Témoignages

Du travail, un peu de chance et beaucoup de talent : une interview de Fanny André (2/2)

[FC] : Peux-tu nous parler du travail que tes éditeurs t’ont demandé sur tes textes, des fameuses corrections éditoriales ? Est-ce que c’est ce à quoi tu t’étais attendue ?

Fanny André : Oui et non. J’ai finalement trouvé l’exercice proche du travail fait en bêta-lecture, mais pas que. Selon les éditeurs, le travail a été assez différent. Cela va de la coquille, la faute relevée, jusqu’à une phrase ou un passage maladroit à reformuler. L’intérêt du travail du texte avec l’éditeur me semble vraiment prendre deux formes :

  1. Quand l’éditeur soulève une incohérence, l’impression d’une relation qui se précipite, d’un évènement qui manque et vous dit « Cet endroit pourrait permettre une scène en plus ». Là, il vous aide à rajouter un maillon à la chaîne, et cela vient vraiment de ce regard extérieur qui nous manque sur nos textes quand on a bossé dessus des heures. Je ne l’ai pas encore rencontré, mais je pense qu’à l’inverse, il y a souvent des coupes quand un texte est long. Certains paragraphes entiers se révèlent parfois des redites sans qu’on s’en rende compte.
  2. Un travail de lissage : le texte en lui-même n’est ni coupé ni rallongé, mais on en est au moment où on lisse la sculpture, on ponce le bois, on passe le vernis… (J’ai dit que j’avais suivi un cursus artistique.) Je me suis retrouvée à chipoter pendant cinq minutes sur un « du » ou un « le », sur un adjectif (On change, on enlève ?)…

J’ai vécu ces deux aspects sur mes corrections éditoriales. Peut-être tout simplement parce que les textes étaient différents. Les deux me semblent complémentaires, mais le premier point permet un dernier adieu aux personnages et j’ai bien aimé cet aspect (alors qu’à l’origine, j’étais persuadée que je n’arriverais pas à me replonger dans le livre et à ressortir une scène qui ne dénote pas).

Couverture d'Un amour marqué (2015) chez les éditions Numeriklivres

Couverture d’Un amour marqué (2015) chez les éditions Numeriklivres

[FC] : As-tu des projets d’écriture ou d’autres publications prévues pour cette année ?

Fanny André : Oui. Normalement, il y aura la nouvelle à paraître chez Láska (celle qui a gagné le concours donc) et une autre romance pour cet automne chez Milady.

[FC] : Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui débute dans l’écriture ?

Fanny André : En ce moment, je suis souvent contactée sur ce sujet. Les gens doivent me confondre avec Bernard Werber, peut-être qu’on a la même adresse mail ! C’est assez étrange à vivre quand on n’a pas l’impression d’avoir trouvé le sésame magique pour autant, que comme tout le monde, on a des livres en soumission et qu’on croise les doigts de pied, car il nous faut les mains libres pour continuer notre tapuscrit en cours.

  1. Je pense qu’il faut être patient et persévérant.
  2. Se renseigner (on peut le mettre en gras ? Il me semble que ça compte à 50 %, 49 % de travail et 1 % de « Inch’Allah »). Ne pas signer n’importe où les yeux fermés en se disant : « Tant pis, je veux être lu, je ne vais pas me renseigner sur les types de contrats qui se pratiquent, négocier quoi que ce soit… », certaines maisons sont de belles arnaques ! Si on fonce tête baissée en se disant « Je serai publié en six mois, ça va le faire », vous êtes génial ou ça va être compliqué selon moi. Et continuez à croire en vous, évitez de signer chez un éditeur qui ne vous fait qu’à peine envie en vous disant « Je n’arriverai pas à mieux ». Si vous ne croyez pas en vous, qui va le faire ?
  3. Cherchez de l’aide et des bêta-lecteurs, on n’y arrive pas sans cela. Il ne faut pas qu’une copine qui aime votre style, au contraire, prenez quelqu’un prêt à vous bousculer : déjà, ça fait avancer et ça blinde un peu. Les lecteurs ne seront pas plus tendres, ils seront pires ! Votre bêta a la gentillesse de vous ménager, même quand il vous rudoie, et il a conscience du boulot. Il faut une personne capable de comprendre votre style, mais pas forcément qui vous ressemble, au contraire. Et sachez camper sur vos positions quand on vous pousse à changer ce qui compte à vos yeux et fera vraiment le sel de l’histoire. La balance entre la remise en question et le doute inutile est complexe.
  4. Il ne faut pas croire qu’un premier jet tient la route. Le rebosser. Beaucoup. Beaucoup. Aller sur les forums comme Mille-Feuilles, Cocyclics, même si au départ ça froisse un peu (beaucoup, passionnément, c’est selon) l’ego. Et la dernière fois qu’on m’a demandé, j’ai donné le lien d’Espaces Comprises (en vrai, hein, pas juste pour faire bien pour l’interview).
  5. Finir par envoyer le manuscrit. Certains n’arrivent jamais à cette étape et quelque part, il y a un vrai problème de fond dans ce cas. On écrit pour être lu (lapalissade, mais pas tant)… Ou il faut être honnête avec soi-même et se dire qu’on écrit pour remplir un disque dur ou un tiroir, au choix. Si on écrit des chefs-d’œuvre, ou, plus probablement mais c’est bien aussi, des œuvres potables qu’on n’envoie jamais (ou qu’on ne finit jamais, ça marche aussi), il me semble que c’est dommage. On n’écrit pas tous Harry Potter du premier coup (j’assume totalement ma référence), mais ce n’est pas une condition pour avoir le droit d’envoyer un texte. On m’a déjà posé la question « Et si personne ne veut de mon livre ? » Alors peut-être y a-t-il encore du travail. C’est le jeu. Et même si un éditeur vous dit « Mettez-vous au macramé, vous perdrez moins de temps ». Déjà, méfiez-vous, cette activité dénote de drôles de goûts. Plus sérieusement, cet éditeur est-il le seul au monde à pouvoir émettre un avis ou à avoir raison ? Peut-être un de ses confrères dira le contraire. Mais peut-être pas sur ce projet-là, c’est possible aussi. C’était peut-être vos gammes, et le reste est à écrire.

Même si ça devient très long comme réponse, dernière chose, dite par Anne Rossi pour le coup : Le temps de l’éditeur n’est pas le même que le nôtre. Alors qu’on trépigne d’impatience devant sa boîte mail, qu’on expérimente une drôle de distorsion du temps… on finit par se poser et prendre un thé. Il le faut ! Les nouveaux projets sont là pour ça. J’ai lu une intervention de Nadia Coste qui disait en substance : se faire éditer ressemble au bout du chemin, mais ce n’est que le début. Au final c’est très vrai (même si forcément on est impatient d’en arriver là, je le sais bien !).

[FC] : Si tu as envie d’ajouter quelque chose, je te laisse le mot de la fin…

Fanny André : Je m’étais promis de répondre en mode sérieux et cela semble un peu raté. La prochaine fois… ou pas. Merci pour cette interview et pour le reste, Florence ! (J’ai décidé de finir de façon grave originale, pour marquer les esprits.)

[FC] : J’aurais bien intitulé ton interview « Du travail, un peu de chance, beaucoup de talent et une bonne dose d’humour », mais j’ai eu peur que ça fasse trop long ;). Merci pour tes réponses, Fanny !

Fanny André : Et tu aurais même pu ajouter « et beaucoup de parenthèses »… Puis quand on voit la longueur de mes réponses, un peu plus, un peu moins…

Facebook de Fanny André

Site de Fanny André : lien

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