Correction

Comment réduire son texte sans l’altérer (mise à jour, mai 2016)

Jeune auteure belge, Oriane nous propose ses trucs et astuces pour réduire son texte sans l’altérer. Elle est, entre autres, animatrice d’ateliers d’écriture et d’oralité, organise et coordonne des événements axés sur la poésie et le slam.
Cette compilation a été publiée une première fois sur le blog de feu le forum Le Co-Lecteurs.
(NB : les exemples sont retirés de son propre manuscrit.)

1) Les définitions bien cachées

Plusieurs mots peuvent tout simplement signifier un seul.

Elle cherchait des éléments de réponse qui lui permettraient de faire le tri entre sa quête de compliments, et les pensées réelles de Denis.

Ici, « éléments de réponse » = indices. Donc, cela devient :

Elle cherchait des indices qui lui permettraient de faire le tri entre sa quête de compliments, et les pensées réelles de Denis.

2) Suppression d’actions évidentes

Il y a des choses qu’on note, et puis il faudrait être capable de se dire que le lecteur a un cerveau.

Elle profita de ce moment de répit pour se détendre, avant d’entamer le sujet qui la préoccupait.

D’office, le lecteur va comprendre qu’elle entame le sujet qui la préoccupe, sur les lignes suivantes… Bref, je décris une action qui a déjà bel et bien lieu, dans l’écriture, même si elle n’est pas décrite avec les mots.

3) Tout est relatif…

« c’est… qui… »
Parfois, les phrase débutant avec « c’est » et un « qui » au milieu nous viennent à l’esprit, sans songer qu’ils s’annulent presque. Observez :

C’est cette force dans le regard qui vous donne un air rêveur…

Cette force dans le regard vous donne un air rêveur…

Alors à moins que l’insistance soit de mise, veillez-y. Autre exemple :

Ce n’est pas votre famille qui est sur cette photo, que je sache.

Ce n’est pas votre famille sur cette photo, que je sache.

Autre suppression du « qui » ou « que », avec les verbes. De manière générale, on emploie trop de qui-que-quoi dans un premier temps, il faut les remettre après en question. Souvent, vous avez vu, ils sont superflus. Une seule phrase, avec plusieurs pronoms relatifs, devient vite lourde. À employer avec parcimonie.

4) Les compléments qui ne complètent rien

Temps, forme, lieu… Il est parfois inutile de rappeler que le personnage est dans une cuisine alors qu’il goûte un plat, ou de mettre, comme j’ai eu la bêtise de le faire…

Il se tut un temps, dos tourné à Lena.

« un temps », ça veut dire quoi, « un temps » ? On se doute qu’il ne se tait pas durant une heure… sinon on l’aurait précisé.
Il faut toujours se souvenir qu’une précision n’est nécessaire que si elle sort des archétypes du lecteur. On ne va pas dire qu’un ballon est rond, le lecteur se l’imagine tel quel quand on dit « ballon », mais on va préciser s’il est plat. Les pléonasmes se cachent parfois mieux que le « petit nain ».

5) Être ou ne pas être…

Nous abusons du verbe être. Et d’autre verbes « ternes » aussi : faire, avoir… M’enfin, « être », c’est le plus vicieux. Il est tellement petit, tellement passe-partout. Voyez, je n’avais même pas songé à cela :

Lena était derrière la porte-fenêtre. Elle guettait son arrivée, une tasse à la main…

Derrière la porte-fenêtre, Lena guettait son arrivée, une tasse à la main…

Ce petit « était » avait ralenti mon rythme plus que je ne l’imaginais ! Attention, donc.

6) Vous en reprendrez peut-être une couche ?

Quand on veut faire peur, rendre triste, enfin les émotions bien vives, les superlatifs ne sont pas juste des « très » « un peu » « trop » en trop. Il y a aussi l’art de répéter l’émoi sur plusieurs phrases, instant où le lecteur se dira sans doute « bon ça, j’ai compris, hein ! », mais pas nous…
Voyez, après des dizaines de correction, je me retrouve à isoler cette phrase, perplexe :

…amena sa peur à son maximum : il courut à pleine vitesse hors de cette pièce maudite.

Autant écrire ceci :

…amena sa peur à son maximum : il courut hors de cette pièce maudite.

