et un brin de folie (ce n’est pas forcément contradictoire). Quand on participe à ce genre d’aventure, on ne gagne pas à tous les coups, il ne suffit pas d’être bon, il faut faire mieux que d’autres et c’est toujours difficile.

À suivre…

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Dix conseils ou astuces pour écrire pour la jeunesse

This entry is part 4 of 4 in the series Dix trucs ou astuces pour...

J’avoue avoir été bien embêtée quand Jo Ann m’a demandé un article au sujet de l’écriture jeunesse. Déjà, parce que le terme « jeunesse » recouvre différentes classes d’âge et qu’écrire pour des enfants d’âge pré-scolaire n’est pas du tout la même chose qu’écrire pour de grands adolescents. Ensuite, parce que si vous cherchez des témoignages d’auteur jeunesse, vous ne trouverez pas deux personnes d’accord à ce sujet.
Et puis je suis tombée sur cet article (en anglais) qui expose les différences entre les diverses littératures jeunesse selon l’âge visé et je me suis dit que je pouvais sans doute extrapoler à partir de là, sachant qu’il n’existe aucune vérité absolue et que pour chacun des points que je vais aborder, vous trouverez sans doute un contre-exemple (surtout qu’il existe des différences entre le monde francophone et le monde anglophone, la littérature francophone étant plus « libre » en la matière que la littérature anglophone, voir cet article sur le sujet).

Je vais reprendre les 4 catégories de l’article, à savoir la classe d’âge « pré-scolaire » (0-5 ans) (je sais, chez nous les enfants vont à l’école dès 3 ans, mais ils ne savent pas encore lire), la classe d’âge « premières lectures » (5-7 ans), la classe d’âge « jeunes lecteurs » (7-12 ans) et enfin « adolescents » (12 ans et +). Ces catégories sont perméables et dépendent de la maturité du lecteur (certains très bons lecteurs de primaire dévorent des pavés alors que nombre de collégiens s’affolent dès que livre dépasse 50 pages).

La première distinction qui s’opère est la longueur du texte. Plus l’âge descend, plus le texte est court et plus il est illustré, les illustrations prenant alors la place du texte. Ceci a un impact sur l’écriture : à partir du moment où une scène est illustrée, il n’est plus nécessaire pour l’auteur de s’étendre sur les descriptions. En découle également le découpage ou non en chapitres, paragraphes, etc. Par exemple, un album a un nombre de pages divisible par 4, ce dont il faut tenir compte pour le structurer.
Se pose également la question du vocabulaire. Plus le lecteur est jeune, plus le vocabulaire employé sera familier, en raison d’un champ lexical plus restreint (ce qui n’empêche pas non plus d’employer des mots compliqués à l’occasion, c’est surtout leur fréquence d’utilisation qui peut poser problème). Évitez de créer un univers très compliqué avec des races et des objets inconnus pour les trop jeunes lecteurs (d’autant que la familiarité est importante à cet âge). De même le rythme est important : plus le lectorat est jeune, plus les phrases seront courtes (pour les plus jeunes, le choix des mots et leur sonorité est particulièrement important).
Toujours dans le style, se pose la question du choix du narrateur. Pour les plus jeunes, la troisième personne, surtout dans les albums est quasi systématique. La première personne tend à gagner du terrain en même temps que l’âge. Dans l’article, il est indiqué troisième personne pour les jeunes lecteurs, il me semble qu’en France la première s’impose davantage, en même temps que la narration au présent. Elle est en tout cas très présente dans la littérature young adult (lecteurs à partir de 15 ans).

