De la fanfiction (1/3)

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valéry

Valéry K. Baran est auteure de textes érotiques, allant de la fanfiction aux écrits originaux. Elle est aujourd’hui publiée chez Láska et Harlequin.

La fanfiction, c’est quoi ?

Si on ne sait pas ce que c’est, la fanfiction peut parfois donner l’impression de quelque chose de mystérieux, fait par des gens bizarres, sur des sujets encore plus curieux… Et pourtant, d’une certaine manière, on en a déjà tous lu et vu, tout simplement parce que c’est une part normale de notre culture générale.
Des exemples ?
La transposition futuriste de l’Odyssée d’Homère du dessin animé Ulysse 31 que vous regardiez peut-être quand vous étiez enfant, le film O’Brother des frères Cohen, Phèdre de Racine et Œdipe de Corneille, la série Sherlock avec Benedict Cumberbatch, le roman La solitude du docteur March qui a été couronné par le prix Pulitzer, le roman plus décalé Orgueil et Préjugés et Zombies, la série de romans sur Le gouverneur liée à la série The Walking Dead, la quasi-totalité des comics… Tout ça, c’est de la fanfiction !
Bon, OK, ces œuvres-là n’ont pas le titre « officiel » de fanfiction, mais vous verrez que la nuance est infime. Les œuvres que je viens de citer ne sont pas qualifiées de « fanfiction » pour une simple raison : elles sont commercialisées.
C’est tout. Il n’y a absolument rien d’autre qui les distingue d’une fanfiction.
C’est-à-dire que ce sont soit des œuvres tirées de livres tombés dans le domaine public, donc libres de droits (La solitude du docteur March, Orgueil et Préjugés et Zombies, Sherlock, O’Brother, etc.), soit des œuvres dont la production a tout simplement été décidée en accord avec les ayants droits (les romans tirés de The Walking Dead, tous les comics reprenant en diverses versions Superman, les Avengers, Batman, etc.).
La nuance n’est donc que financière :

  • Si c’est commercialisé, ce n’est pas de la fanfiction ;
  • Si c’est invendable pour une question de droits d’auteur, c’est de la fanfiction ;
  • Si c’est commercialisable mais publié toutefois en lecture libre sur le net (cas des fictions sur Sherlock Holmes ou sur Orgueil et préjugés parues sur les sites de fanfiction, par exemple), c’est de la fanfiction.

C’est donc léger léger sur le plan de la différence, hein ? Pourtant, si on se trouve dans le cas de la fanfiction, les règles auxquelles l’auteur doit se plier sont alors très précises :

  • Écrire un « disclaimer » en entête de ses textes pour indiquer que les personnages et l’univers ne lui appartiennent pas et qu’il ne se fait pas d’argent avec,
  • En aucun cas écrire sur l’univers/les personnages de l’un des auteurs ayant exprimé clairement son refus de voir des fanfictions écrites sur ses œuvres, soit Anne Rice, Archie comics, Dennis L. McKiernan, Irene Radford, J.R. Ward, Laurell K. Hamilton, Nora Roberts/J.D. Robb, P.N. Elrod, Raymond Feist, Robin Hobb, Robin McKinley, Marion Zimmer Bradley et Terry Goodkind (en vrai, il y avait aussi G.R.R. Martin mais, s’il a refusé les fanfictions sur ses bouquins, il ne s’y est pas opposé sur la série adaptée, donc bon),
  • En aucun cas et à aucun moment possible n’en tirer un bénéfice financier.

Exceptions sur ce dernier point : les fanzines, c’est-à-dire ces magazines amateurs édités sur des feuilles A4 agrafées à la main et vendus à la dizaine auprès de fans pour un prix ne remboursant guère plus que l’encre et le papier : toléré.
Deuxième exception : la plate-forme Kindle Words, qui a négocié des contrats avec certains producteurs de série de manière à pouvoir vendre des fanfictions sur leur site et se partager les recettes entre les ayants droits, l’auteur de la fanfiction et Amazon lui-même (ah, Amazon… toujours sur les bons coups pour se faire de l’argent). À noter que ce cas est limité à un nombre de séries se comptant sur les doigts d’une main et uniquement en langue anglaise.
Toute autre vente de fanfiction que vous pourriez croiser est il-lé-gale ! Sachant que la fanfiction en elle-même n’est même pas légale : elle est « tolérée »…
Fin de la séquence juridique.