Au début, on est pris dans l’émotion à transmettre, mais une fois transmise, nul besoin de grossir tout le temps les traits.

7) Oh, mince ! Vous avez dû oublier !

On aime bien dire un truc que le lecteur a vécu. On ‘sait jamais, en deux chapitres, il a sans doute oublié le contenu de l’un d’eux ! Mais oui ! Bon, c’est un peu exagéré, non ? Mais on ne peut pas s’en empêcher, on veut tellement faire retenir tous les détails de son scénario trop bien ficelé ! Ce qui peut donner des choses telles que :

Lena avait décidé de cuisiner pendant quelques jours, vu que Denis avait géré tous les repas durant sa période de maladie.

Au début, on se dit, c’est bien de donner le pourquoi du comment de tout. Mais en fait, le lecteur, il était là durant le congé maladie, il a tout vu. Au mieux, contentons-nous de donner la période de référence, mais y redire ce qui a été fait, c’est une perte de temps et de place sur sa page.

Lena avait décidé de cuisiner pendant quelques jours, pour rattraper sa période de maladie.

8) Tourne la phrase sur son meilleur profil

Un même passage, avec une tournure à laquelle on pense d’abord, peut être réduit simplement en changeant les dispositions.

…il est difficile de l’approcher de près.

devient :

…l’approcher de près est difficile.

Et hop ! Un « il » et un « de » en moins !

9) Deux phrases pour le prix d’une

On aime tellement mettre des points, faire court, des phrases qui ne font pas une ligne sur Word… mais parfois, cela engendre des verbes inutiles.

Le cercle était sans fin. Il fallait le briser au plus vite pour leur bien.

Il fallait briser au plus vite ce cercle sans fin, pour leur bien.

10) Mais pourquoi pour ?

Parfois les « pour » sont un inutile réflexe.

Lorsqu’il revint pour souper avec les trois sœurs,…

Lorsqu’il revint souper avec les trois sœurs,…

11° Je peux, dites ? Non, tu dois !

Les verbes « pouvoir » et « devoir » se glissent parfois comme une hésitation de l’auteur discipliné, plutôt qu’une nécessité dans le texte. Exemple relevé dans le tome 2 de ma trilogie :

Le collègue doit d’abord mettre des arrivants sur le côté, le temps de sortir avec des gants le contenu du sac.

Le collègue met d’abord des arrivants sur le côté, le temps de sortir avec des gants le contenu du sac.

Comme on peut le voir, pardon !, comme on le voit ici, la phrase s’allège sans perdre du tout l’intention, une fois ce « devoir » viré. Car il est évident qu’en mettant ces personnes de côté, il fait ce qu’il doit.

À vos corrections !

Publié le 21 janvier 2015
Mis à jour le 15 mai 2016

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4 réponses à Comment réduire son texte sans l’altérer (mise à jour, mai 2016) incluant les trackbacks et les pings.

  1. Je partage absolument, ces remarques je les fais à mes bêta-lus. L’article ne parle pas du verbe « faire »… mais je constate souvent qu’il est sur-utilisé par pas mal d’écrivains et comme être, il se cache très bien dans les textes… quand il n’est pas en plus utilisé à contre-emploi (« Il s’est fait tuer » par exemple…)… par contre, je reste sur ma faim avec le titre, j’espérais l’outil qui permettrait à partir d’une sage de la réduire au format un tome, puis une novella, une grande nouvelle, une petite nouvelle, une micro-nouvelle et même un « pépin »… dommage 😉

  2. Larjean Laure-Saliha Ragad a dit :

    Merci pour les conseils, je vais relire mon roman et l’alléger!

  3. Jean-Albert a dit :

    Salut !
    Donc, le meilleurs bêta lecteur serait… d’abord nous même ?
    Après avoir écris mes « (525000 caractères espaces compris) » qui est un exploit dont je suis très fier. Il me faut relire
    Avec un œil expert, et enlever tout ce qui est en trop ? Mais j’aime toutes mes phrases moi, même bourrées fautes !

    Bon, j’ai arrêté le tome 2, et commencé une relecture du premier (j’ai écris tout ça moi ?)

    Mais en fait, c’est plutôt compliqué ! Qu’es ce qui me dit, que cela est mauvais et que je relis pour rien ?

    Bien à vous. JAM

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