Conformément au droit d’auteur, nul ne peut utiliser un texte sans l’accord express de son créateur. C’est un principe juridique, autrement dit une règle générale à appliquer dans tous les cas, du moins en théorie car il existe des exceptions au droit d’auteur, définies par l’article L 122-5 du code de la propriété intellectuelle.
La partie qui nous intéresse est l’alinéa 3, qui concerne le droit de citation, aussi appelé droit de courte citation. Décryptage.
1/ Le texte de loi
« Lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire :
[…]
3° Sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l’auteur et la source :
a) Les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées ;
b) Les revues de presse ;
c) La diffusion, même intégrale, par la voie de presse ou de télédiffusion, à titre d’information d’actualité, des discours destinés au public prononcés dans les assemblées politiques, administratives, judiciaires ou académiques, ainsi que dans les réunions publiques d’ordre politique et les cérémonies officielles ;
d) Les reproductions, intégrales ou partielles d’œuvres d’art graphiques ou plastiques destinées à figurer dans le catalogue d’une vente judiciaire effectuée en France pour les exemplaires mis à la disposition du public avant la vente dans le seul but de décrire les œuvres d’art mises en vente ;
e) La représentation ou la reproduction d’extraits d’œuvres, sous réserve des œuvres conçues à des fins pédagogiques, des partitions de musique et des œuvres réalisées pour une édition numérique de l’écrit, à des fins exclusives d’illustration dans le cadre de l’enseignement et de la recherche, à l’exclusion de toute activité ludique ou récréative, dès lors que le public auquel cette représentation ou cette reproduction est destinée est composé majoritairement d’élèves, d’étudiants, d’enseignants ou de chercheurs directement concernés, que l’utilisation de cette représentation ou cette reproduction ne donne lieu à aucune exploitation commerciale et qu’elle est compensée par une rémunération négociée sur une base forfaitaire sans préjudice de la cession du droit de reproduction par reprographie mentionnée à l’article L. 122-10 »
2/ Ce qu’il raconte, en vrai
Ce texte fixe les conditions cumulatives – c’est-à-dire qui s’ajoutent les unes aux autres – que l’on doit remplir lorsque l’on effectue une citation.
« Lorsque l’œuvre a été divulguée »
Cela peut sembler élémentaire (mon cher Watson), pourtant ça ne l’est pas : toute œuvre que vous décidez de citer sans avoir demandé l’accord préalable de son auteur doit avoir été précédemment rendue publique. Toute citation d’une œuvre inédite sans avoir consulté son créateur au préalable et sans preuve écrite de cet accord sera assimilée à de la contrefaçon et punie comme telle. Vous devez respecter le droit de divulgation.
« Sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l’auteur et la source »
Encore une fois, ce sont les bases : le respect du droit moral de l’auteur n’est soumis à aucune condition. Le droit de divulgation a déjà été abordé, il en va de même pour le droit de paternité : si vous choisissez de citer une autre œuvre de l’esprit, pensez à mentionner son titre et son créateur et n’hésitez pas à être précis : ajoutez le nom du traducteur s’il y a lieu, l’édition, le numéro de page, etc. On n’en dit jamais trop.
« Les analyses et […] citations justifiées par le caractère […] de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées »
Autrement dit, vous ne pouvez pas citer autrui à tort et à travers sans la moindre raison valable. Lorsque vous employez les mots de quelqu’un d’autre, cela doit être pour illustrer votre propos de manière pertinente, en appuyant une argumentation ou en démontrant un point problématique. Dans le cas d’une création romanesque, cela peut être pour expliquer d’où vous tenez certaines de vos sources d’inspiration, ou bien par simple souci d’exactitude historique. Nombreux sont les auteurs qui s’inspirent de mythes, de légendes ou de faits réels. Citer des auteurs qui parlent de ces événements est considéré comme pertinent.
Les points b), c) et d) du texte de loi rejoignent le point a) : on considère que la citation utilisée dans un cadre journalistique, politique, administratif, académique ou judiciaire éclaire une démarche (d’information, de débat, d’instruction, etc.) et est donc justifiée.
« La représentation ou la reproduction d’extraits d’œuvres […] à des fins exclusives d’illustration dans le cadre de l’enseignement et de la recherche »
On rejoint ici le point précédent, mais il est important de remarquer que les organismes d’éducation et d’enseignement bénéficient de conditions particulières. En dehors des « œuvres conçues à des fins pédagogiques », les enseignants peuvent utiliser les textes pour leurs cours. Néanmoins, ils doivent pour cela s’acquitter d’une « rémunération négociée sur une base forfaitaire sans préjudice de la cession du droit de reproduction par reprographie mentionnée à l’article L. 122-10 ».
Encore un texte de loi, et oui. Pour vous clarifier les choses, seuls les établissements d’enseignement – désignés comme « société régie par le titre II du livre III et agréée à cet effet par le ministre chargé de la culture » – disposant d’une autorisation du ministère de la culture peuvent reproduire des œuvres littéraires.
« Les […] courtes citations »
C’est là que la loi devient singulièrement imprécise : qu’est-ce qu’une courte citation ? À quel moment cite-t-on une trop longue partie du texte ? Rien ne nous l’indique précisément. C’est à chacun d’apprécier ce qu’il considère comme suffisant : la loi ne tranchera, en la personne d’un juge, que s’il y a poursuites. L’idéal est donc de s’en tenir au « strict minimum », en ne citant que les parties absolument nécessaires du texte utilisé.
3/ Dernières précisions utiles
Ces dispositions relatives au droit de citation ne sont valables que pour les œuvres littéraires, autrement dit, ne sont pas concernées :
- Les œuvres cinématographiques ;
- Les œuvres musicales ;
- Les œuvres graphiques et plastiques ;
- Les bandes dessinées.
Pour ces dernières, le cas est bien particulier car non seulement la reproduction est toujours soumise à autorisation, mais en plus une vignette n’est pas considérée comme un extrait : c’est une œuvre à part entière.
Enfin, retenez bien que tout cela s’applique pour les textes du domaine privé : tout ce qui est du domaine public (et notamment les textes de lois) peut être reproduit dans son intégralité sans autorisation préalable… Et encore heureux, sinon je risquerais des poursuites rien que pour cet article!
Merci pour cet article très intéressant 🙂