Nous abordons ensuite la question du thème. Les enfants jusqu’à un certain âge (on va dire, l’école primaire) sont égocentriques et les récits proposés devront donc pouvoir être reliés à leur vie quotidienne. En même temps, ils sont encore dans l’âge de la pensée magique où tout est possible : rien n’empêche donc dragons, soucoupes volantes et autres de s’inviter dans le quotidien, à condition de rester proche des préoccupations des enfants. Pour reprendre le tableau, les pré-scolaires ont besoin d’un cadre familier : même si vous mettez en scène des cuillères qui parlent, les cuillères ont davantage de chance de s’intéresser au souper du soir qu’à la politique au Moyen-Orient. Pour les premières lectures, rien de trop effrayant, plutôt de l’aventure ou de la comédie. Avec les jeunes lecteurs, on peut plonger dans le combat entre le bien et le mal, l’aventure et un peu de frissons : le monde reste toutefois relativement simpliste (on est à l’âge des bons contre les méchants, les zones grises viendront plus tard).
Avec les plus vieux, tout est permis, les univers sombres (à condition d’avoir une fin heureuse, quand même, on reste en littérature jeunesse) comme les thèmes compliqués (les dystopies en sont un parfait exemple). De même, le niveau de violence doit être adapté au lectorat. Note personnelle (« j’ai testé pour vous ») : si la violence passe relativement bien pour les ados, le sexe, lui ne sera admis qu’à partir du moment où ils auront l’âge d’acheter eux-même leurs livres. Non parce qu’ils n’y pensent pas mais parce que leurs parents, eux, y veillent (et s’inquiètent donc manifestement davantage de voir leurs chérubins lire des scènes hot que des démembrements avec sang et tripes, ne me demandez pas pourquoi).

Sur les enjeux de l’histoire, une simple exploration du monde suffit aux plus petits. Pour les premières lectures, on est assez proche du format de la nouvelle, avec une intrigue et un nombre de personnages resserrés, des enjeux relativement faibles. Ça se complique pour les jeunes lecteurs, qui commencent à envisager le monde dans sa globalité et pourquoi pas, à se voir en sauveurs face à des adultes impuissants (« règle tes problèmes toi-même au lieu de demander à papa et maman »). Enfin pour les ados, on entre dans les problématiques de société et aussi, de trouver sa place dans le monde qui les entoure.
Dit comme ça, ça peut paraître un peu compliqué. En réalité, il suffit de se mettre à hauteur d’enfant. Un peu comme si vous pliiez les genoux ou vous asseyez sur une chaise : le monde autour de vous est exactement le même, c’est l’angle sous lequel vous le regardez qui a changé. Imaginez à présent un voyage raconté par la mère et le même raconté par la fille de sept ans : les événements sont identiques, mais le récit différera probablement de l’une à l’autre parce qu’elles n’auront pas focalisé sur les mêmes éléments. Et le récit sera encore différent dans la bouche de l’aîné de 14 ans ou du petit de 2 ans.
Exemple pratique : l’identification, un thème qui revient souvent dans la littérature jeunesse. Le narrateur doit-il avoir l’âge du lectorat visé ? Dans la majorité des cas, un enfant ou un adolescent recherche la compagnie de ses pairs, davantage que celle des adultes. Il peut exister des exceptions, mais oui, il y a de fortes chances pour qu’il s’intéresse davantage aux problèmes de quelqu’un de son âge que d’un adulte. On conseille cependant souvent de donner au héros âge du lectorat maximal visé + 2 parce que les enfants rêvent quand même de grandir (mais pas trop vite).
À vous de trouvez la bonne hauteur !

Et n’oubliez pas : comme dans toutes les autres formes de littérature, avant d’écrire, il faut commencer par lire le genre que vous visez.

Un peu de bibliographie pour terminer :

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Les auteurs, les mauvaises critiques et l’e-buzz

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CritiqueRégulièrement, nous entendons parler de critiques mal digérées, de mauvaise foi qualifiée et de blogueurs critiqués/censurés. Des auteurs pètent des câbles, des « éditeurs » suivent le pas. Je suis persuadée que chaque internaute a eu vent d’au moins une histoire de perte de pédales. Non seulement on a du mal à accepter les critiques (changez de profession, les gens), mais en plus, à l’ère de l’e-buzz, rien n’est discret. Je pourrais illustrer mes propos avec n’importe quel blogueur francophone, mais j’aimerais montrer jusqu’où ce genre de bêtises peut aller. Et c’est loin.

En mars 2011, le cas du Greek Seaman de Jacqueline Howett a fait le tour de la blogosphère anglophone et a envahi Twitter. En bref, BigAl fait des reviews d’e-books auto-publiés et ce sont les auteurs eux-mêmes qui envoient leurs bébés à l’abattoir. Jacqueline Howett a donc envoyé son roman The Greek Seaman et… catastrophe. Littéralement. D’après lui, l’histoire est bien, mais les fautes de grammaire, d’orthographe et de mise en page rebutent, rendent la lecture pénible.

“(…) the spelling and grammar errors, which come so quickly that, especially in the first several chapters, it’s difficult to get into the book without being jarred back to reality as you attempt unraveling what the author meant. (…) Reading shouldn’t be that hard.”

