Correcteur, un métier obsolète – 1ère partie

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Ce titre vous choque ? Moi aussi. C’est pourtant ce que j’entends régulièrement autour de moi… Récemment, sur Facebook, quelqu’un (un tantinet provocateur, à mon avis) a lancé à la ronde qu’un correcteur ne servait plus à rien depuis qu’il y avait des logiciels de correction orthographique. Oui. D’ailleurs, dans le même ordre d’idée, je vous annonce que les architectes ne servent plus à rien depuis qu’on peut télécharger gratuitement des programmes d’architecture 3D et faire sa propre maison en quelques clics.

La correction est un métier. Qui s’apprend. Alors quand j’entends des éditeurs me dire « non, mais tu comprends, c’est vrai que tu nous fais un bon prix, mais j’ai une amie prof de français qui… La secrétaire de mon beau-frère est super bonne en orthographe et… », ça me crispe un peu. Vous imaginez le même dialogue transposé dans un métier plus « manuel » ? « Non, mais vous comprenez, Monsieur le terrassier, mon petit-fils a coulé une fois une dalle de béton pour son hamac, alors ma terrasse, là… » « Mon cousin a une scie, il va pouvoir me couper mes planches et me faire ma toiture… ». Allez, une dernière : « mon petit frère sait utiliser Photoshop, regardez, d’ailleurs il a fait un super montage photo, là, c’est lui qui va s’occuper des couvertures des prochains romans, pas besoin d’engager un graphiste, parce que vous savez, maintenant, avec Photoshop, tout le monde peut faire une couverture, ahahah ». Ah non, celle-là, elle est bien réelle…

Mais au juste, que fait le correcteur ?

Bref, revenons-en à la correction. Parce que derrière ce que beaucoup considèrent comme un simple substitut humain à un logiciel orthographique bien moins cher se cache un vrai métier. Un correcteur va, évidemment, s’occuper de vérifier la grammaire et l’orthographe d’un texte (ça, vous vous en doutiez un peu, je pense), mais il va également se charger de tout ce qui est typographie (où faut-il mettre une majuscule, où n’en faut-il pas, est-ce que ce mot est en italique ou en romain, est-ce une espace sécable ou une espace insécable, faut-il des tirets à cet endroit…). Déjà, l’amie prof de français et la secrétaire du beau-frère commencent à pédaler un peu, là. Un correcteur vérifie aussi le fond en lui-même, en plus de la forme. Les faits sont-ils corrects ? Telle date historique est-elle juste ou pas ? Est-ce bien Trucbidule qui a gagné le marathon intervillages de 1972 ? (Bon, je ne sais pas si un marathon intervillages existe, mais vous voyez ce que je veux dire.) Quelle est la température d’ébullition de l’eau à 3 500 mètres d’altitude ? Le Coca-cola existait-il en 1918 ? Est-il logique qu’un personnage touché à l’artère fémorale cavale encore deux heures après ?

Vous l’aurez compris, un correcteur, c’est un peu le guichet d’information universel. Il doit emmagasiner énormément de connaissances, dans des domaines très différents. Après, il existe des correcteurs spécialisés dans diverses branches un peu pointues, genre la médecine ou le droit.

Un correcteur va également vous signaler des problèmes de cohérence. Vous venez d’écrire que deux mois se sont passés depuis l’anniversaire de votre héros fin juin et il sort pour découvrir un paysage couvert de neige et des décorations de Noël sur les fenêtres ? Normalement, un éditeur devrait relever ce genre de choses, mais ce n’est pas toujours le cas, et le correcteur est là comme dernier « filtre » avant le lancement public de l’ouvrage. Certes, l’exemple que je viens de citer est un peu extrême, mais moins que ce que l’on trouve malheureusement dans certains romans…

