Si je vous dis tiret cadratin, tiret semi-cadratin (ou demi-cadratin), trait d’union, j’imagine que ça vous évoque quelque chose… Cependant, dans les manuscrits que je corrige, je vois souvent les uns employés à la place des autres. L’exemple le plus marquant : le trait d’union employé à la place du tiret cadratin (ou tiret long) dans les dialogues.
– Vous avez écrit cet article à deux heures du matin, n’est-ce pas ?
– Voyons, qu’est-ce qui vous fait dire ça ?
Bien entendu, c’est le tiret cadratin qui doit être employé pour les dialogues et non le trait d’union.
— Vous avez écrit cet article à deux heures du matin, n’est-ce pas ?
— Voyons, qu’est-ce qui vous fait dire ça ?
Une autre erreur courante : utiliser le trait d’union pour les incises – non, mais vraiment, les exemples dans cet article sont tout pourris – au lieu du tiret cadratin ou du tiret semi-cadratin – c’est quand même plus présentable comme ça. (Les deux premiers sont des traits d’union, je précise car la mise en page de WordPress les fait sauter automatiquement, la preuve s’il en fallait encore une qu’il ne faut vraiment pas les utiliser à la place des tirets cadratins ou semi-cadratins.)
Oui, j’ai bien dit cadratin OU semi-cadratin. Il est courant à présent d’utiliser le semi-cadratin (tiret moyen) pour les incises, mais il est tout à fait correct de lui préférer le cadratin.
Le tiret cadratin
Il est utilisé dans les dialogues, pour les incises, mais aussi pour l’énumération et parfois même pour marquer l’interruption (il existe d’autres usages, mais qui ne sont pas pertinents en littérature). Dans les dialogues, il s’utilise dans la présentation moderne sans les guillemets. Chaque tiret marque une nouvelle réplique et il s’utilise également dans la présentation classique avec les guillemets. Dans ce cas-là, le premier tiret cadratin est remplacé par les guillemets ouvrants (cf l’article sur les normes orthotypographiques).
Le tiret semi-cadratin (ou demi-cadratin)
Il est à présent utilisé la plupart du temps pour marquer les incises, même si sa fonction première était plutôt une fonction de liaison, qui intervenait dans certains cas où le trait d’union aurait prêté à confusion. Exemple : la station de métro Champs-Élysées–Clémenceau (trait d’union puis tiret semi-cadratin), qui peut aussi s’écrire Champs-Élysées – Clémenceau. (trait d’union, puis espace insécable, trait d’union, espace insécable)
Il est parfois utilisé par certaines maisons d’édition pour marquer les dialogues. C’est un choix purement esthétique et qui permet aussi de gagner un peu de place (d’ailleurs, le tiret semi-cadratin a remplacé le tiret cadratin pour cette raison, d’abord dans le journalisme et les magazines où les colonnes étaient étroites, puis cette habitude s’est étendue au monde de l’édition littéraire).
Le trait d’union
Comme son nom l’indique, c’est un trait qui sert à unir deux mots… Vous savez tous de quoi il s’agit, donc la chose à retenir, c’est : ne l’utilisez ni pour les incises ni pour marquer les dialogues.
Mais le cadratin, c’est quoi, au juste ?
Le cadratin est une mesure de « blanc ». Dans l’imprimerie au plomb, il s’agissait d’un caractère ayant une longueur égale à la force du corps utilisé, et qui servait à insérer un blanc. On entend (et on lit) parfois que le cadratin (em) occupe le même encombrement que le M. C’est inexact. De même que le semi-cadratin n’occupe pas l’encombrement du N. Dans un texte écrit en corps 10 points, la longueur du cadratin sera de 10 points. Le semi-cadratin mesurera traditionnellement la moitié du cadratin (soit 5 points), mais en réalité, il est souvent un peu plus long que ça.
Et on fait ça comment ?
Je ne vais pas vous faire l’affront de vous expliquer comment faire un trait d’union.
Pour le tiret semi-cadratin, la combinaison de touches sur Windows est alt + 0150 (sur le pavé numérique). Bien souvent, Word (ou le logiciel de traitement de texte que vous utilisez) transformera à votre place un trait d’union utilisé à la place d’un tiret semi-cadratin. Sur Word (version Windows), vous pouvez également insérer un tiret semi-cadratin en tapant ctrl + – (mais il faut bien prendre garde à utiliser le – du pavé numérique et non celui du trait d’union).
Sur un Macintosh, c’est plus simple, et il vous suffira d’utiliser la combinaison de touches option + trait d’union.
Pour le tiret cadratin, la combinaison de touches est alt + 0151 pour un PC. Sur Word (version Windows), vous pouvez utiliser ctrl + alt + – (avec le – du pavé numérique). Sur le Macintosh, option + shift + trait d’union.
Ces manipulations peuvent vite devenir pénibles, surtout que Word va avoir tendance à vous mettre en forme votre dialogue n’importe comment. Ma petite astuce un peu barbare mais rapide : utiliser autre chose pour marquer les tirets cadratins et les tirets semi-cadratins en cours d’écriture, et les remplacer ensuite par un simple « rechercher-remplacer ». L’intérêt, c’est la rapidité, donc n’allez pas chercher un caractère bizarre, vous pouvez simplement prendre une combinaison de deux lettres qui ne se retrouvent jamais ensemble dans la langue française.