Alors, du coup, la fanfiction, c’est quoi ?
Eh bien, c’est tout simplement une œuvre tirée d’une autre œuvre. Cas les plus classiques des sujets qui peuvent être développés, en fanfiction :

  • La fin manquante (exemple : quoi ? On ne sait pas encore ce qu’il va se passer à la fin du Trône de fer ?),
  • La scène manquante (dans Avengers, on sait que Loki a-t-il été enlevé par les extra-terrestres mais on ne sait pas pourquoi…),
  • L’idée de suite (et si un anneau du Seigneur des anneaux réapparaissait dans les années 2000 ?),
  • L’angle de vue non abordé (d’accord, dans le dernier tome d’Harry Potter, Harry quitte Poudlard et part chercher les horcruxes. Mais, pendant ce temps-là, la résistance à Poudlard, avec Neville, elle s’organise comment ?),
  • La version alternative (c’est quoi cette fin en eau de boudin de Star Trek into Darkness ? Mais je vais te la réécrire comme ça aurait dû être fait, moi !)
  • Et… et c’est un grooos élément des fanfictions, la romance non développée ET le sexe qui va avec.

Pour la petite histoire, la première fanfiction publiée sur le géant de la fanfiction mondiale, qui est le site fanfiction.net, est une romance entre les personnages de Mulder et de Scully (X-files). Les toutes premières fanfictions publiées que l’on peut dater (si on exclut Racine et tous les autres cas que l’on ne qualifie pas officiellement de fanfictions mais qui n’en sont pas loin du tout) l’ont été sur des séries de science-fiction, avec en tout premier lieu des romances entre les personnages de Kirk et de Spock (Star Trek). Eh oui, déjà. Tout comme le premier film du cinéma comportait déjà le premier effet spécial, les premières fanfictions portaient déjà sur la vie amoureuse, sexuelle et homosexuelle des personnages. On est donc bien d’accord sur le fait que la romance/la sexualité des personnages est LE sujet le plus développé des fanfictions.

Raison (parce qu’à ce point-là de cet article on peut se poser la question) : tout simplement parce que ce qui est intéressant dans la fanfiction, ce n’est PAS de développer ce qu’a déjà développé l’auteur d’origine (ça, ON S’EN FOUT ! C’est déjà là, pourquoi le ferait-on une deuxième fois ?) mais de développer tout ce qui a été caché, tu, et laissé de côté, tout ce qui a titillé l’imaginaire, tout ce qui n’a pas été montré. Et, en 1) la romance, en 2) la sexualité, et en 3) l’homosexualité, c’est typiquement ce qui est sous-entendu, laissé à l’interprétation du lecteur/spectateur et donc ce qui donne envie d’être développé, notamment pour le point 3 qui, jusque-là, était beaucoup caché (actuellement, c’est moins le cas).

Autres sujets fréquents : des dérivations de l’histoire de base. Exemples : transposition dans une autre époque, comme on le voit dans la série Sherlock qui montre une version contemporaine de Sherlock Holmes ou dans le dessin animé Ulysse 31 qui transpose l’Odyssée d’Ulysse dans le futur,. Autre exemple : l’apparition de zombies dans une œuvre n’en comportant pas à l’origine du roman Orgueil, Préjugés et zombies. Et ces dérivations peuvent aller jusqu’à l’écriture de fanfictions qui n’ont plus grand-chose à voir avec l’œuvre d’origine…

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La fanfiction vue par une pas-si-fan

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Prenez une saga à grand succès pour adolescentes et jeunes adultes (et moins jeunes) qui raconte l’histoire d’une fille maladroite qui va vivre chez son père dans une ville paumée. Elle y rencontre le bôgosse du lycée, celui pour qui toutes les filles soupirent, et un ami d’enfance, un bôgosse-en-devenir.1 Elle tombe follement amoureuse du premier qui est en réalité un vampire végétarien qui brille au soleil alors que le second, qui en pince pour elle, est un loup-garou. Vous savez, l’ennemi mortel du premier. Jusque là, tout va bien. (Enfin, pas pour tous.) Maintenant, prenez cette autre saga à succès pour les moins jeunes qui raconte l’histoire d’une jeune fille qui rencontre le bôgosse, non plus du lycée, mais du monde des affaires. Comme dans la première saga, la jeune fille vierge est attirée par le « fruit interdit », mais ne craignez rien, il y aura de quoi colmater la frustration sexuelle causée par la lecture du premier (enfin, pas pour tous).
Qu’ont ces deux histoires en commun ? La seconde saga découle de la première. Un roman somme toute chaste avec des valeurs traditionnelles (le vampire est un puceau de 106 ans qui veut attendre le mariage avant de voir le loup (pas le garou)) écrite par une Mormone est devenu une romance pornographique sado-masochiste. Magie de la fanfiction. Et je me suis souvenue (comme si j’avais besoin qu’on me le rappelle) pourquoi je n’aimais pas la fanfiction ou plutôt, ses dérives.