Un correcteur est avant tout un lecteur, et en tant que tel, il peut tout à fait être choqué par la tournure d’une phrase ou l’autre, par le comportement complètement aberrant d’un personnage. Pour ma part, je le signale dans la marge, avec des suggestions de réécriture (volontairement « basiques », car mon but n’est pas de m’immiscer dans le texte et de diriger l’écriture de l’auteur, mais bien de lui donner une direction différente à explorer, s’il le souhaite) ou mes impressions sur une scène ou un bout de dialogue qui m’ont dérangée. Certains auteurs pourraient crier au scandale, dire que ce n’est pas mon rôle, que c’est leur œuvre, que je n’ai pas le droit d’y toucher, etc., après, c’est comme ils veulent, ils peuvent choisir de ne rien changer. Mais comme je l’ai dit, un correcteur est avant tout un lecteur. Si quelque chose l’a profondément dérangé pendant sa lecture, il serait bon que l’auteur lui accorde quelques minutes avant que ce même quelque chose ne dérange les milliers de lecteurs potentiels.

Pourquoi engager un correcteur…

Le correcteur est, à mon sens, un élément essentiel de la chaîne du livre. Tout aussi essentiel qu’un graphiste. Une maison d’édition ne fera pas l’impasse sur une couverture (encore que, parfois… on se demande), parce que c’est ce qui va attirer le lecteur. Ça se comprend, évidemment. Dans une démarche purement commerciale, on veut vendre, on veut que le chaland achète. Après, si la qualité est mauvaise, on s’en fout, le livre est vendu. Oui, mais non. Car non seulement le lecteur est desservi, mais l’auteur aussi, et les autres auteurs de la même maison d’édition le sont également. Si vous achetez un roman, que vous l’ouvrez, qu’il est bourré de coquilles, d’incohérences, de phrases lourdes, et que de peine et de misère vous parvenez à la fin, allez-vous recommander cet auteur à vos amis ? Allez-vous mettre une bonne critique sur un site ? Allez-vous acheter des romans du même auteur ? De la même maison d’édition ? Chat échaudé craint l’eau froide. Personnellement, si j’achète quelque chose au magasin, dans un joli emballage, et que quand je l’ouvre, je vois que c’est de la très mauvaise qualité, le genre qui va se casser après deux utilisations, je vais aller gueuler. Les gens commencent à avoir ce réflexe pour les livres : ils vont gueuler sur les sites de critique.

Le problème du marché actuel

De nos jours, les éditeurs veulent investir de moins en moins. Certes, le marché du livre se casse la figure, les livres ne se vendent pas, il est difficile de rentabiliser une couverture (alors un correcteur, pensez-vous !)… Du coup, on fait un joli emballage, et derrière, l’objet est bien là, mais il n’est pas aussi bien fini qu’avant. C’est d’autant plus vrai avec les éditeurs exclusivement numériques. Avec un prix tournant autour des 6 €, c’est très difficile de dégager assez de bénéfices une fois qu’on a retiré la part du libraire et la part de l’auteur pour payer une couverture et un correcteur. Donc c’est le correcteur qui part en premier (la prof de français, la secrétaire du beau-frère, la petite sœur en prépa littéraire seront trop heureux de le remplacer). Le graphiste est souvent payé à coup de lance-pierres. L’auteur aussi, notez bien.

Malheureusement, on va de plus en plus vers un marché de livres « low-cost », vaguement relus, avec une couverture créée en deux coups de cuillère à pot, et je ne vais même pas me lancer sur le sujet de la qualité du travail éditorial, car cela nécessiterait un article entier. C’est dommage, mais je dois dire qu’il n’y a pas vraiment de solution.

Quand je vois des livres publiés par de petites maisons qui contiennent quelques fautes ou des coquilles, je suis indulgente. Quand je vois d’autres livres, publiés par de grandes maisons d’édition qui ont clairement les sous pour payer un correcteur, bourrés de fautes, avec un travail éditorial très limite, je trouve ça inadmissible. Éditeurs, respectez vos lecteurs (et vos auteurs, mais ça, logiquement, ça va de soi) !

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Un éditeur n’est ni un imprimeur ni un codeur

Sur [Espaces Comprises], nous avons tous notre façon de faire : Alice est très carrée lorsqu’elle décortique les textes de loi ; Kanata est très scientifique avec schémas et tableaux à l’appui ; Vanessa est très étude de marché, elle compare tout à tout. Dans le groupe, je suis la moins méthodique : mes articles sont surtout des chroniques, voire des coups de gueule qui se veulent respectueux. Aujourd’hui, cela ne risque pas de changer.