Ma méthode : pour le —, j’utilise Qq (qui se trouve être la première lettre de mon clavier car je n’utilise pas un AZERTY mais un QWERTZ), et pour le –, Ww (deuxième lettre de mon clavier). Je vous déconseille toutefois le Ww, car si vous avez tout d’un coup une adresse web dans votre texte pour une raison ou pour une autre, ça vous la transformera en –w, donc pas trop pratique. Mais Yy, par exemple, fonctionne bien.
Et les espaces, dans tout ça ?
Pour les cas qui nous intéressent, le tiret cadratin de dialogue n’est précédé de rien et suivi d’une espace insécable. Lorsqu’il est utilisé en tiret d’incise, il est précédé d’une espace insécable et suivi d’une espace sécable (ou d’un autre signe de ponctuation, comme une virgule).
—^sVotre dialogue ici → rien, cadratin, espace insécable
Cette phrase va comporter une incise^s— ou pas. → insécable, cadratin, sécable
Et soyons fous^s— ou pas^s—, et mettons des virgules. → insécable, cadratin, sécable, incise, insécable, cadratin, virgule
Le semi-cadratin utilisé en tiret de dialogue n’est précédé de rien et suivi d’une espace insécable, et précédé d’une espace insécable et suivi d’une espace sécable (ou d’un autre signe de ponctuation) lorsqu’il est utilisé en incise. Lorsqu’il joint deux mots, il n’est ni précédé ni suivi d’une espace.
Le trait d’union n’est ni précédé ni suivi d’une espace, sauf dans quelques rares cas.
En règle générale, votre traitement de texte s’occupera de ça tout seul comme un grand. 🙂
Pour les dialogues, j’utilise un guillemet ouvrant (avec la conversion automatique en guillemet français, ça me met l’espace insécable), et quand j’ai fini mon dialogue, je reviens dessus et je remplace à la main par autant de cadratins que nécessaire. Je suis une grosse maso.
Ah ça, pour être maso ! 😉
J’ai pris l’habitude d’utiliser le code ALT quand je vivais en Afrique du Sud et avais besoin des accents. Depuis, que je tape — ou œ me revient automatiquement, je ne cherche même pas à chercher des raccourcis…
Moi aussi, j’utilise les guillemets (français, hein, on ne va pas utiliser de ces guillemets d’importation qui ne sont que de la camelote) ouvrants et fermants là où il faut, et le cadratin m’est cher. La disposition moderne des dialogues sans guillemets me hérisse (parce que je suis traditionaliste), d’autant que pour certaines incises dans le blabla des olibrius fictifs peuvent être confondues avec ce qu’ils sont en train d’éructer, et, insisterai-je, parce que l’élégance intrinsèque du guillemet français mérite d’être préservée envers des usages contemporains qui confinent au vulgaire.
Pour obtenir mes tirets cadratins et semi cadratins, j’ai de mon côté opté pour la correction automatique: — = – et — = —. Ce qui est un peu moins maso, quoique.
Ah oui, j’oubliais que WordPress vous corrige des trucs sans prévenir, alors je précise: deux tirets tout simples deviennent tiret semi-cadratin, trois se métamorphosent en grandiose cadratin.
Pour la théorie, c’est bon. Mais un grand merci pour la mise en pratique. Fini les listes, pour faire office de dialogue. Un simple ctrl alt – et c’est réglé.
Ness, tu es une mère pour nous tous 😀
Qu’est-ce que j’ai pu en baver avec ces histoires de tiret !!!
Si seulement vous m’aviez pondu cet article il y a un an ! Mais maintenant, c’est bon. J’ai programmé mes options word en fonction et ça va tout seul !
Tu peux venir sur mon mur pour donner quelques explications ? Il y a des choses que nous ne comprenons pas trop…
Merci pour les codes parce que sur mon portable j’ai pas de pavé numérique et je savais pas faire le quadrin xD
Et un trait d’union entouré d’espaces devient un tiret moyen…
Bonjour, juste pour signaler que sur les MACs, en tout cas sur le mien (clavier QWERTY canadien (avec des touches dédiées pour ùçàèé)) le semi-cadratin et cadratin sobtiennent par OPTION + = et OPTION + MAJ + =
Alors c’est différent sur les QWERTY canadiens français. Je suis sur Mac, sur clavier QWERTZ français, et pour moi, c’est bel et bien opt + maj + – ou opt + – (donc comme sur AZERTY) (le opt + maj + = me donne un truc qui n’a rien à voir). Ce serait intéressant de faire un tableau récapitulatif pour les claviers utilisés par les francophones. Je m’en occuperai un jour si j’ai le temps.
Merci. Je recommande le clavier qwerty canadien français pour tous les francophones qui ne sont pas effrayés par le qwerty. La présence de touches dédiées pour éèàùç… change vraiment la vie!
Bonjour,
Sous LibreOffice, pour obtenir un tiret semi-cadratin en début de dialogue, il suffit de taper deux fois un tiret et le logiciel effectue aussitôt un remplacement automatique (il faut au préalable activer et paramétrer les options de correction automatique). Je suppose qu’on peut paramétrer les préférence de correction pour effecteur le remplacement avec un cadratin à la place.