« (…) les fautes sont si nombreuses, principalement dans les premiers chapitres, qu’il est difficile de plonger dans le livre sans être recraché dans la réalité en essayant de déchiffrer les mots de l’auteur. (…) Lire ne devrait pas être aussi dur. »

BigAl mérite donc des applaudissements rien que pour avoir terminé sa lecture. Beaucoup n’ont pas dépassé les premiers chapitres. Qu’aurait dû faire l’auteur ? Ne pas commenter. Reprendre son roman et le faire corriger par un professionnel. Surtout que le plus dur était déjà fait : d’après BigAl, l’histoire est bonne ! Mais Jacqueline Howett a oublié que les critiques, ça se consomme froid, et a dérapé.

Voici quelques rapides extraits de plusieurs de ses commentaires, supprimés par la suite (vous pouvez aller vous amuser en lisant les 300 autres sur place) :

“Maybe its [sic] just my style and being English is what you don’t get. (…) My writing is just fine! (…) The book is out there doing well without your comments. My first book is great!”

« C’est peut-être mon style et le fait d’être anglaise que vous n’avez pas saisi. (…) Mon écriture est très bien ! (…) Le livre se vend bien sans vos commentaires. Mon premier roman est génial ! »

Donc, voici comment réagit un supposé écrivain qui a elle-même envoyé son livre pour le faire critiquer. Non seulement les arguments sont risibles (« c’est parce que je suis anglaise »), mais les commentaires montrent clairement qu’elle est fâchée avec l’orthographe. Et puisque la critique est mauvaise, Howett veut que Big Al la supprime.

“I want this review removed or its [sic] just considered abuse.”

« Je veux que ce commentaire soit supprimé sinon c’est considéré comme abusif. »

Et pire, elle part sur une attaque personnelle :

“You are a big rat and a snake with poisenous [sic] venom. Lots of luck to authors who come here and slip in that!”

« Tu es un gros rat et un serpent venimeux. Bon courage aux auteurs qui viennent ici et sont pris au piège. »

L’élégance britannique, en somme.

À cause de sa dizaine de commentaires hystériques (c’est le mot), le buzz a vite fait de circuler. On parle de cet auteur comme l’exemple à ne pas suivre ou comment un écrivain ne devrait jamais réagir face à une mauvaise critique.

Chers auteurs, vos lecteurs ont le droit de vous critiquer. C’est dur, parfois injuste, mais un lecteur sera toujours prêt à donner une seconde chance à un quelqu’un qui travaille vraiment dur pour s’améliorer. Dans le cas du Greek Seaman, la romancière s’est attirée la foudre des blogueurs, lecteurs et autres auteurs indépendants parce qu’elle donnait une image non-professionnelle de ce milieu encore marginal. Parmi les commentaires, d’autres blogueurs ont avoué que c’était à cause de romans mal corrigés qu’ils n’acceptaient jamais de lire des livres auto-publiés.

À la fin, les grands perdants sont évidemment les auteurs indépendants qui font correctement leur travail. Parce que Howett continue à se montrer obstinée et le milieu veut vraiment (mais vraiment) la remettre à sa place. Les mauvaises critiques ont explosé sur Amazon UK et Amazon US (le livre a été retiré des deux plateformes), l’affaire est devenue un Trending Topic ((Tendances : les thèmes les plus parlés)) sur Twitter.

Internet est un outil extraordinaire. Vraiment.

Comment éviter ce genre de lynchage qui peut tourner au cauchemar ?

Ne jamais répondre dans le feu de l’émotion : vous ne réfléchissez pas lorsque vous êtes frustré/furieux/ému/triste/etc. Vous pourriez dire des choses que vous regretteriez amèrement.

→ Sachez que vous n’avez pas à vous justifier face à une critique, mais faites comprendre que vous travaillez à vous améliorer. Si vous dites ouvertement que vous vous moquez totalement de ce qu’on peut dire de vous… bonne chance.

→ Si vous n’êtes pas capable d’accepter une critique négative, NE RÉPONDEZ SURTOUT PAS ! Faites semblant de ne pas être au courant et passez votre chemin.

Construisez-vous une carapace, gardez votre sang-froid et continuez à écrire.

Billet précédemment publié le 2 décembre 2012

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