J’ai un peu marre des éditeurs qui sont en réalité des imprimeurs ou des codeurs, qui ne font pas leur travail avant de (ba)lancer leurs auteurs. Il n’y a pas un seul écrivain, petit, moyen ou gros, qui puisse se permettre de publier un texte tel qu’il l’a écrit. Non, ça ne fonctionne pas comme ça. Un premier jet est un premier jet avec ses forces et ses faiblesses (surtout ses faiblesses). C’est pour cette raison qu’on relit, qu’on réécrit (des parties ou entièrement), qu’on corrige et qu’on fait corriger. Cela s’appelle « respect du lecteur » (en plus du respect de soi en tant qu’écrivain : les mots sont notre outil de travail, respectons-les !). Il y aura toujours des coquilles, toujours cette faute démoniaque que personne n’a vue malgré les quinze relectures et qui, soudain, ressemble à un éléphant sur le papier imprimé ou sur le fichier numérique publié. Mais entre les coquilles inévitables (ne cherchez pas la perfection, une phrase peut être réécrite de différentes manières selon l’humeur du jour) et un texte qui n’a visiblement pas passé le stade du détecteur de fautes intégré de votre logiciel, il y a un monde.
Lors d’une formation au métier de correcteur, vous avez droit à des textes truffés de fautes, les unes les plus diaboliques que les autres, à tel point que c’est presque un miracle de corriger 80 % de la copie. Parfois je tombe sur un livre (publié à compte d’éditeur, semble-t-il) où j’ai la nette impression d’avoir affaire à ces fameux tests. Comment, dans quel univers, basé sur quelle intelligence, ce manuscrit est-il passé tel quel ? Comment, dans quelle dimension, l’éditeur n’a-t-il pas corrigé 1) la forme et 2) le fond ? Non, parce que, non seulement c’est mal écrit (à ce stade, hein), mais il y a des incohérences tout le long ! Attendez, si notre antagoniste est un cyclope, comment se fait-il que l’on parle de ses yeux un paragraphe plus loin ? Si on prend la fuite dans la seconde sans réfléchir à rien, comment se fait-il que l’instant d’après, le héros ait droit à un sac à dos façon Mary Poppins ? Où est passé l’éditeur ? Vraiment ? Et comment ose-t-il vendre ces textes encore au stade de premier (ou deuxième) jet à des lecteurs (pour ensuite s’indigner des critiques) ? Comment veut-on être respecté en tant qu’éditeur lorsqu’on ne se donne pas la peine de l’être ?
Sachez, messieurs et mesdames « éditeurs » que vous ne servez pas la littérature.

(Non, quand l’histoire est superbe, les fautes ne sont pas, ne seront jamais secondaires. À moins de vouloir payer les soins ophtalmologiques des gens qui respectent encore la langue, et j’ose espérer qu’ils sont encore une majorité.)

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Qu’est-ce que l’originalité dans une histoire ?

J’ai entendu plus d’une fois des jeunes auteurs se présenter sur les fora d’écriture en commençant par : « Mon livre parle d’une histoire d’amour impossible/d’une prophétie/d’un orphelin qui travaille dans une ferme… (rayez la mention inutile), oui, je sais que ce n’est vraiment pas original, c’est nul, je suis désolé. » Nul ? Désolé ? Et puis quoi encore ? Il serait peut-être temps de tordre le cou à certaines idées reçues qui se propagent dans certains petits milieux de l’écriture et qui découragent ceux qui débutent.

Tout d’abord, soyons clairs, vu le nombre de livres qui existent actuellement, vous pouvez être sûr que le thème de votre roman a déjà été abordé par quelqu’un d’autre. Si, si. Forcément. Navrée. 😛
Entrons maintenant sans plus tarder dans la vraie question : le thème de l’histoire doit-il absolument être original pour donner de l’intérêt à un roman ?
Ne tournons pas autour du pot, la réponse est NON. Et je l’illustre immédiatement :

Prenons le thème qui est probablement le plus récurrent dans les genres de l’imaginaire actuels : un jeune orphelin élevé par sa tante découvre que ses parents étaient des gens extraordinaires, puis s’entoure d’amis pour accomplir une quête, et en plus, il y a une histoire de prophétie.
Alors, qui avez-vous reconnu ?

