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J’avoue avoir été bien embêtée quand Jo Ann m’a demandé un article au sujet de l’écriture jeunesse. Déjà, parce que le terme « jeunesse » recouvre différentes classes d’âge et qu’écrire pour des enfants d’âge pré-scolaire n’est pas du tout la même chose qu’écrire pour de grands adolescents. Ensuite, parce que si vous cherchez des témoignages d’auteur jeunesse, vous ne trouverez pas deux personnes d’accord à ce sujet.
Et puis je suis tombée sur cet article (en anglais) qui expose les différences entre les diverses littératures jeunesse selon l’âge visé et je me suis dit que je pouvais sans doute extrapoler à partir de là, sachant qu’il n’existe aucune vérité absolue et que pour chacun des points que je vais aborder, vous trouverez sans doute un contre-exemple (surtout qu’il existe des différences entre le monde francophone et le monde anglophone, la littérature francophone étant plus « libre » en la matière que la littérature anglophone, voir cet article sur le sujet).
Je vais reprendre les 4 catégories de l’article, à savoir la classe d’âge « pré-scolaire » (0-5 ans) (je sais, chez nous les enfants vont à l’école dès 3 ans, mais ils ne savent pas encore lire), la classe d’âge « premières lectures » (5-7 ans), la classe d’âge « jeunes lecteurs » (7-12 ans) et enfin « adolescents » (12 ans et +). Ces catégories sont perméables et dépendent de la maturité du lecteur (certains très bons lecteurs de primaire dévorent des pavés alors que nombre de collégiens s’affolent dès que livre dépasse 50 pages).
La première distinction qui s’opère est la longueur du texte. Plus l’âge descend, plus le texte est court et plus il est illustré, les illustrations prenant alors la place du texte. Ceci a un impact sur l’écriture : à partir du moment où une scène est illustrée, il n’est plus nécessaire pour l’auteur de s’étendre sur les descriptions. En découle également le découpage ou non en chapitres, paragraphes, etc. Par exemple, un album a un nombre de pages divisible par 4, ce dont il faut tenir compte pour le structurer.
Se pose également la question du vocabulaire. Plus le lecteur est jeune, plus le vocabulaire employé sera familier, en raison d’un champ lexical plus restreint (ce qui n’empêche pas non plus d’employer des mots compliqués à l’occasion, c’est surtout leur fréquence d’utilisation qui peut poser problème). Évitez de créer un univers très compliqué avec des races et des objets inconnus pour les trop jeunes lecteurs (d’autant que la familiarité est importante à cet âge). De même le rythme est important : plus le lectorat est jeune, plus les phrases seront courtes (pour les plus jeunes, le choix des mots et leur sonorité est particulièrement important).
Toujours dans le style, se pose la question du choix du narrateur. Pour les plus jeunes, la troisième personne, surtout dans les albums est quasi systématique. La première personne tend à gagner du terrain en même temps que l’âge. Dans l’article, il est indiqué troisième personne pour les jeunes lecteurs, il me semble qu’en France la première s’impose davantage, en même temps que la narration au présent. Elle est en tout cas très présente dans la littérature young adult (lecteurs à partir de 15 ans).
Nous abordons ensuite la question du thème. Les enfants jusqu’à un certain âge (on va dire, l’école primaire) sont égocentriques et les récits proposés devront donc pouvoir être reliés à leur vie quotidienne. En même temps, ils sont encore dans l’âge de la pensée magique où tout est possible : rien n’empêche donc dragons, soucoupes volantes et autres de s’inviter dans le quotidien, à condition de rester proche des préoccupations des enfants. Pour reprendre le tableau, les pré-scolaires ont besoin d’un cadre familier : même si vous mettez en scène des cuillères qui parlent, les cuillères ont davantage de chance de s’intéresser au souper du soir qu’à la politique au Moyen-Orient. Pour les premières lectures, rien de trop effrayant, plutôt de l’aventure ou de la comédie. Avec les jeunes lecteurs, on peut plonger dans le combat entre le bien et le mal, l’aventure et un peu de frissons : le monde reste toutefois relativement simpliste (on est à l’âge des bons contre les méchants, les zones grises viendront plus tard).
Avec les plus vieux, tout est permis, les univers sombres (à condition d’avoir une fin heureuse, quand même, on reste en littérature jeunesse) comme les thèmes compliqués (les dystopies en sont un parfait exemple). De même, le niveau de violence doit être adapté au lectorat. Note personnelle (« j’ai testé pour vous ») : si la violence passe relativement bien pour les ados, le sexe, lui ne sera admis qu’à partir du moment où ils auront l’âge d’acheter eux-même leurs livres. Non parce qu’ils n’y pensent pas mais parce que leurs parents, eux, y veillent (et s’inquiètent donc manifestement davantage de voir leurs chérubins lire des scènes hot que des démembrements avec sang et tripes, ne me demandez pas pourquoi).
Sur les enjeux de l’histoire, une simple exploration du monde suffit aux plus petits. Pour les premières lectures, on est assez proche du format de la nouvelle, avec une intrigue et un nombre de personnages resserrés, des enjeux relativement faibles. Ça se complique pour les jeunes lecteurs, qui commencent à envisager le monde dans sa globalité et pourquoi pas, à se voir en sauveurs face à des adultes impuissants (« règle tes problèmes toi-même au lieu de demander à papa et maman »). Enfin pour les ados, on entre dans les problématiques de société et aussi, de trouver sa place dans le monde qui les entoure.
Dit comme ça, ça peut paraître un peu compliqué. En réalité, il suffit de se mettre à hauteur d’enfant. Un peu comme si vous pliiez les genoux ou vous asseyez sur une chaise : le monde autour de vous est exactement le même, c’est l’angle sous lequel vous le regardez qui a changé. Imaginez à présent un voyage raconté par la mère et le même raconté par la fille de sept ans : les événements sont identiques, mais le récit différera probablement de l’une à l’autre parce qu’elles n’auront pas focalisé sur les mêmes éléments. Et le récit sera encore différent dans la bouche de l’aîné de 14 ans ou du petit de 2 ans.
Exemple pratique : l’identification, un thème qui revient souvent dans la littérature jeunesse. Le narrateur doit-il avoir l’âge du lectorat visé ? Dans la majorité des cas, un enfant ou un adolescent recherche la compagnie de ses pairs, davantage que celle des adultes. Il peut exister des exceptions, mais oui, il y a de fortes chances pour qu’il s’intéresse davantage aux problèmes de quelqu’un de son âge que d’un adulte. On conseille cependant souvent de donner au héros âge du lectorat maximal visé + 2 parce que les enfants rêvent quand même de grandir (mais pas trop vite).
À vous de trouvez la bonne hauteur !
Et n’oubliez pas : comme dans toutes les autres formes de littérature, avant d’écrire, il faut commencer par lire le genre que vous visez.
Un peu de bibliographie pour terminer :
- Une analyse de la littérature young adult sur Slate.
- Ecrire pour la jeunesse, par Cindy Van Wilder.
- Un témoignage d’Agnès Marot.
- Ecrire un album jeunesse, liste de conseils.
- Table ronde sur le polar jeunesse, compte-rendu.
- 5 conseils par Clémentine Beauvais (le blog est un must-read!)
- Deux témoignages d’auteurs jeunesse sur la Mare aux mots.