En classe de quatrième, lorsque nous avons terminé de lire La Nuit des Temps de Barjavel, notre professeur de français nous a demandé d’imaginer ce qui aurait pu se passer avant la scène finale. J’ai changé la fin, bien sûr, je l’ai réécrite de façon plus Hollywoodienne (je n’imaginais pas une seconde que celle que j’allais devenir écrirait parfois des fins comme celle de la Nuit des Temps parce que c’est le bien). C’était ma première et dernière incursion dans le monde de la fanfiction.

Suite à une discussion avec Roxane Dambre, j’ai voulu plonger dans cet univers particulier, pas celui, ponctuel des classes de français en collège, mais l’autre, celui où les auteurs sont sérieux dans leur démarche. Je n’écris pas de fanfics, je ne lis pas de fanfics, je ne suis pas intéressée par les fanfics. Étant farouchement contre l’idée qu’on puisse déformer ce que j’ai choisi pour mes personnages mûrement réfléchis, je voulais comprendre pourquoi la fanfiction avait tant de succès, pourquoi d’autres auteurs (qui ont autant sué pour leurs œuvres que moi) acceptaient, allant même jusqu’à être « honoré » de savoir ses personnages vivre ailleurs que dans leurs livres.
Personnellement, je ne me sentirais pas honorée mais plutôt insultée. Dixit Robin Hobb« Ce n’est pas flatteur, c’est insultant. Toutes les fanfictions que j’ai lues jusqu’à présent, basée sur mon univers ou celui d’autres écrivains, avaient changé le travail méticuleux de leurs auteurs originels pour encadrer avec la fantaisie de l’auteur de fanfiction. Des romances sont inventées, des genres changés, des fétiches créés et les fins sont modifiées. Ce n’est pas de la flatterie. Pour moi, c’est l’auteur de fanfiction qui dit “L’auteur originel a vraiment foiré son histoire, alors je vais la réparer, voici comment elle aurait dû se dérouler”. » Et, n’étant pas toujours sympathique avec mes propres personnages, je comprends les propos de GRR Martin : « Personne d’autre que moi n’a le droit de maltraiter le peuple de Westeros ».

Lorsque je me suis lancée dans l’écriture de La Réelle Hauteur des Hommes, je me suis posée la question de savoir quel était le degré de séparation entre la fanfiction et l’inspiration. Je n’ai jamais caché que l’idée m’est venue en visionnant une scène particulière de la première saison de Games of Thrones (GRR serait fier…). Mais je n’ai pas récupéré le monde, l’histoire ou les personnages de cette scène. Je me suis inspirée d’une phrase, je l’ai transposée dans le monde actuel, et j’ai créé mon histoire.  Je ne suis pas du tout contre l’inspiration, au contraire. Si jamais mes personnages vous incitent à créer vos propres histoires et vos propres univers, là, oui, je serai flattée et très, très, fière.

Avec tous ces a priori, je n’étais pas prête à ce que l’article préparé par Valéry K. Baran me fasse changer d’avis. Je ne lirai toujours pas des fanfics et je ne veux toujours pas des fanfics basées sur mes univers. Mais mes propos seront beaucoup plus nuancés, à l’avenir. (Parce que j’adore Antigone.) (Et parce que j’adore Marvel et j’ai l’impression que les auteurs originels font de la fanfiction avec leurs propres œuvres vu le nombre de versions de chaque personnage.) (Surtout si je veux qu’on adapte mes histoires à la télé…) (Ou au cinéma, je ne suis pas sectaire.)

  1. Il y a pas mal d’histoires construites sur ce schéma, Roxane vous le confirmera. []
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Cindy van Wilder, auteur des Héritiers, NaNoWriMo 2008

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[Espaces Comprises] Cette année, Les Héritiers, premier tome de la trilogie Les Outrepasseurs, est paru aux éditions Gulfstream. De quoi ça parle ?

[Cindy van Wilder] L’intrigue deoutrepasseurs la saga est centrée sur Peter, un jeune garçon qui se retrouve malgré lui impliqué dans une société secrète, les Outrepasseurs, luttant depuis des siècles contre des fés (rien à voir avec ceux des versions Disney, d’ailleurs !). Dans Les Héritiers, l’on découvre les origines du conflit opposant les fés aux Outrepasseurs, ainsi que la malédiction toute particulière qui affecte ces derniers… Mélange de fantasy urbaine et de fantastique, il s’agit d’une saga Young Adult, à partir de 15 ans.

Tu as écrit ce roman, du moins la première version, pendant NaNoWriMo. Pourquoi avoir participé ?