  • Harry Potter ?
  • Star Wars ?
  • Les chants de la Belgariade ?
  • Eragon ?
  • One Piece ???

Tous les cinq répondent à ce pitch et pourtant, il serait bien difficile de comparer ces cinq histoires !
Allez, un autre exemple : un vieux sorcier décide d’aider un homme de sang royal à gagner sa couronne et il y a aussi une histoire de prophétie. C’est quiiiiii ?
Vous avez pensé à :

  • Merlin l’Enchanteur ?
  • Les chants de la Belgariade (encore !) ?
  • Le Seigneur des Anneaux ???

Et vous trouvez que ces histoires se ressemblent ?
Un dernier exemple pour les sceptiques : deux jeunes gens fous amoureux voient leur famille grincer des dents devant leur amour (fastoche, ça !). Alors ?

  • Roméo et Juliette ?
  • Twilight ?
  • Pocahontas ???

(Je m’arrête là, hein ?)

Je vous passe les exemples de vampires pas si méchants que ça et tellement sexy, ou les gens qui découvrent une nouvelle civilisation derrière le mur de leur garage/en passant un portail magique/en arrivant sur une autre planète…

Conclusion n°1 :

Non, les prophéties, ce n’est pas le mal.

Conclusion n°2 :

Clairement, l’originalité d’une histoire ne se cache pas dans sa trame. Alors où ?

Je crois que l’originalité, c’est l’auteur lui-même. C’est sa plume, c’est la façon dont il traite le thème décliné.
Certes, Merlin et Gandalf suivent la même route en aidant Arthur et Aragorn à monter sur le trône qui leur revient, mais ils n’ont pas la même personnalité, pas la même vie, pas les mêmes personnages qui gravitent autour d’eux, pas la même époque, pas les mêmes moyens. Ils ne s’expriment pas de la même façon car, à travers leurs paroles, c’est l’auteur qui parle. Et ça, c’est unique.
Bien entendu, si vous décidez d’écrire l’histoire d’un petit garçon malheureux qui découvre qu’il est sorcier, qui va dans une école de sorciers, qui a un meilleur ami roux et une meilleure amie première de classe, avec un grand méchant qui lui en veut personnellement et un vieux directeur qui s’appelle Dumbledargent, ça risque de coincer.
En dehors de ça, tout est bon !

Ah oui, dernier point : quelle que soit l’originalité que vous pensiez mettre dans un récit, il y aura toujours des gens pour dire : « Dingue comme ça me rappelle XXXX ! » ou « Sympa le clin d’œil à YYYY ! ». Et vous, vous vous sentirez tout bête parce que vous ne connaissez pas XXXX et que vous n’avez pas lu YYYY. J’ai vécu ça quand ANIMAE est sorti, ça m’a fait un drôle d’effet ! 😆
Alors on arrête de se poser des questions et on écrit. Ce que l’on fait et la façon dont on le fait, il n’y a que nous qui sommes capables de le faire.   😉

Article du 29 mai 2013

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Bibliothécaire = passeur de livres et de savoirs

Aujourd’hui, j’avais envie de vous parler du métier situé tout au bout de la chaîne du livre, celui de bibliothécaire. Cela fait une dizaine d’années que je travaille en bibliothèque, et je me suis rendu compte que les gens ont souvent une vision stéréotypée de cette profession. Je souhaitais donc vous présenter la mienne, même si celle-ci est aussi sûrement influencée par ma propre expérience.

