Les métiers du livre

Lectrice dans le milieu de l’édition : mon expérience (1/2)

Depuis 2010, je lis régulièrement pour des éditeurs. Ce n’est pas mon activité principale, mais plutôt une activité annexe. Souvent, les éditeurs n’ont pas le temps de lire tous les manuscrits qu’ils reçoivent. Ils délèguent donc une partie de ce travail à des lecteurs et se fient à leur jugement.
J’ai été lectrice en tant que stagiaire, en tant que bénévole, en tant qu’auto-entrepreneur, et plus récemment en tant que salariée (avec le statut de travailleur à domicile). Être lectrice, c’est bien sûr lire des manuscrits, mais surtout donner son opinion sur ces textes. Selon la maison d’édition, la forme donnée à cet avis peut varier. Parfois, on m’a simplement demandé de dire si j’aimais ou pas, mais le plus souvent, on m’a demandé un avis argumenté.

Qu’est-ce qu’un bon lecteur ?

J’ai suivi une formation dans l’édition pendant laquelle on m’a notamment appris à juger du potentiel d’un manuscrit, mais il ne me semble pas que ce soit forcément nécessaire pour devenir lecteur dans ce milieu. J’ai toujours été bon public, et je crois que savoir se montrer ouvert est une qualité importante pour cette activité. Il faut aussi avoir un esprit critique, être capable de repérer ce qui fonctionne (ou pas) dans le fond et dans la forme.

Des manuscrits comme des diamants bruts

Lorsqu’on est lecteur pour une maison d’édition, on reçoit les textes bruts (envoyés par la poste ou par mail), c’est-à-dire qui ne sont souvent pas passés par la moulinette éditoriale. Ces textes sont donc forcément (plus ou moins) imparfaits, et il faut reconnaître ceux qui pourraient être publiables.

Lectrice ici et là

C’est lors d’un stage dans le service jeunesse d’une maison d’édition que j’ai commencé à rédiger des fiches de lecture. Il s’agissait alors de romans en anglais dont l’éditeur envisageait de racheter les droits afin de les faire traduire en français. On ne me donnait pas d’instructions spécifiques, je rédigeais un résumé détaillé, faisais quelques commentaires sur le fond et la forme et surtout donnais un avis quant à une éventuelle publication. En général, ces textes étaient plutôt bons (même si pas forcément sous leur version définitive), car ils émanaient directement d’agences littéraires. Ce travail m’a entre autres permis de découvrir quelques très bons romans Young Adults en avant-première, ce qui était loin d’être désagréable.
Par la suite, j’ai postulé dans plusieurs maisons d’édition, notamment en tant que lectrice. Pour la plupart, les candidats étaient sélectionnés grâce à un test. Dans l’une d’entre elles, on m’a transmis un manuscrit et on m’a demandé de rédiger une fiche de lecture d’après un modèle-type. On m’a ensuite convoquée pour un entretien. En discutant avec le chargé de recrutement, j’ai vite déchanté. On m’a dit que si je souhaitais gagner ma vie avec ce travail, je devrais survoler les manuscrits plutôt que de les lire en entier. On m’a aussi expliqué que je serais davantage payée (3 euros de plus) pour un ouvrage que je jugerais « publiable » que pour un ouvrage « non publiable ». Pourquoi ? Car si un texte me semblait « publiable », je devrais également écrire sa quatrième de couverture.
Heureusement, par la suite, j’ai eu affaire à des éditeurs plus sérieux. J’ai notamment fait partie des comités de lecture de plusieurs petites maisons d’édition qui démarraient, et ça a été une expérience très enrichissante, même si dans ces cas-là, il s’agissait de bénévolat.

Quelle recette appliquer pour obtenir un bon manuscrit ?

