Méthodes

Scénarisation, la dramaturgie au service des auteurs – OUVERTURE

This entry is part 1 of 9 in the series Scénarisation, la dramaturgie au service des auteurs

Ouverture – Les fondamentaux

Vous avez aimé la série d’articles « La méthode dite « du flocon » expliquée et illustrée » ? Eh bien, je réitère, mais cette fois, au lieu de traiter directement du roman, je vous propose de découvrir la conception scénaristique.

NOTE : ami romancier, ne passe pas ton chemin si vite, il y a beaucoup à glaner pour toi dans ce qui suit. Car c’est en effet l’art de la dramaturgie que nous allons explorer ensemble, le savoir-faire des conteurs d’antan, la genèse de toute histoire, qu’elle soit destinée à être lue, vue ou entendue. Qui plus est, je ferai plus tard une récap hybride pour explorer le meilleur des deux mondes et utiliser les mécanismes de la dramaturgie dans un contexte purement littéraire. (Pour une simple raison de vocabulaire, cette série sur la scénarisation en est en quelque sorte le prérequis.) Sur la forme, même combat que pour la série du flocon : reprise complète de mes notes accumulées sur le sujet depuis des années, indigestes, compréhensibles de moi seul – et encore… – pour arriver à une fiche synthétique de 6 pages (3 pages de « méthode », et 3 pages de lexique, car la scénarisation est un univers avec un vocabulaire bien à part). Cette nouvelle série d’articles se propose de détailler la méthode relative à cette fiche (que je vous fournirai bien entendu à la fin) au long de neuf articles qui seront composés ainsi :

  • Cette ouverture, pour cadrer le contenu et les attentes ;
  • Le lexique – une fois n’est pas coutume il sera dévoilé au début pour vous permettre de suivre les articles confortablement ;
  • Un article pour chacune des 6 étapes de la méthode ;
  • Un fondu au noir pour conclure le tout, mettre les annexes, références et documents.

Je n’ai pas la connaissance infuse, ce qui va suivre est le fruit d’années à glaner des infos sur la scénarisation et la structure dramatique, majoritairement outre-Atlantique, mais amplement pondérées par des ressources francophones (je me suis notamment payé toute la traduction des termes, parce que mes notes et brouillons étaient tous en anglais…). Il s’agit donc bel et bien de partage d’expériences personnelles et non d’un cours magistral. Après tout, il y en a dont c’est le métier et qui feront ça bien mieux que moi. Si j’ai une ressource principale à citer, c’est Aristote. Vous comprendrez que je peux difficilement lui avoir demandé son accord pour rebondir sur ses préceptes. Le philosophe antique sera amplement crédité avec mes autres sources à la fin de cette série. Sur ce, amorçons la bobine.

« Silence, on tourne ! »

L’effort temps à investir est évidemment dépendant du projet. Je vous annonce une fourchette de 100-125 h qui représente la phase de préparation pour un récit classique sans trop de recherches et mené par un scénariste en herbe. Oui, « préparation », je vous le confirme, vous n’aurez pas écrit une seule ligne de votre premier jet en sortant de cette méthode. Et ce n’est rien. Plus vous passerez de temps sur cette phase de conception, et meilleur sera votre script. Il n’y a pas de victoire rapide dans ce domaine, ce n’est pas un jeu d’arcade, c’est un jeu de rôle en ligne, ça n’en finit pas de progresser…

C’est sans polémique

Dans l’univers de la scénarisation, la question de « structurer sa créativité ou pas » n’a pas lieu d’être comme en littérature. C’est une approche hautement technique de l’écriture, ciblée sur des résultats visuels (théâtre, cinéma, télévision). Aucun script digne de ce nom n’est écrit sans structure, c’est tout bonnement impossible puisque le scénario n’est pas un produit fini, mais l’un des outils d’une très longue liste nécessaire à la production. Son seul but : donner un récit avec lequel le reste de l’équipe peut faire un film… En cela, il se doit d’être structuré, facile à lire et cohérent.

