Sur [Espaces Comprises], nous avons tous notre façon de faire : Alice est très carrée lorsqu’elle décortique les textes de loi ; Kanata est très scientifique avec schémas et tableaux à l’appui ; Vanessa est très étude de marché, elle compare tout à tout. Dans le groupe, je suis la moins méthodique : mes articles sont surtout des chroniques, voire des coups de gueule qui se veulent respectueux. Aujourd’hui, cela ne risque pas de changer.
J’ai un peu marre des éditeurs qui sont en réalité des imprimeurs ou des codeurs, qui ne font pas leur travail avant de (ba)lancer leurs auteurs. Il n’y a pas un seul écrivain, petit, moyen ou gros, qui puisse se permettre de publier un texte tel qu’il l’a écrit. Non, ça ne fonctionne pas comme ça. Un premier jet est un premier jet avec ses forces et ses faiblesses (surtout ses faiblesses). C’est pour cette raison qu’on relit, qu’on réécrit (des parties ou entièrement), qu’on corrige et qu’on fait corriger. Cela s’appelle « respect du lecteur » (en plus du respect de soi en tant qu’écrivain : les mots sont notre outil de travail, respectons-les !). Il y aura toujours des coquilles, toujours cette faute démoniaque que personne n’a vue malgré les quinze relectures et qui, soudain, ressemble à un éléphant sur le papier imprimé ou sur le fichier numérique publié. Mais entre les coquilles inévitables (ne cherchez pas la perfection, une phrase peut être réécrite de différentes manières selon l’humeur du jour) et un texte qui n’a visiblement pas passé le stade du détecteur de fautes intégré de votre logiciel, il y a un monde.
Lors d’une formation au métier de correcteur, vous avez droit à des textes truffés de fautes, les unes les plus diaboliques que les autres, à tel point que c’est presque un miracle de corriger 80 % de la copie. Parfois je tombe sur un livre (publié à compte d’éditeur, semble-t-il) où j’ai la nette impression d’avoir affaire à ces fameux tests. Comment, dans quel univers, basé sur quelle intelligence, ce manuscrit est-il passé tel quel ? Comment, dans quelle dimension, l’éditeur n’a-t-il pas corrigé 1) la forme et 2) le fond ? Non, parce que, non seulement c’est mal écrit (à ce stade, hein), mais il y a des incohérences tout le long ! Attendez, si notre antagoniste est un cyclope, comment se fait-il que l’on parle de ses yeux un paragraphe plus loin ? Si on prend la fuite dans la seconde sans réfléchir à rien, comment se fait-il que l’instant d’après, le héros ait droit à un sac à dos façon Mary Poppins ? Où est passé l’éditeur ? Vraiment ? Et comment ose-t-il vendre ces textes encore au stade de premier (ou deuxième) jet à des lecteurs (pour ensuite s’indigner des critiques) ? Comment veut-on être respecté en tant qu’éditeur lorsqu’on ne se donne pas la peine de l’être ?
Sachez, messieurs et mesdames « éditeurs » que vous ne servez pas la littérature.
(Non, quand l’histoire est superbe, les fautes ne sont pas, ne seront jamais secondaires. À moins de vouloir payer les soins ophtalmologiques des gens qui respectent encore la langue, et j’ose espérer qu’ils sont encore une majorité.)
Je ne savais pas trop quoi penser de cet article quand j’ai lu son titre, mais après avoir tout lu, je me suis rendu compte qu’il ne prenait pas forcément le mot « éditeur » au sens légal et exact du terme, ce en quoi je suis pleinement d’accord. Il existe des auteurs auto-édités qui n’ont pas de faute dans leur manuscrit, dont la mise en page est très professionnel ; ceux-là mérite plus le nom d’ « éditeur » que certains éditeurs « légaux » à compte d’éditeur, qui publient les textes avec davantage de fautes que de mots bien écrits (et j’en ai vus aussi).
En français, on ne fait pas la différence entre « editor » et « publisher », ce qui est dommage. Mais je parle bien d’éditeurs qui publient à compte d’éditeur. Et je suis d’accord pour certains écrivains indépendants. 🙂
« Sachez, messieurs et mesdames « éditeurs » que vous ne servez pas la littérature »
C’est d’autant plus vrai que le monde de l’édition ne se porte pas très bien, je pense qu’il n’a vraiment pas besoin de ça… 🙁
Tu l’as dit…
C’est vrai que quand on voit certains livres, ça pique un peu les yeux…
« … c’était un capitaine, le bras gauche arraché, le flanc droit percé jusqu’à la cuisse (…) qui se traînait sur les coudes » (Emile Zola, La débâcle ).