En général, il ne me faut que quelques pages pour savoir si je vais aimer un ouvrage. Selon moi, les ingrédients essentiels d’un bon roman sont des personnages attachants (même un tout petit peu, ça suffit) et avec de l’épaisseur, une intrigue qui tient la route (Certains auteurs semblent oublier que « trop de coïncidences tuent la coïncidence ») et un minimum de suspense.
En ce qui me concerne, voici ce qui souvent s’avère rédhibitoire : les incohérences (par exemple, un personnage change soudain de prénom, mais ça, c’est une petite incohérence, j’ai vu bien pire…), les trop nombreuses fautes d’orthographe (un simple passage au correcteur orthographique et une relecture attentive suffisent souvent à y remédier), les personnages stéréotypés à l’extrême et autres clichés en pagaille.
Parmi les défauts récurrents que j’ai rencontrés, il y a les dialogues peu crédibles (souvent trop soutenus) ainsi que les textes qui ressemblent presque à des synopsis et ne comportent que de rares descriptions. Souvent, les auteurs situent leur action dans un contexte, un domaine, une époque qu’ils ne connaissent pas, et s’ils se sont mal (ou peu ou pas du tout) documentés, le résultat peut être particulièrement désastreux. Par exemple, beaucoup d’auteurs francophones choisissent de raconter une histoire se déroulant aux États-Unis sans avoir une vision de ce pays autre que celle véhiculée par les séries ou l’industrie cinématographique. Ils feraient mieux de situer leur action dans un contexte qu’il maîtrise, que celui-ci leur soit familier ou qu’il ait été totalement inventé. Il y aussi ceux qui cherchent à imiter leurs idoles, sans jamais y parvenir ; si on peut bien évidemment s’inspirer des autres, je pense qu’il est préférable de se créer son propre style.

À suivre…

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11 réponses à Lectrice dans le milieu de l’édition : mon expérience (1/2) incluant les trackbacks et les pings.

  1. Pourquoi cela m’interpelle-t-il ?

  2. Cécile Ama Courtois a dit :

    Un article et un point de vue très intéressants. Merci au passage pour les bons conseils !

  3. Kanata a dit :

    La suite ! La suite !
    Le personnage est attachant, et il y a du suspense 😉

  4. Merci pour ces commentaires. Cher Kanata, le prochain épisode devrait être diffusé en cours de semaine prochaine, patience… 😉

  5. Marie GUFFLET a dit :

    Ouha merci pour cet article pertinent ! Moi je rêverai de devenir lectrice dans une maison d’édition et que mes livres soient publiés.
    Merci pour ce site et ces conseils !

  6. LAVRUT a dit :

    Bonsoir,
    Je souhaiterai étudier les métiers du livre après le lycée, mais je n’ai pas beaucoup d’idées quant aux chemins à prendre pour y parvenir : FAC? DUT? Ecole de commerce ou de communication et information? Licence, Master? C’est compliqué… Pourriez-vous me conseiller s’il vous plaît? Merci beaucoup…
    C.L.

  7. Sara Bcr a dit :

    Bonjour, dans votre article, vous expliquez que vous avez eu l’opportunité d’obtenir un stage en tant que lectrice au sein de la section jeunesse d’une maison d’édition ; c’est quelque chose que j’aimerai vraiment faire, en ce sens où j’ai pour désir d’en apprendre davantage sur ce métier peu connu. J’adore lire. Je dévore littéralement les bouquins, et notamment les « Young adults ». Je divague au gré des mots, des stylistiques hétéroclites et de protagonistes travaillés.
    Je m’adresse donc à vous, afin de savoir si vous pouviez me transmettre certains de vos contacts ?
    Mes salutations les plus sincères.

    • Florence C. a dit :

      Bonjour,
      Si vous souhaitez faire un stage, ça doit normalement être dans le cadre d’une formation. Vous trouverez des offres de stage sur le site de l’Asfored et d’autres sites. Vous pouvez aussi soumettre des candidatures spontanées aux éditeurs, c’est comme ça que j’avais trouvé le mien.

    • Camille Lefort a dit :

      Je sais qu’une maison d’édition recherche des passionnés de lecture comme vous; Elle est jeune et dynamique. Prenez donc voir, contact avec elle. Le mail : dessabba@gmail.com, au Havre

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