J’avais déjà tenté l’aventure auparavant, mais j’avais lamentablement échoué, faute de préparation et d’enthousiasme ! Donc, lors de l’édition 2008, j’ai voulu renouveler l’expérience – je peux me montrer assez obstinée sur certains points – et cette fois-ci, je n’ai pas lâché le morceau ! Ça a été le début d’une belle aventure.

Est-ce que tu participes encore cette année ? Avec quoi ?

Oui, absolument (c’était la partie facile de la réponse). Avec quel projet… C’est une bonne question ! J’hésite encore entre plusieurs. Tout ce que je peux dire, c’est qu’il s’agira d’imaginaire et de YA, mes genres de prédilection.

Que dirais-tu aux gens qui voient le NaNoWriMo d’un mauvais œil ?

La même chose qu’à ceux qui estiment qu’un livre est mauvais sans même l’avoir ouvert : on essaie d’abord ! Vous verrez bien si cela vous convient ou pas. Je pense aussi qu’il faut bien se dire qu’une recette universelle d’écriture n’existe pas. Chacun écrit à son rythme et selon son propre horaire. Autant ne pas juger ceux qui prennent plaisir au NaNoWriMo et chercher plutôt de son côté son propre rythme de création.

Planifies-tu ton écriture (méthode des flocons ? Synopsis hyper-détaillé) ? Ou avances-tu à l’instinct ?

Un peu des deux, à vrai dire : j’ai besoin de savoir où je vais, mais j’aime également me réserver des plages de liberté. Donc les synopsis détaillés, très peu pour moi ! Je dresse un plan général, qui reprend les grandes lignes de l’intrigue et ensuite, je me lance (en sachant qu’il y aura certainement une case « réécriture » quelque part).

Qu’est-ce qui ne peut pas manquer pendant une séance d’écriture ?

Je n’ai pas vraiment de rituels avant/durant l’écriture. J’écris de préférence dans le calme, mais il m’est déjà arrivé de taper frénétiquement sur le clavier dans les transports publics (les NaNoteurs comprendront aisément pourquoi). En revanche, pas de musique, qui a tendance à me déconcentrer. La présence de ronronnements félins est facultative, mais bienvenue !

Que lis-tu en ce moment ?

Je relis, pour être exacte, le dernier tome d’une de mes sagas phares, A Dance with Dragons, de G.R.R Martin.

Quel a été ton dernier coup de cœur ?

Mon dernier coup de cœur en date, c’est le dernier tome de la trilogie I hunt Killers de Barry Lyga, une saga YA où le fils d’un serial killer se voit confronté à une vague de meurtres dont le modus operandi ressemble étrangement à celui de son géniteur… C’est noir, c’est sanglant, c’est bourré d’humour pince sans rire, bref tout ce que j’aime !

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Les auteurs de SFFFH francophones ont du talent

Gaëlle Dupille est nouvelliste, auteur de La Main du diable et autres contes macabres paru chez L’ivre-Book entre autres. Elle est à l’origine de l’opération Le 1er septembre, j’achète un e-book/livre de SFFFH francophone, et revient, en novembre avec Les auteurs de SFFFH francophones ont du talent.

Du 1er novembre au 1er décembre, par le biais de la communauté  littéraire L’Invasion des Grenouilles,  je propose donc à tous les auteurs de SFFFH[1] francophones qui le souhaitent de poster sur leurs blogs, sites Internet ou pages Facebook l’extrait d’un roman, novella ou nouvelle dont ils sont les auteurs et qu’ils souhaitent faire découvrir à leurs lecteurs (il peut s’agir d’une publication récente ou ancienne). J’ai tout simplement baptisé cette opération Les auteurs de SFFFH francophones ont du talent.
Un événement a été organisé sur Facebook, où il sera possible de s’inscrire en tant qu’auteur (ou lecteur) et de laisser un lien vers le blog, site ou page comportant l’extrait que l’on souhaite faire découvrir.
Afin de montrer que l’on participe, il suffira d’apposer sur son blog/site Internet (ou page Facebook) le logo Du 1er novembre au 1er décembre, je participe à l’opération les auteurs de SFFFH francophones ont du talent, puis, de copier l’extrait de son roman/nouvelle, d’une longueur d’environ 7 000 à 15 000 caractères (espaces comprises). À la fin de l’extrait, un lien vers le site marchand de son éditeur ou d’une librairie sera ajouté afin que les lecteurs puissent directement acheter le roman/novella/recueil, s’ils sont conquis. Voici une belle manière pour les auteurs de SFFFH francophones (déjà publiés ou non) de prouver qu’ils ont du talent.

sfffhLe projet suivant de L’Invasion des Grenouilles se déroulera fin janvier. Il sera très différent puisqu’il visera cette fois à promouvoir la SFFFH francophone auprès des éditeurs anglophones par le biais de l’envoi à ces derniers d’un manifeste, de textes traduits et d’une lettre de soutien signée par des lecteurs, auteurs et éditeurs de SFFFH français, belges, québécois, etc.