Lorsque que j’ai commencé ma carrière, j’ai appris sur le tas, car je n’avais pas de formation spécifique. Mais au fur et à mesure, j’ai compris qu’aimer les livres n’était pas suffisant pour évoluer dans ce secteur. J’ai donc décidé d’acquérir des connaissances en bibliothéconomie, c’est-à-dire les techniques et savoir-faire spécifiques à la gestion d’une bibliothèque, un domaine particulièrement vaste. Par exemple, j’ai appris comment réparer les livres papier abîmés ou encore comment paramétrer un catalogue informatisé.
Il y a différents types d’établissement où le métier de bibliothécaire peut s’exercer : dans les bibliothèques de quartier, les bibliothèques d’école, les bibliothèques universitaires, les bibliothèques spécialisées, les bibliothèques d’entreprise, les bibliothèques d’association, etc. Les tâches confiées aux bibliothécaires varient donc selon les endroits, mais leur rôle demeure à peu près identique partout, il consiste à rendre accessible au public des ressources correspondant à ses attentes.

Voici quelques-unes des activités des bibliothécaires :

La sélection de ressources

Les bibliothécaires sélectionnent des livres (papier, numériques ou audio), journaux (papier ou numériques), CDs, DVDs, logiciels, bases de données, etc. Pour ce faire, ils doivent être curieux et se tenir au courant de la vie culturelle et des nouveautés éditoriales. Au moment de choisir ce qui sera intégré au fonds de la bibliothèque, ils doivent faire preuve d’esprit critique et se poser deux questions : Ce document sera-t-il consulté par les lecteurs ? Ce document est-il de qualité ?

Le référencement des ressources

Avant d’être mis à disposition des usagers, les documents sont enregistrés dans un catalogue informatisé. Comment procèdent les bibliothécaires pour l’alimenter ? S’il s’agit d’un livre, ils indiquent notamment le titre, le nom de l’auteur (ou des auteurs), l’éditeur, l’année de publication, ou encore le nombre de pages. Si c’est un enregistrement sonore, ils spécifient le titre, le compositeur, le nom de l’interprète (ou des interprètes), l’éditeur, l’année de publication ou encore le support d’enregistrement.
Souvent, ils décrivent aussi le contenu intellectuel. Par exemple, pour Les Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas, ils peuvent ajouter « roman de cape et d’épée » ou encore « Louis XIII » comme mots-matière. C’est grâce à ces méthodes de référencement que les lecteurs trouvent facilement ce qui les intéresse.

L’accueil et le renseignement bibliographique

Les bibliothécaires doivent être capables d’écouter les demandes des usagers et de les orienter vers les ressources adéquates. Ils peuvent ainsi les conseiller sur le choix d’un roman ou d’un ouvrage de référence avec une thématique particulière.
En tant qu’auteur, lorsqu’on écrit un livre, on a parfois besoin de se documenter sur tel ou tel sujet. Bien sûr, on peut tout simplement aller sur Internet et utiliser un moteur de recherche lambda, mais si on décide de fréquenter une bibliothèque, et pourquoi pas demander de l’aide à un bibliothécaire, il y a de grandes chances qu’on réunisse des informations plus rapidement et que celles-ci soient plus pertinentes, voire plus fiables.

La médiation culturelle

Bien qu’ils le fassent par des moyens variés, les bibliothécaires contribuent généralement à améliorer l’accès à la culture. Grâce à des services comme le portage à domicile, ils apportent directement des ouvrages aux personnes qui ne peuvent pas se déplacer. Les bibliobus permettent aussi d’atteindre plus de lecteurs.
Pour attirer les usagers, les bibliothécaires peuvent organiser des manifestations diverses : des expositions, des « Heures du conte », des débats, des rencontres avec des auteurs, des clubs de lecture, des concours d’écriture, etc. Il arrive qu’ils soient également community managers, car développer la communauté d’une bibliothèque sur les réseaux sociaux permet d’améliorer sa visibilité.