La philosophie de cette méthode

Elle tient en un nom, et je l’ai déjà mentionné : Aristote. Il s’agit ni plus ni moins de la dramaturgie grecque. Comprenez bien que celle-ci a beau être créditée à Aristote, elle n’a pas subitement vu le jour en 350 av. J.-C. Elle est le fruit de milliers d’années de tradition orale des conteurs antiques. Elle est la quintessence de ce qui fonctionne pour véhiculer de l’information visuellement et oralement pour marquer les esprits. À savoir : conflit, action et émotion, hiérarchisés dans un ensemble structuré adapté à l’étroitesse de nos esprits : début, milieu, fin. Dans le récit, tout est conflit (obstacles vs objectifs) et action (agissements, progression). Il faut du conflit (au sens large) dans tout récit, c’est ce qui crée les émotions et fait vivre l’histoire. Attention cependant, conflit n’est pas forcément synonyme d’agitation forte type bagarre et poursuite, au contraire, ceci est la manière la plus faible de représenter du conflit. Et il faut de l’action pour gérer ce conflit (encore une fois, au sens « agissements » du terme et non « agitation »). Si le protagoniste ne fait rien, le récit s’enlise. Le précepte « ne dites pas, montrez » est capital en scénarisation. Exposition, caractérisation, atteinte des objectifs, tout doit passer au maximum par une mise en action des personnages.

Trop de blabla

Je sais, ça fait beaucoup de vocabulaire d’un coup – d’où le lexique qui fera l’objet du prochain article –, et puis je m’adresse à des scénaristes, il vous faut sans doute du visuel… Eh bien prenez donc ça :

Ha ! ben oui, c’est du lourd… La bonne nouvelle, c’est que si vous suivez cette série d’articles jusqu’au bout, vous comprendrez la totalité de ces trois graphiques qui résument tout. La mauvaise… c’est que vous ne couperez pas au lexique et à beaucoup de texte explicatif… désolé, l’image ne fait pas tout, et si vous ne supportez pas de lire, vous devriez changer d’occupation, car un scénariste lit autant si ce n’est plus qu’un romancier… 😉

Avertissement

Le document final – et ses six étapes – sera condensé au plus haut point, ce qui lui donnera des allures de méthodologie pointue, rigide et contraignante. Ne vous laissez pas avoir. Le but est d’aider à la conception, jamais de brimer la créativité. Je le répéterai souvent dans les articles, mais n’aurai pas la place de le faire dans le document final : Ne brimez jamais votre désir d’écrire !

Les exemples

La filmographie des dernières décennies nous offrira pléthore d’exemples populaires pour illustrer mes propos, au besoin j’utiliserai mon propre travail de préparation exécuté sur le scénario de « Hack Back ».

Rendez-vous la semaine prochaine pour découvrir le vocabulaire passionnant de la dramaturgie.

Series NavigationScénarisation, la dramaturgie au service des auteurs – LEXIQUE >>
Print Friendly, PDF & Email
Cet article a été posté dans Méthodes et taggé sous , , , , . Ajouter le permalien aux favoris.
Partager !
Print Friendly, PDF & Email

2 réponses à Scénarisation, la dramaturgie au service des auteurs – OUVERTURE incluant les trackbacks et les pings.

  1. Colette a dit :

    Le schéma sur le niveau d’information est directement tiré de « La dramaturgie » d’Yves Lavandier. Je suis sidérée que vous ne citiez qu’Aristote comme source d’inspiration !

    • Kanata a dit :

      En effet, Lavandier étant une référence francophone de la dramaturgie, il serait étonnant que certains de ses propos ne se retrouvent pas dans une série sur la dramaturgie.
      Cependant la dramaturgie n’est pas une science, ce n’est comme si Lavandier avait inventé ces concepts (qu’il a grandement adapté de la culture hollywoodienne).
      Pour référence, toute cette série est un amalgame de divers intervenants sur le sujet :

      Yves Lavandier
      Jean-Marie Roth
      Dominique Parent-Altier
      Syd Field
      William Froug
      Randy Ingermanson
      David Trottier
      Anne Frank
      Joseph Campbell

      Tous porteurs d’une vision plus ou moins moderne et affinée de la dramaturgie grecque (Aristote n’en étant lui même qu’un simple porte-parole).
      Cependant, mea-culpa, j’ai pour habitude de citer mes sources. il faut dire qu’après 20 ans à naviguer sur le sujet, c’est parfois difficile de retrouver les origines exactes de ce que l’on sait.
      À titre personnel, je considère par ailleurs Yves Lavandier comme le meilleur vulgarisateur francophone que j’ai pu lire sur le sujet.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *