Mais alors, pourquoi c’est bien ?
(Oui oui, parce que je me doute bien que, à ce stade, tout le monde n’est pas convaincu du bienfait de ce type d’écriture).
Je vais essayer de lister tous les points importants :
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Parce que ça fait lire et/ou écrire des gens qui ne l’auraient pas fait sinon.
Celui-là, il est à mettre en gras, en gros et en clignotant. À relire pour bien le faire pénétrer dans son esprit.
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Parce que c’est un excellent moyen d’expression.
Non seulement tous les sujets sont abordables dans la fanfiction, mais le public est là.
On trouve depuis longtemps dans la fanfiction des sujets et des genres qui ne commencent qu’à peine à être acceptés dans le milieu de l’édition, pour dire. En premier lieu, celui de l’homosexualité : aujourd’hui, on commence à voir du MM ou du FF (male/male, female/female) arriver chez les éditeurs ; dans la fanfiction, ça fait des dizaines d’années que ces types de romance existent et se développent.
On peut prendre aussi le sujet du BDSM, qui est à la mode en ce moment dans les romans érotiques. On considère que la saga Fifty Shades a été un déclencheur mais cette saga n’a été qu’une copie d’autres fanfictions BDSM qui existaient auparavant et qui ont vu le jour non seulement dans le fandom Twilight mais aussi dans d’autres fandoms. Et ces fanfictions ont créé des émules, derrière. D’une certaine manière, on peut donc considérer que le milieu de la fanfiction influence le milieu de l’édition.
Parlons d’un sujet plus tout-public, sinon : les fameuses schoolfics, par exemple. Ça peut faire sourire mais il faut surtout considérer que c’est un excellent moyen pour de jeunes auteurs de parler de leur propre vie, de leurs questionnements d’adolescents, de leurs peurs, de leurs envies… et ce, avec des personnages aisément maniables, pour eux, et un public proche avec qui ils vont pouvoir interagir.
En fait, dans la mesure où il y a une base : 1) personnages et univers aisément utilisables, car déjà définis, 2) public présent déjà séduit par l’univers et les personnages, 3) liberté totale étant donné que, à la différence de la publication payante, il ne se pose aucune question de succès ou de rentabilité pour pouvoir publier, l’étendue des possibilités est infinie.
Et une variété extrêmement importante de sujets peut être traitée ET partagée avec les lecteurs.
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Parce que c’est un formidable moyen de s’exercer à l’écriture.
D’une part, comme cité ci-dessus, c’est plus facile : personnages/univers déjà présents et lecteurs déjà conquis/amoureux de ces personnages et univers… Il faut avouer que ça facilite les choses !
D’autre part, les échanges sont extrêmement nombreux, les auteurs s’entre-commentent, les lecteurs se manifestent aisément… Il y a une très forte émulation entre auteurs. Le fait de lire et de commenter pousse aussi la réflexion sur ce qu’est une bonne fiction, comment en écrire une, comment parvenir à traiter un point précis ou à construire un scénario… Et, extrêmement important, aussi, le fait d’être entre personnes ayant le même niveau, soit le niveau débutant, est beaucoup moins effrayant que de devoir plonger dans un monde d’auteurs aguerris avec qui la différence de niveau serait sidérale.
On trouve de tout, en fait, dans la fanfiction : des auteurs fabuleux (certains de mes auteurs préférés tous types d’écriture confondus sont encore aujourd’hui des auteurs de fanfiction), de tous jeunes débutants extrêmement maladroits, des gens qui n’ont pas encore compris que le SMS était rédhibitoire (ils le comprennent dès les premières tannées qu’ils se reçoivent en commentaire, ceci-dit : pour ça, ça va vite), des gens qui n’ont pas encore une grande expérience mais chez qui on sent l’étincelle magique qui donne envie de les suivre dans l’avenir… C’est formidable, d’ailleurs, de découvrir des auteurs débutants et de les voir évoluer ensuite.
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Parce que c’est un vrai terreau permettant l’émergence de nouveaux auteurs.
Savez-vous que Cristina Rodriguez (Le masque, Flammarion…), Cécile Duquenne (Bragelonne…), Anne Rossi (éditions Harlequin…) ou les vedettes internationales toutes traduites en diverses langues que sont Meg Cabot, Marissa Meyer, Ali McNamara, Naomi NOVIK, Cassandra CLARE, Holly Black, Lois McMaster Bujold, Rainbow ROWELL… ont commencé par la fanfiction ? Savez-vous que les best-sellers mondiaux Cinquante nuances (bon, ok, celui-là, tout le monde le sait), Le divin enfer de Gabriel, La soumise, La cité des ténèbres (le film est sorti récemment) et Beautiful Bastard sont d’anciennes fanfictions ? Et on peut ajouter d’une certaine façon John Scalzi, Neil Gaiman, Orson Scott Card…
Les auteurs faisant leurs classes dans ce domaine ne sont plus dénombrables.
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Parce que c’est un terrain de jeu extrêmement ludique.
Justement parce que tout est possible.
Des jeux sur le plan de l’écriture sont très souvent organisés. La plateforme « LJ » en est pleine, notamment, avec des défis en tous genres. Citons en vrac :
Tous les défis fonctionnant sur le principe du « prompt » : une idée/une phrase/une image sur laquelle écrire un texte, et roulez jeunesse !
Tous ceux sur le principe du « thème », qui peut être changeant (un thème par mois, par exemple, sur certaines communautés d’auteurs LJ), et on écrit une fiction dessus. Exemples de thèmes : les ennemis jurés, l’apocalypse, la nostalgie, le polar…
Tous ceux construits comme de véritables jeux. L’un des défis les plus insolites consiste d’ailleurs à recevoir une carte de bingo, avec des cases dans lesquelles sont notés des thèmes ou des sujets d’écriture, et à écrire une fiction par thème/sujet, de manière à barrer des lignes horizontales, verticales ou diagonales, voire à cocher toutes ses cases de bingo,
Tous ceux représentant de véritables défis personnels, comme tous les groupes proposant d’écrire 30 fictions sur un thème particulier (exemple de la communauté « 30 baisers ») ou 100 fictions en suivant une liste choisie de 100 sujets/thèmes qu’il faut impérativement respecter,
Tous ceux fonctionnant sur le principe d’échange par cadeaux, où l’on peut faire part de ses désirs (« j’aimerais une fanfiction sur le fandom « Sherlock » dans laquelle Holmes se retrouve devant la tombe de Sherlock »…), inventer des prompts à soumettre aux autres auteurs (« fandom : Le seigneur des anneaux, personnage : Legolas, prompt : Si longues sont les années »…) et, bien évidemment, répondre à ces demandes. Il existe même une communauté dont le but est de faire un don annuel à une association caritative en faisant des demandes de fanfiction, d’une part, somme d’argent que la personne est prête à payer associée, et d’autre part en écrivant les fanfictions correspondantes par des auteurs reversant ensuite les sommes récoltées à l’association,
Et il y a aussi des concours variés, avec prix à la clef (un chèque d’achat sur Amazon, une mise en avant de la fanfiction écrite sur un site de publication…), ou non : la seule satisfaction d’avoir gagné le concours pouvant suffire au plaisir de l’auteur.
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Parce que c’est permettre que les personnages et l’univers que l’on a aimés continuent à vivre éternellement.
Et, rien que ça, c’est exceptionnel !
Le mot de la fin
J’ai cité plus haut quelques cas particuliers d’auteurs s’étant positionnés sur le sujet de ce travail de fans, mais j’ai envie d’en citer désormais un autre :
Keno Don Rosa : l’auteur qui a écrit et dessiné La jeunesse de Picsou, adaptée de l’œuvre de Carl Barks. Il a toujours refusé de considérer son travail autrement que comme celui d’un fan, même après avoir été engagé par Disney et malgré le fait que sa vision de la jeunesse de Picsou est estimée quasi universellement comme LA référence. Il cache d’ailleurs systématiquement l’acronyme D.U.C.K dans ses premières pages, en hommage à son maître, ce qui signifie « Dedicated to Uncle Carl by Keno ». Malgré son statut d’auteur plus que reconnu et sa très grande notoriété, ce vieil homme continue donc à se considérer comme un simple « fan », parce qu’il est toujours resté aussi amoureux du travail de Carl Banks et que ce statut de fan est important, pour lui.
Par ailleurs, avoir des fanfictions écrites sur ses œuvres, ce n’est vraiment pas une perte pour un auteur ; au contraire, même : si la chaîne HBO s’est prononcée en la faveur de la fanfiction, ce n’est pas pour rien. Des lecteurs découvrent régulièrement des œuvres ainsi, se mettent à acheter les romans/séries/comics/films concernés, voire militent pour l’édition en français d’œuvres qu’ils ont découvertes par ce biais dans d’autres langues. Pour Le Trône de fer, il m’est déjà arrivé de recevoir un message d’une lectrice m’informant qu’elle avait acheté l’intégrale de la saison 1 de la série suite à une fanfiction qu’elle avait lue de ma part, par exemple, alors qu’elle ne connaissait absolument rien à cette saga auparavant.
Je vais finir sur cette remarque :
Je suis une auteure ayant commencé par la fanfiction et, je peux le dire, si je songe à la récompense ultime que je pourrais recevoir un jour en tant qu’auteur (du genre « fantasme d’auteur »), il ne s’agit pas d’un prix qui pourrait être décerné à l’une de mes histoires, pas plus qu’une émission de télé ou un chiffre de vente à plusieurs zéros. Très honnêtement, ce serait de voir naître des fanfictions sur un roman que j’aurais écrit. Si un jour ça m’arrive, si un jour des personnes développent l’envie de continuer à faire vivre les personnages et l’univers que j’aurais créé, et plus encore si ces fanfictions se développent suffisamment pour faire en sorte que mon univers et mes personnages puissent continuer à avoir une existence propre, là, j’aurais vraiment produit quelque chose de grand.
Pour aller plus loin