La médiation numérique

Avec l’arrivée des nouvelles technologies, le métier a évolué, et les bibliothécaires sont souvent devenus formateurs. De plus en plus, ils organisent des ateliers où les usagers peuvent apprendre à effectuer des recherches efficaces sur Internet ou encore à utiliser des tablettes.
Le 14 septembre 2013, la Bexar County BiblioTech library, la première bibliothèque sans collections imprimées, a ouvert dans le comté de San Antonio au Texas. Cet établissement ne possède bien entendu pas d’étagères couvertes de livres papier, mais à son ouverture, plus de 10 000 titres numériques étaient déjà disponibles, de même que des ordinateurs ou encore des liseuses. L’équipe de bibliothécaires y a pour mission de permettre l’accès aux nouvelles technologies, de former à leur utilisation, et de promouvoir la lecture, la culture et les loisirs.

À l’heure actuelle, le métier de bibliothécaire est en pleine mutation. Et pour ne pas se laisser dépasser, les professionnels doivent suivre les évolutions et remettre constamment leurs pratiques en question afin de s’assurer qu’elles correspondent bien aux attentes des usagers. Comme on a prédit la mort des livres, on a aussi prédit la disparition de ce métier, mais à mon avis, les bibliothécaires ont encore quelques beaux jours devant eux, surtout s’ils sont prêts à se renouveler.

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Le contrat d’édition – partie 1

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Le contrat d’édition, s’il est largement convoité, est aussi la source de bien des questions. Après tout, la plupart d’entre vous n’en ont jamais signé et les différents points qu’il recouvre ne sont pas toujours très clairs. Difficile de s’y retrouver dans le jargon technique et juridique quand on n’a pas la moindre explication. Voici une série d’articles pour mieux comprendre cette formalité mystérieuse…

1/ Les droits d’auteur

C’est ce à quoi on pense immédiatement quand on parle de contrat d’édition, pourtant ce terme reste imprécis. Alors qu’est-ce que c’est ?

Les droits d’auteur sont l’ensemble des prérogatives exclusives dont dispose un auteur (ou ses ayants droits, en cas de décès par exemple) sur ce qu’on appelle « une œuvre de l’esprit ». Ces droits se divisent en droits moraux et en droits patrimoniaux. Ils vous appartiennent, sans la moindre formalité administrative, dès la création de votre œuvre. Autrement dit, nul besoin de déclarer à quiconque que vous avez écrit un roman pour que vos droits soient reconnus. (article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle qui dispose que « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial »). Cette définition est valable pour toutes les œuvres de l’esprit mais pour des raisons pratiques et contextuelles, je me concentrerai sur l’application éditoriale de ces droits d’auteur.

Les droits moraux

Ils sont au nombre de quatre :

  • Le droit de paternité : en tant qu’auteur, votre nom et votre qualité doivent être mentionnés sans équivoque sur la couverture de votre livre.
  • Le droit de divulgation : vous êtes le seul à pouvoir décider du moment et des modalités de communication de votre œuvre au public. Quiconque le ferait sans votre accord préalable serait dans l’illégalité.
  • Le droit au respect de l’intégrité : vous pouvez vous opposer à toute modification, déformation ou mutilation de votre création, ou à tout changement qui porterait atteinte à votre honneur ou à votre réputation. Personne ne peut vous faire dire ce que vous n’avez pas dit et le détournement de vos propos, sortis de leur contexte, pour en changer le message, est puni par la loi.
  • Le droit de retrait (Attention, ce droit ne s’applique pas dans tous les pays. Il est valable en France, mais pensez à vérifier si vous publiez en Suisse ou en Belgique.) (lié au droit de repentir) vous autorise à retirer votre livre de la vente, mais  moyennant indemnisation de l’ayant -droit. Si vous signez avec un éditeur, vous pouvez donc décider de retirer votre œuvre du circuit commercial mais vous devrez indemniser l’éditeur pour les fonds qu’il a engagés. Ce droit n’existe pas dans tous les pays.

Ces droits moraux sont inaliénables (vous ne pouvez pas les vendre), perpétuels (pas dans tous les pays, mais c’est le cas en France) et imprescriptibles (ce n’est pas parce que vous n’en faites pas usage qu’ils ne vous appartiennent plus.)