 Gaëlle Dupille,

Auteure de SFFFH et créatrice de la communauté L’Invasion des Grenouilles

 

[1] SFFH : science-fiction/fantastique/fantasy/horreur

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Lectrice dans le milieu de l’édition : mon expérience (2/2)

Comment se passe mon travail de lectrice à l’heure actuelle ?

Comme je l’ai expliqué précédemment, ce n’est pas un travail à temps plein, mais qui m’occupe tout de même quelques heures par semaine. Je vais tenter de vous décrire cette activité, telle que je l’exerce depuis début 2014 pour une nouvelle collection de romance française.
On m’envoie donc une série de manuscrits ainsi que des bons de commandes où est indiquée la date de remise de chaque fiche de lecture. La plupart du temps, j’ai au moins deux semaines pour chaque roman (ce qui est beaucoup et pas vraiment monnaie courante, j’en ai conscience), mais je suis souvent plus rapide. Je transfère donc les fichiers sur ma liseuse et je commence la lecture. Avant de m’être envoyés, ces manuscrits ont déjà été présélectionnés, notamment grâce au synopsis requis par l’éditeur.
Ayant moi-même eu des manuscrits rejetés par des comités de lecture, je ne prends pas ce travail à la légère. C’est évident, j’ai plus souvent des mauvaises que des bonnes surprises.
Pour chaque manuscrit, je dois donc faire une fiche de lecture. Si le texte est court, je le lis entièrement avant de commencer à rédiger mon avis. Mais s’il est long, je prends en général quelques notes au fil de ma lecture. En effet, je dois fournir un synopsis détaillé et un descriptif des personnages. La partie la plus intéressante de ce document, c’est celle où je peux donner mon avis. Il ne s’agit pas de dire simplement, « j’aime » ou « je déteste », il est nécessaire que j’avance des arguments pour étayer ma position. Je dois aussi pouvoir évaluer si un manuscrit nécessitera beaucoup ou alors peu de travail éditorial avant publication.
Je ne peaufine pas la rédaction de ces fiches de lecture (elles font en général entre 2 et 4 pages). Je les relis une fois afin de m’assurer que ce soit compréhensible et de supprimer la majeure partie des fautes d’orthographe, mais c’est tout. En effet, le but n’est pas d’écrire moi-même une œuvre littéraire, mais de juger avec efficacité de celle produite par quelqu’un d’autre.
Être lectrice, c’est parfois très frustrant, surtout quand on lit le texte d’un auteur qui s’est sabordé lui-même. Mais même si j’ai envie d’arrêter ma lecture, je ne le fais pas, car je tiens à donner autant de chances à chaque manuscrit.

À mon poste actuel, il m’a fallu plusieurs mois avant de donner un avis positif sur un texte. J’avoue que je commençais à me demander si je ne montrais pas un peu trop dure, si je ne m’étais pas métamorphosée en « piétineuse de rêves en série », puis la pépite est arrivée, le joyau à l’état brut (enfin !). En apprenant qu’une autre lectrice avait totalement détesté ce même manuscrit, j’ai relativisé. Eh oui, tout avis est subjectif.

Mes coups de cœur

L’activité de lectrice nécessite bien entendu une certaine confidentialité, c’est pour ça que j’ai choisi ne pas citer de noms. Au cours de mes quelques années au sein de comités littéraires, je peux tout de même dire que j’ai eu deux coups de cœur littéraires, notamment l’histoire d’un certain Littlejohn et un roman fantastique Young Adults estampillé Cocyclics (qui n’a pas encore été publié à ma connaissance, mais que je courrai acheter en librairie dès sa sortie 🙂 ).

Conclusion

En tant que lectrice, j’ai bien sûr conscience qu’au final, ce n’est pas moi qui déciderai de la publication d’un ouvrage, c’est l’éditeur qui aura le mot de la fin, car mon rôle est purement consultatif. Les retours sur mon travail sont rares, mais ça me fait toujours plaisir quand un livre que j’ai aimé est finalement publié.
Bien entendu, mon expérience de lectrice ne reflète peut-être pas totalement l’expérience des autres personnes exerçant cette profession. N’hésitez pas à partager la vôtre en commentaires si le cœur vous en dit…

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