Les droits patrimoniaux

Encore une fois, ils sont quatre, dont trois concernent directement l’édition :

  • Le droit de reproduction, c’est-à-dire de copier tout ou partie de l’œuvre sur un support physique
  • Le droit de représentation, qui autorise à communiquer l’œuvre au public (sur un support autre que physique, et qui pourrait s’appliquer aux ebooks, par exemple, mais ce point reste flou)
  • Le droit de distribution, qui vous permet de décider où et dans quelle quantité sera distribuée votre œuvre
  • Le droit de suite, applicable aux œuvres graphiques et plastiques (donc pas les livres) qui permet à l’artiste de toucher un pourcentage lors de la revente de son œuvre.

Ceux-ci, contrairement aux droits moraux, ne sont pas perpétuels. Ils vous sont garantis à vie, puis sont cédés à vos ayants-droits (vos héritiers et/ou votre éditeur) pour une durée déterminée après votre mort. En France, cette durée est de soixante-dix ans.

De plus, les droits patrimoniaux peuvent être cédés ou partagés, moyennant un contrat de cession ou de licence (voir 2/). Ce sont ces droits patrimoniaux qui peuvent vous permettre de gagner de l’argent grâce à vos œuvres.

En effet, en signant avec un éditeur, vous pouvez lui accorder le droit de reproduire et de distribuer votre œuvre. Il devient alors ayant-droit et peut directement exercer ses droits patrimoniaux. Le contrat doit préciser quels droits patrimoniaux vous cédez (vous pouvez n’en céder qu’une partie), quels modes d’exploitation vous autorisez (par exemple, si vous acceptez une exploitation audio-visuelle, ou si vous acceptez la production de produits dérivés, en plus de la publication pure et simple), et quel est le montant de votre rémunération, généralement exprimée en pourcentage du prix de vente de l’œuvre.

2/ Cession ou licence ?

Ce sont les deux formes que peuvent prendre votre contrat d’édition, et la distinction est assez simple : dans le premier cas, vous renoncez totalement à vos droits patrimoniaux d’auteur, dans le second, vous les prêtez.

Si vous signez une cession de droits, l’éditeur a l’autorisation sans limite de durée d’exploiter les droits patrimoniaux sur l’œuvre désignée. Il est propriétaire, au même titre que vous, des droits sur l’œuvre et pourra les exploiter de manière exclusive jusqu’à l’expiration de la validité de ces droits, c’est-à-dire jusqu’à soixante-dix ans après votre mort. Ce n’est pas le cas de figure le plus répandu, notamment au sein des petites maisons d’édition. Ajoutons que si vous êtes un petit auteur (pas petit par le talent, mais par la reconnaissance, bien évidemment 😉 )publié chez un petit éditeur, ce mode de publication n’a pas grand intérêt. Il est surtout profitable à l’éditeur pour de grands auteurs dont l’œuvre a une pérennité assurée. Pas la majorité d’entre nous, malheureusement.

La plupart des éditeurs vous feront signer un contrat de licence, qui mentionnera pour combien de temps vous lui accordez le droit d’exploiter votre œuvre. Un an, deux ans, cinq ans… Tout est question de préférences de l’éditeur et d’exigences de l’auteur. Cette licence s’appliquera sur un ou plusieurs droits patrimoniaux – certains auteurs, par exemple, choisissent d’éditer leur roman en format numérique chez un éditeur et en format papier chez un autre éditeur – et peut comporter une clause de reconduction tacite. Par exemple, vous signez pour un an, et, lorsque cette année a expiré, si vous ne vous manifestez pas pour reprendre vos droits, ils sont à nouveau accordés à l’éditeur pour la même durée. Généralement, si vous souhaitez récupérer vos droits, le contrat comportera également une clause de préavis de quelques mois afin que l’éditeur puisse prendre les dispositions nécessaires à la cessation de commercialisation de votre œuvre.

EDIT: Une cession partielle (c’est-à-dire d’une partie des droits seulement, ou pour une durée limitée), correspond à une licence. Par exemple, si dans un contrat il est écrit « la présente cession est consentie pour une durée de deux années », il s’agit d’une licence pour deux ans. L’erreur terminologique ne donne pas le droit à l’éditeur de s’approprier vos droits indéfiniment, les dispositions du contrat prévalent.

 Suite de la série très bientôt!

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